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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/880

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PECHE ORIGINEL

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disparaît et en même temps le scandale que pourrait causer le terme de culpabilité. Ce terme signiûe proprement l’état de quelqu’un qui est coupable par suite d’un crime ou d’un délit qu’il a commis ; il ne s’applique donc pas aux descendants d’Adam, soumis au seul péché originel. Ce péché dit un état dont nous sommes passifs, mais non coupables, puisque nous le contractons du seul fait de notre origine, sans qu’il 5’ait consentement de notre part. Aussi, parmi une série de propositions condamnées par Alexandre VII le 7 décembre 1690, rencontre-t-OQ celle-ci : Dbnzingbr, o/). cit., 11. 1809(895). Demême, quand on dit que la faute héréditaire nous fait mériter la mort, corporelle et spirituelle, il ne peut être question de mérite ou de démérite au sens strict du mot, c’est-à-dire d’action digne de châtiment, mais le mot s’entend alors au sens large d’état ou de condition qui nous rend passifs de la double mort, indépendamment d’un mérite ou d’un démérite strictement personnel.

3. Si le péché originel se transmet avec la nature par voie d’hérédité, pourquoi le seul péché d’Adam se transmet il, et non pas ceux des autres ancêtres ? Et même, comment le péché d’Adam se transmet-il, puisque celui-ci l’a réparé par son repentir, et que Dieu le lui a pardonné : Et eduxitillum a delicto suo, Sap., X, a ?

Réponse. — SeuUe péché d’Adam, principe et chef du genre humain, a pu dépouiller notre nature de la justice originelle, et par suite de la grâce sanctifiante, considérée comme apanage de cette nature, comme don qui, s’attachant directement àelle, pouvait se transmettre avec elle et par elle. Cet étal primitif et ce don une fois perdus, toute autre grâce ne devait plus se trouver dans Adam et ses descendants qu’à titre strictement personnel, comme grâce accordée auxindividuspour leur propre sancliOcation, en vertu d’une application anticipée ou conséquente des mérites de Jésus-Christ Sauveur. S. Thomas, Quæst. disput.. De Malo, q. iv, a. 8.

4. L’idée de péché proprement dit entraîne celle du volontaire, et l’enfant est incapable de volonté au début de son existence ; d’autre part, la volonté d’Adam n’est pas celle de ses descendants et ne peut leur être transmise, car c’est quelque chose d’essentiellement incommunicable ; il ne saurait donc être question du péché originel, dans le sens d’un pf’ché proprement dit contracté par les descendants d’Adam au premier instant de leur existence.

Réponse. — Considéré dans les descendants d’Adam, le péché originel n’est pas, on l’a vii, volontaire au même titre que le péché actuel, ni même que le péché habituel ordinaire, disant relation à un péché actuel dont quelqu’un s’est rendu, au préalable, personnellement coupable. Ce que le péché originel suppose, c’est uniquement la volonté actuelle d’Adam, principe et chef du genre humain ; volonté qui a précédé, qui ne se transmet pas physiquement aux autres, mais qui, néanmoins, s’étend moralement, comme cause libre et responsable, à l’état d’injustice spirituelle où tous nous naissons.

5. Le péché originel dit corruption ou détérioration de la nature humaine dans Adam, avec transmission indélinie de la nature ainsi corrompue ou détériorée ; mais « la psychologie et la biologie ne permettent que très difficilement d’accepter cette idée, que la nature humaine ait été altérée par un acte dépêché, et qu’un tel effet, supposé qu’il ait eu lieu, puisse se propager par voie d’hérédité physique ». F. Tbnnant, art. Original Sin, loc. cit., p. 564.

Réponse. — Que des caractères positifs d’ordre physiologique, qualités ou tares, puissent, ou ne puis sent pas résulter d’actes posés par les ancêtres et se transmettre aux descendants, c’est une question Tivement débattue parmi les physiologistes et les biologistes : là où Darwin avait affirmé, Weismann a nié. L’apologistecatholique peut se désintéresser de cette controverse, quand il s’agit du péché originel. Si le dogme catholique affirme la perte, faite par Adam, de dons supérieurs à la nature humaine, puis la transmission aux descendants d’une nature dépouillée de ces dons, il ne suppose nullement une corruption ou détérioration de la nature humaine, considérée dans ses éléments constitutifs ou spécifiques, ni la production d’une sorte de virus physiologique ou d’une qualité morbide, inhérente au sang humain et qui se transmettrait avec lui au cours des générations. La difficulté, telle qu’elle est proposée, n’auraitde valeur réelle que dans l’hypothèse contraire, admise jadis par d’anciens scolastiques, mais fréquente surtout dans la théologie protestante, bien qu’il y ait d’heureuses exceptions. Voir, par exemple, le liev. Francis Joseph Wall, professeur de théologie dogmatique au séminaire théologique de Chicago, Evolution and the Fall, New- York, 1910, Lect. vi, § 2, p. ao4aia.

6. D’après la doctrine du péché originel. Dieu, pour la faute d’un seul, décréterait la décadence du genre humain tout entier ; il damnerait même et punirait de châtiments éternels les enfants morts sans baptême. Quoi de plus contraire à la notion d’un Dieu juste et bon ? a Quant à cette justice qui punit les innocents pour les coupables et qui déclare coupable celui qui n’a pas encore agi, c’est la vendetta barbare, ce n’est pas la justice des hommes éclairés… Nous aurions honte d’imputer à Dieu ce dont nous aurions des remords nous-mêmes, si comme législateurs humains nous avions porté une pareille loi. » Paul Janet, Les Problèmes du XIX" siècle, p. 481.

Réponse. — Cette objection atteint ceux qui rattachent au péché originel, soit comme élément constitutif, soit comme effet proprement dit, une corruption intrinsèque ou détérioration positive de la nature humaine, considérée dans ses éléments spécifiques ou ses propriétés strictement naturelles ; de même, elle atteint ceux qui, assimilant le péché actuel et le péché originel, sous le rapport du châtiment, n’ont pas craint de condamner aux peines positives de l’enfer les enfants morts sans avoir reçu le sacrement de la régénération. Mais telle n’est pas la doctrine de l’Eglise catho’ique. Dans l’autre vie, le péché originel entraîne la privation de la vision béatifique, comme l’enseigne Innocent III : poena originalis peccali est caretitia visionis J)ei. Db.’vzinger, op. cit., n. 410 (341). C’est en cela que consiste, pour les enfants morts sans baptême, la damnation, entendue au sens théologique du mot, c’est-à-dire la séparation i d’avec Dieu, considéré non seulement comme fin naturelle, mais encore comme unique fin dernière de l’homme, dans l’ordre actuel. Ce qui n’a pas empêché saint Thomas d’Aquin et la plupart des théologiens catholiques d’accorder à ces enfants une sorte de béatitude d’ordre naturel. Il est vrai que les membres jansénistes du pseudo-sj’node de Pistoie ont traité cette opinion de fable pélagienne ; mais Pie VI l’a vengée contre leurs attaques dans la constitution Auctorem /Jdei, art. 28 ; Denzinger, op. cit., n. 1626 (1889). Ici-bas, les effets du péché originel se réduisent à la privation des dons surnaturels et préternaturels qu’Adam avait primitivement reçus pour lui et pour sa race. On se trouve donc, finalement, en face d’une grande loi de solidarité, en vertu de laquelle la conservation et la transmission de l’état de justice originelle dépendait de la fidélité de notre premier père à l’égard du précepte que Dieu lui avait