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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/163

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PROBABILISMK

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BbRNAJID db CleiiM’JNt (dans Nidbh, Consolalorium (imoraiæ conscientiae, p. 111, c. î _>), Piunnu un la Pau, v 13{a (Sent., IV, d. xvii, q. a, a. i, n. 5).

C. — Plusieurs autres jugent également, suivant l’esprit d’un texte de saint Augustin cité par Giiatien (Decr., p. II, cuus. xxiii, q. i, c. 4 : t Quid culpatur »), et d’après l’enseignement formel de saint Bbrnahd (De pruec. et disp., c. rx, n. ai ; P. I., CLXXXII, 8^3), que le religieux doit se conformer à l’ordre de son supérieur, même s’il vient à douter de la liccilé de cet ordre Ainsi Ai.rxandre db Haï is (Sum.. p. II, q. iai, m.3, a. a), saint Bonavbntorh (Sent., 11, d, xxxix, a. i, q. 3), Giillaume PBRAULT, ^vers ia ; o (Deerudit.’elig., p. I. c i), Pierre de la Palc (Sent., IV, d. xxxviii, q. a, a. 3).

Cette opinion peut, à vrai dire, comme la précédente, se justilier dans tous les systèmes ; néanmoins elle se comprend mieux dans le probabilisme et y conduit tout naturellement.

D. — Slais c’est surtout la théorie thomiste de /’oè/^afioN.qti’ilconvientde souligner ici, tellequ’elle se présente ex profess > dans De ver., q. xvii, 3.

Lli mine, son^e saint Thomas, n’est pas plus indépendant de Dieu dans son activité humaine que dans 1* fonctionnement de ses organes corporels. Rien en lui n’échappe au gouvernement divin (cf. Contra Gent., III, CXIV-CXV). Muis puisque, totalement soumis, d’une part, à la Cause première, il jouit, de l’autre, d’une nalure essentiellement libre en tant que raisonnable, la sujétion qui lui est imposée ne saurait être une contrainte comme celle qui régit le monde matériel, mais une nécessité compatible avec son libre arbitre, respectueuse en quelque sorte de son autonomie. Telle est la nécessité de passer par la condition « sine qua non » pour parvenir à la fin. Que vienne en effet à s’établir un lien absolu entra tel acte à poser el le Bien suprême, à l’acquisition duquel je suis déterminé par nature, et me voilà obligé de poser cet acte, de toute la nécessité qui me pousse vers mon Bien, sans que pourtant je perde le pouvoir de renoncer, si je li ! veux, à l’un et a l’autre : nécessité morale « ex suppositioie finis », en vertu de laquelle ma volonté sert, tout en restant libre’cf. Sum., I » II", q. 100, 9 ; 13, 6, ad I ; III, q. 46, 1).

Mais (obligation ainsi définie ne jouera qu’à deux conditions : moyennant un ordre du maître, d’abord, car sans lien, pas de -volonté liée (en Dieu, c’est la loi éternelle ; cf. Sum., I « II", q.91, 1) ; moyennant la perception de cet ordre par la conscience, ensuite, car un lien qui reste en l’air, ne saurait lier, et aucun précepte ne peut obliger du dehors. « Actio co poralis agentis numquam inducit necessitatem in rem aliam nisi per contactum coactionis ipsius ad rem in qua agit ; unde nec ex imperio alicuju* régis vel domini ligaturaliquis, nisi imperium attingat ipsum cui imperatur ; attingit autem ipsum per scientiaui. Unde nitllus ligatur per præceplum aliquod, nisi mediante scientia hujut præceptr. » De cette seconde condition, la seule qui nous intéresse ici, découlent deux importantes conséquences.

C’est, en premier lieu, l’impossibilité deconcevoir l’entrée en vigueur d’une loi sinon par sa promulgation : Leges instituuntur cum promulgantur », répète saint Thomas (Sum., I » 11", q. 90, 4) après Ghatien (Decr.,

f>. I. d. iv, c. 3, concl.) D’où la raison d’être, entre la oi éternelle et la volonté de 1 homme, de l’échelon loi naturelle,

« participatio le fit aeternæ in rationali creatura » 

[8mm., J » II", q 91. 2 ; cf. O’i, 1), « conceptio homini naturallier inilita, qua dirigitur ad convenienter agendum in actionibus propriis » (Sent, IV, d. XXX III, q. 1, a. li.et de la syn leresis on « habitui cointinens præcepta leçis naluralis »’Sum., I » II", q. 9’t, 1, ad 2).

C’est, en second lieu et surtout, l’impossibilité de concevoir l’obligation sans l’intervention de la conscience, ce vineulum snirituale int’insecum » (De ver., q. xvir, 5), en d’autres termes <ans la connaissance du devoir. — tille qui non est capax notitiue, præcepto non ligntur » ;

— il faut même dire : sans la connaissance certaine du devoir : la pensée de saint Thomas va logiquement et formellement jusque-là : « Nullus ligatur… nisi mediante scientia. n

En effet, s’il faut que ma conscience me transmette la nécessité d’obéir (conscienlia … petventio præcepti divini, De ver., q. xvii, 4, ad a), ce ne sera qu’en m’imposant, par sa certitude, l’aveu d’un lien objectivement nécessaire entre l’acte qui se présente et le Bien que je ne puis pas ne pas désirer. En deçà d’une telle certitude la nécessité objective du lien moral demeurant en question, l’obligation elle aussi reste normalement en suspens.

a) C’est ce qui ressort de la théorie du syllogisme moral. « Conscientia no minai applicationem quamdam legis naturalis ad aliquid faciendum, per modum conclusionis cujusdam » (Sent., II, d. xxiv, q. a, a. 4). ( « Homo prohibetur ab actu parricidii per hoc quod scit patrem non esse occidendum, et per hoc quod scit liunc esse patrem. » (Sum., I » II* 9, q. 76, 1 ; cf. De ver., q. xvii, a). Quelle fermeté peut avoir la conclusion quand l’une des prémisses manque de certitude ?


(3) C’est aussi ce que suggère le parallélisme des deux théories de la conscience el de la promulgation de la loi, nul ne doutant que celle-ci doive être certaine, t Nisi de mandata Sedis Apostolicæ certus exsiiteris, exequi non cogeris quod mandatur », avait écrit Innocent III (Décrétai., 1. I, t. xxix, c. 31 : Cum in jure).

y) C’est enfin ce qu’indique assez la terminologie de saint Thomas : comparaison avec le lien matériel, dont un contact mal assuré compromettrait la rigueur ; recours à des expressions telles que « dictamen conscientiæ » (De ver., q. xvii, ad. 4, a ; Sum., I a II æ, q. 19, 5), « conclusio sentenlians » (Sent., Il, d. xxxix, q. 3, a. a), « intimât io » (Sum., I a IIae, q. 17, 1. a), qui appellent l’idée de certitude ; usage respectif des mots scientia, notitia, cognilio, consideratio, aestimatio, pour désigner le jugement de conscience : les trois derniers, plus vagues, employés seulement une fois ou deux, tandis que les deux premiers, qui marquent mieux la fermeté de la perception, sont nettement privilégiés, surtout scientia. (Voir saint Alphonse, Theol. mor., l. I, nn. 50. 74 ss. R. Beaudouin, De conscientia, 1911, p. 101)

A cela, les probabilioristes objectent que les mots scientia et notitia désigneraient ici une science large, pouvant aller du certain au probable : la probabilité du devoir entraînerait alors obligation (St Mondino Studio stoi ico-critico sut sistema morale di S.Alf. de Lig., 191 1, p. u5 ; O. Rbnz, Die S)nthere*is nach dem kl. Thomas, 19 11, p. 1 35 ; M. Grabmann, dans Theologische Revue, 1917, p. 51 ; A. Sbrtillanges, La philos, mor. de S. Th., 1916, p. 548). — Mais si saint Thomas qualifie quelque part la conscience morale de scientia largo modo accepta, ce n’est pas pour en atténuer le caractère de ferme assurance, c’est seulement pour en souligner la faillibilité (De ver., q. xvii, a, ad 2 ; cf. Sent., II, d.xxxix, q. 3, a. a, ad. 4)- Et s’il parle ailleurs, sous l’influence d’Aristote (lith., 1, 3, 4), d’une certitude probable dont il faut se contenter dans l’appréciation des choses humaines (A. Gardbil, Rev. des se. ph. et th., tqu, pp. 237, 44’). ce n’est pas à propos du jugement de conscience, mais au sujet de la procédure judiciaire (Sum., II a II 1 ", q. 70, a. 3).

On invoque encore, à l’appui de l’interprétation probabilioriste, son homogénéité tant avec la doctrine exposée plus haut sur le choix des opinions morales, qu’avec les i lées de saint Thomas sur la vertu de prudence (E. Janssbns, Revue Néosco 1’astique, 19a ?, p. 286) et sur le conseil préalable à l’élection psychologique (A. Gardbil, dans Vacant, Dict. de théol. cath., IV, aa50). Mais en ce qui concerne le choix des opinions, le xm* siècle, nous l’avons dit, enseigne bien plutôt le tutiorisme que le proba-