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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/106

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PREDESTINATION

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où il signilie : donner en spectacle. En somme, l’usage de saint Paul est, tant pour le verbe npoTiOciSai que pour le substantif -npiOivu, nettement orienté vers l’acception idéologique de dessein formé par Dieu. C’est l’acception que nous avons reconnue dans Rom., vm, 28, Eph., , 11, et il n’est pas surprenant que des Pères grecs l’y aient aussi reconnue, soit exclusivement, soit concurremment avec l’acception de dessein formé par l’homme. Acception tbéologique chez Origène, 1. c, P.C.XIV, 8/Ja D ; acception théologique associée à l’acception humaine chez saint Cyrille d’Alexandrie, In Rom., P. G., LXX1V, 8a3 B : E* /£ tivtîi ; vjx & » ti ; àjxapzoï tsû 7rjos’7rwro ; ie’ywv gj ; xjbjroi -/c/osaixt Tivt ; xarà Tipôûnvj, t/, v t£ toù x£x/>îzoto ; xai tv ; v

Cependant la hantise du péril gnostique ou manichéen détourna la plupart des Pères grecs de reconnaître dans Rom., viii, 28 le dessein formé par Dieu. Pour couper court à toute interprétation fataliste, ils entendirent npidniv du libre choix de l’homme. Ainsi Saint Cyrille db Jérusalem, Procatech., P. G., XXXIII, 333 ; Diodorb de Tarse, cod. Vatic. gr. 762. f. 1 18 (manque dans Cramer) ; Tiiûodohb de Mopsuestb, P. G., LXXVI, 83a ; saint Jean Curysostomb, In Rom., II., xv, 1. 2, P. G., LX, 540-542, et après lui Thiîodoret, /’. G., LXXXI1, 14 - 43 ; saint Isidorb db Péluse, Ep., IV.xmet li, P. G., LXXVIII, 1061. 1101 ; Gennadb, d’après la Catena de Cramer et le Vatic. gr, 762 ; Thbodorb le Moins ; etc. Exégèse très prudente ; mais qui, à des yeux non prévenus, apparaît non conforme à la lettre de saint Paul. On trouvera ces textes chez Prat, t. 1", p. 521-524.

D’autre part, sous l’empire d’une préoccupation contraire, alin de revendiquer contre le naturalisme pélagien l’indépendance souveraine de la grâce divine, les Pères latins, à la suite de saint Augustin, inclinèrent en sens opposé. Ils entendireut -npiOziiç, (propositum) du dessein divin efficace, non plus seulement pour la vocation à la foi, mais pour la glorilication des élus. En d’autres termes, ils substituèrent, au point de vue de la vocation efficace à la foi, le point de vue de la prédestination totale. C’était mettre en sûreté le souverain domaine de Dieu, mais changer l’orientation de la pensée paulinienne. Il suffira d’avoir indiqué ici ce changement de front, sur lequel nous reviendrons plus loin. On trouvera les textes chez Prat, t. I 7, p. 525-531.

La pensée de l’Apôtre, étrangère aux préoccupalions opposées qui ont entraîné à droite et à gauche ces deux écoles d’exégèse, ne poursuit directement qu’un but : exalter l’espérance chrétienne chez tous les fidèles sans exception. Tel est incontestablement le sens du développement qui commence avec Rom., vm, 24 : « Nous sommes sauvés en espérance », Tfiyàp i/ziôi « a-etfqpev, et qui finit, avec 38-3g. « J’ai l’assurance que ni la mort ni la vie ni les anges ni les principautés, ni les choses présentes, ni les futures, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni quelque autre créature ne pourra nous séparer de la charité de Dieu en Jésus-Christ Notre Seigneur. » Les y.y.zà itp-’.Quij xXvftot, à qui s’adresse ce langage, sont tous les fidèles. Le propos divin, npoôntç, s’estaffirmé dans leur vocation efficace à la foi, et ne demande qu’à se consommer par leur avènement définitif à la gloire ; de cette -npoOcut, divine, nul n’est excepté.

Ce n’est pas que le propos divin ne comporte un choix. Tout à l’heure, l’Apôtre entreprendra de justifier la conduite de Dieu, réprouvant Israël et appelant les Gentils ; et à cette occasion, il parlera de choix divin privilégié, Rom., îx, 11 : ^ wcr’kùerfh » npiStutreO &zoù. La raison de ce choix est tout entière dans la volonté de Dieu, non dans quelque mérite acquis par l’homme. Pour le justifier, l’Apôtre s’élè vera à une considération universelle : l’homme n’a point à demander compte du choix divin, mais à l’adorer. Et il invoquera des exemples pris de l’A. T. Rébecca porte en son seindeux jumeaux. Tous deux sont égaux, car leur mérite est néant. Cependant il plaît à Dieu, avant leur naissance, de les désigner pour être les pères de deux peuples, et de soumettre la postérité d’Esaii à celle de Jacob. — Pharaon résiste à Dieu ; et Dieu, qui pourrait briser aussitôt ce rebelle, multiplie les miracles, lui donnant par là occasion de s’endurcir. — Il plaît à Dieu d’agir ainsi. Et qui donc oserait contester son droit sur l’œuvre de ses mains ? Ce principe, d’une portée universelle, a été quelquefois appliqué avec trop peu de discernement à la vocation surnaturelle. Pour mesurer exactement ses relations avec la -npodiiii divine, il faut relire attentivement le texte de saint Paul, Rom., ix, io-23 :

Rébecca avait conçu [deux fils] d’un même époux, Isaac notre père, Avant qu’ils fussont nés, avant qu’ils eussent rien fait de bien ou de mal, pour affirmer le dessein de Dieu en son choix, dessein qui ne procode pas des œuvres mais de Dieu qui appelle, il lui fut ait que laine servirait le plus jeune (Gen., xxv, 23), ainsi qu’il est écrit ; J’ai aimé Jacob et haï l’sail [Mal., 1, 2. 3). Que dirons-nous donc ? Qu’il y a de l’injustice en Dieu ? Jamais ! Dieu dit à Moïse : Je ferai miséricorde à qui je voudrai faire miséricorde, j’aurai pitié de qui je voudrai avoir pitié tEx., xxxiii, 19). Donc il ne s’agit pas de vouloir ni de courir : tout dépend du Dieu de miséricorde. Car l’Ecriture dit à Pharaon : Je l’ai suscité à cette fin, de manifester en toi ma puissance et de faire annoncer mon nom par toute la terre (AV., ix, 16). Ainsi Dieu fait miséricorde à qui il veut et endurcit qui il veut. Vous me direz : De quoi se plaint-il encore ? Qui donc résiste à sa volonté ? — homme ! en vérité, qui es-tu pour discuter avec Dieu ? Est-ce que le vase d’argile dira à celui qui l’a façonné : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Le potier n’est-il pas maître de l’argile, pour faire, avec la même masse, un vase d’honneur et un vase d’ignominie ? Et s’il plaîtà Dieu de manifester sa colère et de révéler sa puissance en supportant avec grande longanimité des vases de colère prêts à la destruction, et de révéler la richesse de sa gloire, sur les vases de miséricorde qu’il a préparés pour la gloire, comme nous qu’il a appelés non seulement d entre les Juifs, mais aussi J’entre les Gentils ?…

Les analogies invoquées par l’Apôtre ont pu être faussées par une exégèse maladroite ; il importe d’en rétablir le sens exact. Ni Jacob ne fait ici figure d’élu, ni Esaii figure de réprouvé ; donc le discernement fait par Dieu entre les deux jumeaux n’est pas un exemple de prédestination. L’endurcissement de Pharaon n’est pas présenté comme un acte arbitraire de bon plaisir divin, mais comme un châtiment mérité. Enfin Dieu ne travaille pas sur la matière humaine avec la même indifférence que le potier sur l’argile, et ne fabrique pas des vases de colère comme celui-ci des vases d’ignominie. Toute celle page tend à revendiquer la souveraine indépendance de Dieu dans la dispensation de ses dons naturels ou surnaturels, mais non à le présenter comme un tyran capricieux. « Tout dépend du Dieu de miséricorde » ; on sait par ailleurs que la miséricorde de Dieu aspire à se répandre sur les œuvres de ses mains.

— C’est assez parler de la npôOcati divine.

Reprenons la série des cinq verbes par lesquels saint Paul dislingue cinq actes divins relatifs aux élus.

Trpoé-/vu — prescience.

TrpccjpHJtv — prédestination.

ixoi).s7ev — appel.

kSixcu’uw — justification.

lS6Ça.71> — glorification.

Nous avons dit que les deux premiers se rapportent à l’ordre de l’intention, les trois derniers à l’ordre-