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PRIERE

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Ayant achevé de commenter l’oraison dominicale, Origène traite brièvement des dispositions requises pour la prière, de l’attitude et du lieu.

Il convient de se recueillir avant la prière, afin de s’y adonner pleinement. On priera, autant que possible, à genoux, marquant par cette attitude sa soumission à Dieu. Tout lieu peut convenir à la prière ; mais particulièrement le lieu le plus retiré de la maison ; et aussi le lieu où s’assemblent les fidèles pour la prière commune (xxxi). Il n’est pas indifférent de se tourner vers l’Orient, pour honorer la lumière de Dieu qui s’est levée sur le monde (xxxn). Une bonne prière renfermera quatre actes : la doxologie — gloire à Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, — par laquelle il convient de commencer et de tinir ; l’action de grâces ; l’aveu des fautes ; la demande (xxxm).

Origène est loin de croire avoir épuisé le sujet, et ne fe refuse pas à y revenir quelque jour. Présentement, il a fait son possible, avec l’aide de Dieu (xxxn).

L’Orient et l’Occident connurent, dès le iv* siècle, des vies d’hommes et de femmes entièrement consacrées à la prière. Le moine bénédictin verra dans la prière commune, dans l’Office divin, l’œuvre de Dieu par excellence, selon la belle expression de saint Benoît (Règle, xliii) : Nihil Operi Dei præponatur.

— (Voir ait. Monachismr.) — Mais pour tout chrétien, proportion gardée, la prière tient le premier rang entre les devoirs d’état. Il n’est pas de leçon plus fréquemment rappelée par les Pères.

Saint Augustin est revenu maintes fois à ce grand sujet, et l’on pourrait compilera travers son œuvre un vaste (raité de la Prière. La seule Epltre cxxx, à la veuve Proba, P. L., XXXIIL ^-$07, constitue une véritable « Introduction à la vie dévote ». On y trouve, parmi d’autres développements, un bref commentaire de l’oraison dominicale, 11, 21-13, 23, 502-3. D’ailleurs Augustin a commenté le Pater en d’autres ouvrages encore ; ainsi De Sermone Domini in monte, 1. II, iv, 15-xi, 3g, P. /.., XXXIV, 1275-7 ; Sermo lvi, Ad Compétente*, P. L., XXXVIII, 377-386 ; Enchiridion, cxv-cxvi, 30, P. L., XL, a85.6. Parmi les considérations apologétiques sur la prière, il en est deux que saint Augustin ramène avec plus de complaisance, en repoussant 1) l’objection tirée des prières non exaucées ; a) l’objection pélagienne contre la nécessité de la prière.

1) Objection tirée des prières non exaucées. — Le Seigneur a recommandé la prière et promis de l’exaucer (Mat., vii, 7 ; Ioan., xiv, 13.14 etc.). En fait, il arrive qu’on prie et qu’on n’est pas exaucé. Augustin ne conteste pas le fait, mais s’empresse de rectifier une erreur. Le Seigneur n’a nullement promis d’exaucer toutes les fantaisies, même pieuses, qui pourraient passer par la tête de ses fidèles en prières. Ce qu’il a promis, c’est de lesassisler dans leurs besoins, d’accorder à leur prière les biens nécessaires au salut. En exauçant des prières que lui-même inspire, il montre qu’il aime vraiment ses fidèles. Ce ne serait pas les aimer vraiment que d’exaucer des requêtes indiscrètes et dangereuses, comme celles que suggère l’amour-propre. C’est au contraire aimer vraiment que de résister à des prières qui vont à rencontre du plan divin. Et saint Augustin confirme cette doctrine par des exemples. La prière de Paul, qui demande à être délivré de l’aiguillon de la chair, n’est pas exaucée, parce que l’épreuve doit lui procurer de plus grands biens (II Cor., xii, 7, 9). La prière même du Sauveur, qui voudrait voir s’éloigner le calice de la Passion, n’est pas exaucée, parce que la passion importe au salut du monde (Mat., xxvr, 39). Par contre, le démon, qui demande à éprouver

Job, est exaucé pour son dam (lob, 1, 9-12 ; ii, 4-6). Les démons deGérasa, qui demandent à entrer dans un troupeau de porcs, y sont autorisés par le Seigneur (Mat., viii, 31). Les impies, séduits par de honteuses passions, sont livrés par la rigueur de Dieu à ces passions mêmes (Rom., 1, 24). Tant il est vrai que Dieu montre souvent plus de miséricorde en résistant à l’attrait de la créature. La réponse à l’objection tirée des prières non exaucées ramène souvent les mêmes développements et les mêmes textes de l’Ecriture. In Ps., xxi, 3-5, n. 4-6, /’. /.., XXXVI, 1 73 ; In Ps., xxvi, 4, n. 7, ib., 202 ; In Ps., cxi.iv, 15, n. 19, P. L., XXXVII, 1881-2. En promettantd’exaucer les prières faites en son nom (Ioan., xvi, 23), le Christ donne assez à entendre que la prière ne doit rien se proposer que de conforme au salut. Si parfois Dieu tarde à l’exaucer, on doit lui faire crédit, car il se réserve de le faire en son temps. In Ioan., Tr., eu, 1, P. L., XXXV, 1896.

2) Objection contre l’utilité de la prière. — Cette objection revenait souvent sur des lèvres pélag ?ennes ou semipélagiennes ; Augustin la réfute souvent, en répondant aux hérétiquesqui prétendaient se sauver par eux-mêmes. Par exemple, De correptione et gratia, 11, 4-ni, 5, P. I.., XLIV, 918.919, il montre le rôle nécessaire de la prière dans l’économie de la Providence : l’homme, qui par lui-même ne peut rien, doit suivre le bon mouvement delà grâce, qui l’attire à la prière et de la prière fait naître la grâce. De dono perseverantiae, v, 8-vi, 10, P. L., XLV, 999-1000, il montre la grâce de la persévérance finale liée à la constance dans la prière. Les mêmes enseignements se retrouvent encore ailleurs. Ainsi In Ps., cxviii, Serm., xxvii, 4, P- I-., XXXVII, 1581, sur ce texte : Os meum… aperui et attra.ri spiritum, quia mandata tua desiderabam, Augustin explique le mécanisme salutaire de la grâce, liée à la prière : Non erat undt f’acerel infirmas forlia, parvulus magna : aperuit os, confitens quod per se ipse non facerel, et attraxit unde faceret ; aperuit os petendo, quærendo, pulsando ; et sitiens hausit Spiritum bonum, unde faceret quod per se ipsum non poterat… Sienim nos, cum simus mali, novimus bona data dare filiis nostris, quanto magis Pater noster de cælo dat Spiritum bonum petentibus se ? Non enim qui spiritu suo agurit, sed quotquot Spiritu Dei aguntur, hi filii sunt Dei : non quia ipsi nihil agant, sed ne nihil boni agant, a bono aguntur ht agant. Nam tanto magis efficitur quisque filins bonus, quanto largins ei datur a Pâtre Spiritus bonus.

Mais saint Augustin ne borna point son enseignement à ce qu’on pourrait appeler la prière intéressée. Il est encore le docteur de l’amour pur et le théoricien de la contemplation mystique.

Très éloigné des chimères quiétistes, il se gardera d’inviter l’homme à se désintéresser de la récompense céleste ; mais il le presse de renoncer aux biens présents et de fonder sur les ruines d’un amour égoïste le rè^ne de la divine charité. Rnchiridio’i, cxvii cxxi, 31-3a, P. I.., XL, 1286-288. Dans le De Civitate Dei, il résume l’histoire du monde dans le conflit de deux amours : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu a fait la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi a fait la cité céleste, XIV, xxviii, P. L., XLI, 436. Dans le De perfectione iustitiæ hominis, contre la sèche hérésie de Pélnge (415), il définit le but de toute vie humaine, qui est Dieu cherché par un effort constant vers la perfection, et décrit lesascensions bienheureuses, possibles seulement à l’âme qui prie sans cesse, viii, 18, P. I.., XLIV, 299 sqq.

Il paraît avoir acquis dès les premiers temps de sa vie chrétienne une connaissance expérimentale