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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/96

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MARIE, MERE DE DIEU

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Moïse (16). Or Marie était prophétesse, d’après fs., vin, 3. Elle n’a pu faire moins que ne tirent les quatre lilles du diacre Pliilipi)e, viery^es et propliétesses (Act., xxi, g), que ne lit la vierge Tliècle. Si l’Evangile dit que Marie conçut du Saint Esprit avant de s’unir à Joseph (Mait., i, 18), s’il parle de son fils premier-né (Luc, ii, 7 ; Matt., i, 26), ces textes n’autorisent aucune conclusion contraire à la perpétuelle virginité de Marie. Son Fils est appelé premier-né en tant que preraier-né de toute créature (Col., I, 15), donc eu égard à son Père céleste ; mais il est unique eu égard à sa mère (17). Marie est la nouvelle Eve, la vraie mère des vivants. En Jésus, s’accomplira pleinement l’oracle de Gen., iii, 15. Gomme Eve naquit du côté d’.dam, ainsi du côté de Jésus, percé sur la croix, naîtra l’Eglise (iS-ig). Si l’on veut absolument lire dans l’Evangile que Joseph connut ultérieurement son épouse (Matt., i, 25), on écartera l’idée de relations conjugales et l’on entendra simplement qu’avec le temps Joseph comprit mieux l’incomparable grandeur de Marie (20). D’ailleurs, il y a dans la carrière de la Vierge des mj’stcres qu’on doit respecter. Ses derniers jours nous échappent. Si elle est morte et descendue au tombeau, la gloire environne son repos, l’innocence marque sa fin, la virginité est sa couronne. Si elle a expiré sous le glaive prédit par Siméou (/. « c, 11, 35), elle triomphe avec les martyrs ; la béatitude est due à ce corps saint, d’où la lumière se leva sur le monde. Cependant Marie ne vit-elle pas encore ? Epiphane n’ose écarter cette hypothèse (2^). D’ailleurs, il nu fait que commenter, à l’usage de ceux qui la veulent bien entendre, la salutation de l’ange : X « r^e, x.t-/y.pn^ljhri, K’J^’sto ; y.eTà ffcû. Il y trouve pour l’éternité le gage d’une incomparable gloire (^5).

Tel est, en résumé, le développement consacré par Epiphane à la secte antidicomarianite.

Sur les Cérintliiens, précurseurs des Antidicomarianites, voir Ilær. (viii), xxviii, P. G., XLI, 397-388 ; sur les Ëbiiinites, Hær. (x), xxx, 2.3, ibid. ^oS-iog.

La secte bizarre des Collrridiens(Hær.(Lix), lxxix, P. G., XLII, 740-756), importée de Thrace en Arabie, donnait dans l’extrême opposé à la précédente, en rendant à Marie des honneurs quasi-divins. Des femmes étaient les ministres de ce culte ; elles offraient au nom de Marie un gâteau sacré (Ko^hpii), qu’elles mangeaient ensemble. — N’est-ce pas, dit Epiphane, l’histoire du serpent et d’Eve qui recommence ? L’A. T. connaît des prêtres, pas de prêtresses. Si le N. T. admettait des prêtresses, ce rôle devrait appartenir tout d’abord à Marie. Mais non : le rôle de Marie n’a rien de sacerdotal. L’Apôtre ne veut pas que les fe mmes élèvent la voix dans l’Eglise (I Cor., xiv, 34). L’Eglise a seulement des diaconesses ; encore leur donne-t-elle le nom de veuves. — D’ailleurs, le culte des Collyridiennes ne paraît par exempt d’idolâtrie ; il tombe sous les anathèmes de saint Paul, Hom., i, 25. Pour incouiparablement sainte qu’elle soit, Marie est une créature ; la maternité d’Anne ne doit pas être tenue pour miraculeuse. Il faut honorer Marie, mais n’adorer que Dieu. H Mk^ik h ti// ;  ; , Kùpioi TrpojxuvïirSw (g, col. 753 D).

Saint Epiphane exécute vivement les hérétiques, coupables de compromettre l’honneur de Marie, soit par défaut soit par excès. Mais il se préoccupe médiocrement de justifier ses affirmations. Oùa-t-il vu que le père de Joseph était surnommé Panther, et n’estce pas là, tout simplement, un écho dénaturé de la fable immonde qui circulait dès le 11’siècle touchant la naissance du Sauveur, fable que Celse avait recueillie et qu’Origène a réfutée ? Où a-t-il vu que Joseph eut d’un premier mariage quatre fils et deux flUes ? Ce n’est certes pas dans l’Evangile ; mais il a

fait crédit, un peu vite, à des rumeurs sans autorité. Où a-t-il vu que Joseph était octogénaire quand il épousa.Marie ? Gomment n’a-t-il pas conscience de détourner de son sens naturel l’expression i premier-né », appliquée à Jésus, en allant demander à l’épître aux Golossiens une explication transcendante

« premier-né de toute créature », alors que le

texte de l’Evangile, rapproché de la loi mosaïque, donne à ce mot un sens parfaitement clair et certain :

« premier-né de sa mère » ? Comment n’a-t-il pas

conscience de commettre un autre contresens sur l’expression « connaître son épouse », en lui faisant signifier autre chose que les relations conjugales ? On a le droit et le devoir de se défier d’un auteur si peu regardant en fait de preuves. Par ailleurs, prenons acte de sa louable réserve touchant la fin terrestre de Marie, ])remiêre orientation vers l’idée de l’Assomption corporelle. L’esprit critique d’Epiphane laisse à désirer ; sa piété est indéfectible.

B. Eglise Syriaque. — Chez saint Epurkm (-] 873), nous rencontrons, outre des développements déjà connus sur la nouvelle Eve, des développements nouveaux sur la maternité de Marie, expressément appelée mère de Dieu ; un éloge enthousiaste de sa pureté incomparable ; un recours très explicite à sa puissance d’intercession ; l’atBrmation très distincte et fortement motivée de l’enfantement virginal, requis comme complément de la conception virginale.

Commentant Gen., iii, saint Ephrem esquisse un parallèle entre Eve et Marie, toutes deux douées d’innocence et de simplicité, mais la première dépourvue de prudence. L’imprudence d’Eve nous perdit ; la sagesse de Marie nous sauve. Opéra syriaca, éd. Romae, 1740, t. ii, p. 827. Célébrant la nativité du Sauveur, il invite les vierges d’Israël à délaisser pour un temps les lamentations de Jérémie, afin d’entonner des hymnes de joie pour le triomphe de Marie ; il invite Eve elle-même à lever les yeux, du fond de l’abîme où elle est ensevelie, vers ce descendant de sa race, qui vient lui rendre la vie : l’Enfant Dieu, né d’une fille d’Eve, écrase la tête du serpent qui jadis donna la mort à Eve. In natalem Domini sernio viii, ibid., p. 424D. Ephrem ne connaît au monde que deux êtres parfaitement beaux et immaculés : Jésus et sa tnère.’, Carmina Nisibena, p. 122, éd. G. BicKBLL, Leipzig, 1866.

La prière suivante nous a été conservée en grec, Opéra græca, ed. Romae, 1746, t. III, p. 5a4 :

Prière à la Très sainte Mère de Dieu.

Très sainte dame, mère de Dieu, seule très pure d’âme et He corps, seule.-m delà de toute pureté, de toute chasteté, de toute virginité, seule demeure de toute la grâce de l’Esprit saint ; par là surpassant incomparablement même les puissances spirituelles, en pureté, en sainteté d’iimc et de corps ; jetez les yeux sur moi, coupable, impur, souillé dans mon Ame et dans mon corps des tares de ma vie passionnée et voluptueuse ; purifiez mon esprit de ses passions ; sanctifiez, redressez mes ]^ensées errantes et aveugles ; réglez et dirigez mes sens ; délivrez-moi de la détestable et infâme tyrannie des inclinations et passions impures ; abolissez en moi l’empire du péché, donnez la sagesse et le discernement à mon esprit enténébré, misérable, pour la correction de mes fautes et de mes chutes, afin que, délivré des ténèbres du péché, je sois trouvé ditfne de vous glorifier, de vous chanter librement, seule vraie mère de la vraie lumière le Christ notre Dieu ; car, seule avec lui et par lui, vous êtes bénie et glorifiée par toute créature invisible et visible, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

In Sataleni Domini sermo vi. Opéra syriaca, t. II, p. 420E-42 lA, Ephrem compare la maternité de Marie à celle des mères de l’A. T. :