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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/88

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MARIE, MÈRE DE DIEU

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elle demeure viorffô après la maternité, ce n’est pas fiiute d avoir coiiLribué de ses entrailles, comme une mère. Mais parmi nous, pas d’ambiguïté, pas d’échappatoire cachée sous des mots à double entente : la lumière est lumière, les ténèbres sont ténèbres ; oui est oui ; non est non ; lo reste vient du malin. Celle qui a enfanté a enfanté ; si elle était vierge quand elle conçut, elle cessa de l’être quand elle enfanta. Elle cessa d’être vierge, par le fait que son corps s’ouvrit pour donner passage à un homme ; peu importe qu’il soit entré ou sorti ; l’homme brisa le sceau de sa virginité…

Contemporain de TertuUien, le docteur romain saint HiPPOLYTK, non content d’insister fréquemment sur le rôle maternel de Marie, aime à en détailler les conséquences pour la rédemption du genre humain, et présente à ce sujet plusieurs vues originales. Il décrit l’Incarnation comme les noces du Verbe avec l’humanité : le Verbe divin.puresprit, revêtune chair sainte prise de la Vierge sainte, comme un liancé revêt une robe nuptiale. Demonstratio de Chrisio et Antichristo, iv, éd. Achelis, p. 6 ; P. G., X, ’jSî 15. Il ramène assidûment la conception de deux avènements successifs du Verbe : l’un qui se fait par la création, l’autre qui se fait par l’Incarnation ; il établit même un lien inattendu entre ce dernier avènement et la dénomination de Fils, allirmant que le Verbe ne devient liU au sens plénier qu’en s’incarnant au sein de la Vierge. Adv. Noetum, xv, P. G.. X, 824 BG ; Comment, in Danielem, passim. Cf. d’Alès, Théologie de saint Hippolyte, p. a5 et 180, Paris, 1906.

Un fragment d’Hippolyte sur le Cantique de Moïse, (Deut., xxxui, 26), conservé par Théodorkt, Erunistes. Il, éd. Achelis, p. 83, P. G.. LXXXllI, i^S, met en lumière ce rôle de la Vierge :

Celui par qui le premier homme, étant perdu et enchaîné dans la mort, fut arraché du fond de l’Hadès, celui qui descendit d’en haut et releva ce qui était en bas, l’ôvangéliste des morts, le rédempteur des âmes, la résurrection des corps au tombeau, était le même qui, pour secourir l’homme vaincu, a pris sa nature ; Verbe premior-në, il visite, dans (le sein de) la Vierge, Adam, premier-homme ; spirituel, il va cherclier l’homme matériel dans le sein d’une mère ; éternellement vivant, il va chercher l’homme qu’une désobéissance a tué ; céleste, il appelle en haut l’iiomme terrestre ; noble, il veut ntTranchir rescla-e par sa propre obéissance ; cet homme tombé en poussière et devenu la pâture du serpent, il le transforme en fer, il le suspend au bois, il le rend maître de son vainqueur, et triomphe ainsi parle bois.

Dans l’arche faite d’un bois incorruptible, Hippolyte voit la figure de Marie, arche du Seigneur. In Ps. XXII, ap. Thkodoret, Eranistes, I ; éd. Achelis, p. 147 :

Le Seigneur était sans péché ; fait d’un bois incorruptible quanta son humanité, c’est-à-dire revêtu Intérieurement et extérieurement, par la’ierge et par le Saint Esprit, de l’or très pur du Verbe divin.

Clément d’Albxandrib appartient à un courant d’idées fort différent de celui où se meut TertuUien ; rien en lui ne rappelle le puissant réalisme du docteur carthaginois ; on l’a même soupçonné de quelques faiblesses pour les docètes. Cependant il se rencontre avec TertuUien pour les combattre, et quelquefois par les mêmes armes. Comme TertuUien, il réprouve les subtilités de leur exégèse et allègue contre eux, sous le nom d’Ezéchiel, certain texte apocryphe dont l’hérésie s’était prévalue. Mais, contrairement à TertuUien, il affirme (probablement d’après le Protévangile de Jacques) que Marie demeura vierge dans l’enfantement de son Fils. On a parfois dénoncé dans ce passage des traces de docétisme ; j’avoue ne les pas apercevoir ; en revanche, j’y trouve un bel hommage à la Vierge ; Strom., Vil,

XVI, 93-94, éd. Stahlin, p. 6fi ; P. G., IX, 629. Clément veut faire entendre que les Ecritures divines procurent le salut aux Udèles, et aux lidèles seulement ; il ne trouve pas de meilleur terme de comparaison que Marie, demeurée vierge dans son enfantement. Les fidèles connaissent la fécondité des Ecritures, et reçoivent d’elles la doctrine du salut ; les hérétiques, méconnaissant le mystère de cette fécondité, s’en détournent. L’application peut paraître subtile et forcée ; mais on retiendra l’assertion honorable à la virginité de Marie ; elle est catégorique.

(Juand une fois on a reçu la bonne nouvelle et vu le salut, dès lors qu’on l’a reconnu, on ne doit pas se retourner à l’exemple de la femme de Lot ; on ne doit pas revenir â son ancienne vie occupée d’objets sensibles, encore moins au.x héiésies, qui disputent à tort et à travers, ignorantes du vrai Dieu…

Il semble qu’aujourd’hui encore on se représente généralement Marie, après la naissance de son enfant, comme l’accouchée que, de fait, elle n’était pas (on assure qu’après l’enfantement la sage-femme la trouva vierge). Ainsi en est-il pour nous des Ecritures divines, qui enfantent la vérité mais demeurent vierges, continuant de receler les mystères de vérité. « Elle a enfanté et elle n’a ], as enfanté ii, dit l’Ecriture [Psoudo-Ezécliiel], pour faire entendre qu’elle a cont : u d’elle-même et non d’un époux. Aussi les Ecritures sont-elles grosses de vérité pour les gnostiques (parfaits chrétiens) ; mais les hérésies, ne reconnaissant pas qu’elles sont grosses de vérité, s’en détournent.

Dans ses développements mysticpies et un peu vaporeux, relatifs au chrétien gnostique ou parfait, Clément ne détaille pas beaucoup les mystères du Christ ; sa marialogie est peu développée, mais d’un beau souffle idéaliste. Après l’auteur de l’Apocalypse, il emprunte à Marie des traits pour peindre l’Eglise, et confond dans une iiicme image ces deux vierges, ces deux mères. Pueda^., I, vi, 41-4a, éd. Stahlin, p. 115, />. G., VIII, 300 B :

Les femmes enceintes, une fois mères, deviennent des sources de lait ; le Seigneur Christ, fruit de la Vierge, n’a pas dit : m Bienheureuses les mamelles des femmes ! » qui versent la nourriture ; mais la tendresse de son Père ayant fait pleuvoir son’erbe sut- les hommes, lui-même est devenu nourriture spirituelle des âmes vertueuses. O mystère admirable ! U n’y a qu’un Père universel, un Verbe universel, im Esprit saint partout le même, une seule mère vierge : j’aime à I appeler l’Eglise. Cette mère n’est passeuleà avoir du iait, car elle n’est pas seule femme ; mais elle est à la fnis vierge et inere, pure comme une vierge, aimante comme une mère ; elle appelle ses enfants pour les nourrir du lait sacré. le verbe des tout petits.

Abordons enfin au rivage d’Asie Mineure.

Aberkios. évêque d’Hiérapolis en Phrygie (fin du II’siècle), dans son épitaphe célèbre, retrouvée de nos jours, fait allusion à la maternité de Marie. Le Christ est pour Aberkios

« le Poisson très grand, immaculé, que prit une vierge

[ture ».

(On trouvera le texte reproduit intégralement et traduit à l’article Epigraphib, t. I, col. 1436.) Ce poisson, que « la foi donne sans cesse à manger aux amis », c’est le corps eucharistique du Christ. Aberkios met la Vierge mère en relations avec le dogme de l’Eucharistie.

Nous avons entendu des évêques : Ignace d’Antioche, Irénée de Lyon, Aberkios d’Hiérapolis ; des prêtres et des laïques : Aristide, Justin, TertuUien, Hippolyte, Clément. Ils attestent la diffusion, dans l’Eglise universelle, d’une conviction ferme et d’un sentiment très fort, qui dès lors associent étroitement. la Vierge mère aux hommages rendus à son Fils.