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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/865

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PAUVRES (LES) ET L ÉGLISE

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par un vœu irrévocable au service des pauvres et des malades.

Il ne restait plus, pour assurer la perpétuité de l’œuvre et sa stabilité, qu’à dresser des Constitutions et régler le bon fouctionneuienl de l’Institut. Vincent de Paul, sur les instances de Mlle Le^ras, abandonna son projet de placer les Filles <le la Charité dans chaque diocèse sous la direclion des évéques, et consentit à devenir leur supérieur pour conserver l’unité de l’œuvre. L’archevêque de Paris approuva et, à la mort du saint, son successeur dans la direction des Prêtres de la Mission se chargea également de la conduite de la congrégation, féminine ; il en est de même aujourd’hui, et le supérieur général des Lazaristes est en même temps supérieur général des Filles de la Charité.

Quelle est la fin de la Compagnie ? Un texte de saint Vincent de Paul nous l’explique ; il est tiré des conférences qu’il faisait àses (illes à la Un de sa vie :

« Les Chartreux, leur dit-il, ont i)our lin principale

une grande solitude pour l’amour de Jésus-Christ ; les Capucins la pauvreté de Notre Seigneur ; les Carmélites une grande mortification pour faire pénitence et prier pour l’Eglise ; les Filles de l’Hôlel-Uieu le salut des pauvres malades : vous, mes Filles, vous vous êtes données à Dieu pour assister les pauvres malades, non quelques-uns et en une maison seulement, comme celles de l’IIôlel-Dieu, mais les allant trouver en leur maison et les assistant tous avec grand soin, comme faisait Notre-Seigneur sans acception, car il assistait tous ceux qui avaient recours à lui. Ce que voyant, il a dit : Ces lilles me plaisent, elles se sont bien acquittées de cet emploi, je veux leur en donner un second » ; et c’est celui de ces pauvres enfants abandonnés qui n’avaient personne pour prendre soin d’eux. Et comme il a vu ipievous aviez embrassé ce second emploi avec charité, il fi dit : « Je veux leur en donner encore un autre. » Oui, mes Filles, et Dieu vous l’a donné, sans que vous y eussiez pensé, ni Mlle Legras, non plus que moi. Mais quel est cet autre emploi ? CesiVassislance des pam’res forçats. O mes filles, quel bonheur pour vous de les servir, eux qui sont abandonnés entre les mains de personnes qui n’en ont aucune pitié 1 Je les ai vus, ces pauvres gens, traites comme des bctes. Un autre emploi qu’il a voulu vous donner encore est celui d’assister ces pauvres vieillards du Nom de Jésus (aujourd’hui les Incurables) et ces pauvres gens qui ont perdu l’esprit. Quel honheur et quelle grande faveur I » Et Vincent exhortait ses Ulhs à j)enser, en allant voir ces pauvres fous, à honorer en eux la sagesse incréée d’un Dieu qui a voulu êtie traité d’insensé.

Il ajoutait : a Voilà donc vos fins, mes Filles, jusqu’à présent. Nous ne savons si nous vivrons assez longtemps pour voir si Dieu donnera de nouveaux emplois à la Compagnie… « et bientôt, en effet, les Filles de la Charité devaientavoir un nouvel emploi. En iG58, on songe à elles pour soigner les soldats blessés, transportés à Calais après la prise de Dunkerque et la bataille des Dunes. Anne d’Autriche demande à Vincent des Filles de la Charité. Le saint en envoie quatre. An bout de quelques jours, deux avaient succombé à d’excessives fatigues. On en demande deux autres. Vingt se présentent pour les remplacer. Ce geste bien français, qui s’e.st renouvelé tant de fois depuis, n’est-il pas le même que celui du soldat qui, voyant tomber un de ses camarades, prend aussitôt sa place sans souci du danger ? … Cet apostolat sur les champs de bataille, les Filles de la Charité l’ont toujours exercé depuis 1658.

Du vivant même de saint Vincent de Paul, les Filles de la Charité créèrent de nombreux établissements en France et jusqu’en Pologne, oii elles fondaient une maison à Varsovie, dès 165a. Aujourd’hui elles sont plus de S.J.ooo — une armée — répandues dans le monde entier, où leur cornette blanche suscite partout des sentiments de respect et de vénération, comme l’a proclamé solennellement S. S. le Pape BenoIt X’V dans les lettres de Béatification de LouisK DB Mahiixag, le g mai uj20 : « Parmi les familles religieuses insliluées par Dieu au cours des siéclis, non seulement pour le bien et l’ornement de son Eglise, mais aussi pour l’édification et l’utilité de lu société humaine, assurément la très illustre société des Filles de la Charité occupe une place de choix. Cette communauté compte, en effet, jusqu’à 37.000 sorars répandues d’une façon merveilleuse dans toutes les parties du monde catholique : dans les écoles, les orphelinats, les hospices pour enfants trouvés, les hôpitaux, les prisons et même dans les camps, au milieu des soldats, elles remplissent les offices de la charité chrétienne, forçant, à juste titre, l’admiration de tous. »

5" L exercice pratique de la Charité au XVII’siècle . — Les idées charitables de l’époque.

Si le XVII* siècle charitable se résume. en saint Vincent de Paul, c’est qu’au milieu de misères sans nom, ce grand homme apparutcomme la providence des malheureux et exerça son activité bienfaisante dans tous les domaines du vaste royaume de la charité. Prenant son point d’ai)pui dans la sainteté, son action sociale universelle fut centuplée par les concours que lui prêtèrent l’autorité royale et surtout la puissante association des confrères du Saint-Sacrement. Des millions et des millions de livres lui passèrent par les mains, parce que le prestige de sa vertu inspirait confiance à tous et qu’il apparaissait comme l’incarnation vivante de tous les bons désirs, de tous les sentiments de pitié dispersés dans les âmes les plus belles et les plus généreuses de son siècle.

Le mal était immense. La réplique de la charité fut sublime. Si l’Allemagne et diverses nations de l’Europe furent cruellement éiirouvées pen.lant la guerre de Trente ans, la France connut durant cette longue période etaumilien des troubles de la Fronde des horreurs effroyables. Les bandes luthériennes du baron d’Erlach commirent en 16^9 dans le Laonnois des excès tels qu’on pourrait douter delà véracité des historiens, si la guerre de igi^-ifiiS ne les avait vus reparaître. La Picardie, la Champagne, la Bourgogne et la Lorraine, saccagées par les Espagnols, les Suédois, les Allemands, les Autrichiens ou les Croates, « s’en allèrent en désert » ; plusieurs milliers de villages y furent « brusics, ruinés etabandonnés .>, et lorsqu’on lit sur pièces d’archives les détails de ce* horribles calamités, l’évocation de la dernière guerre se fait tout naturellement devant l’esprit. La France et l’Europe ont, en effet, revu comme autrefois, des foules de « pauvres gens mouransde faim ». Alors, comme aujourd’hui, le prix des vivres iivait considérablementangmenté : la douzaine d’œufs qui se vendait 12 sols en 1635, monlait en 1636à 50 sols et un œuf fraisa 6sols ; un lièvre passait de 12 solsà5 livres, un ponletde 10 sols à 3 livres 10 sols ; une perdrix de ib sols à t livres (Arch. des Afj. Elrang. France, 818, f" 55). La similitude des épreuves nous permet de comprendre facilement les malheurs des « réfugiés » et les horreurs des « pays dévastés ».

Mandaté à la fois par une ordonnance du ftoi du 14 février 1651, et par ses pieux et discrets confrères