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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/209

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PROPHETISME ISRAELITE

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paralion (cf. supra). Isaïe, appelé dans une vision, est d’abord terrassé par la majesté et la sainteté de Iahvé (As., vi). Jérémie allègue sa faiblesse : « Je suis un enfant » I, 6). Plus tard, il se plaint en termes véhéments des opprobres et des menaces que lui attire l’esprit de prophétie, auquel il ne peut résister :

Je suis la risée de tous les jours,

la fable de tout le monde !… Car la parole de Iahvé est pour moi

opprobre et honte tout le jour.

Je me suis dit : Je n’y penserai plus,

en son nom je ne parlerai plus ! Et c'était dans mon sein comme un feu dévorant,

enfermé dans mes os ;

Je m'épuisais à le contenir,

et je ne pouvais le porter.

(xx, 7-9)

» Malheur à moi ! disait Baruch, car Iahvé ajoute pour moi peine sur douleur ; je m'épuise à gémir, et je ne trouve point de repos ! » (Jer., xlv, 3). Les conditions dans lesquelles Ezéchiel est envoyé ne sont pas attrayantes non plus (n, 4-8 ; iii, 6-7, etc.). Nous sommes donc bien loin de la phase de travail conscient et libre qui, suivant H. Poincaré, précède toujours le travail inconscient.

Pour conclure, on peut rejeter les prétentions injustifiées des psychologues théoriciens du subcouscient, constatées en d’autres champs d'études par M. Pierre Janbt : « La subconscience est devenue… un principe merveilleux de connaissance et d’action. .., le deus ex machina auquel on fait appel pour tout expliquer » (Les Médications psychologiques, t. II, 1919, p. 282). C. von Orhlli, exégète protestant conservateur, juge avec raison que la distinction précise et ferme, établie par le prophète entre sa propre pensée et la révélation divine, crée un problème insoluble pour ceux qui, repoussant toute cause surnaturelle, attribuent l’activité prophétique au fonctionnement ordinaire des facultés psychiques (Realencyklopædie fur prolestantische Théologie und Kir c ne, article Prophetentum des A. T., t. XVI, igo5, p. 92).

Enfin, si l’on écarte les hypothèses vaines, et parfois bizarres, imaginées par les critiques libéraux à la recherche d’un critérium pour discerner les vrais et les faux prophètes, il ne reste, pour constituer l’interprète légitime de Iahvé, qu’une mission et une révélation surnaturelles. Quelques théologiens protestants plus éminents l’ont bien compris, Ed. lliehm, par exemple : le prophélisme de l’Ancien Testament est inintelligible, si l’on n’admet pas la révélation divine proprement dite, c’est-à-dire (lliehm souligne) « une opération extraordinaire de l’Esprit de Dieu sur l’esprit des prophètes… Car, c’est un fait indéniable — un fait attesté à chaque page des écrits prophétiques — les prophètes avaient la conscience claire et certaine d’exprimer non leurs propres pensées, mais les pensées de Dieu qui leur étaient révélées… C’est précisément sur ce point qu’ils insistent quand ils montrent comment ils se distinguent des faux prophètes » (Mess ia nie Propheey, trad. de l’allemand, nouv. éd. 1900, p. 10).

IV. — Les prédictions de3 Prophètes Ici encore le rationalisme a tout essayé pour réduire la prédiction prophétique aux proportions d’un phénomène ordinaire. Distinguons six théories principales.

1. — On nie qu’il y ait dans les écrits des prophètes des prédictions proprement dites, l’annonce précise d’un événement futur. « Le Fropbète ne

prédit jamais », disait J. Darmkstetkr, cité au début de cet article. Suivant Auguste Sabatier, « les voyants hébreux n’ont pas eu plus que les sibylles ou que le devin Tirésias, le don miraculeux de lire dans l’avenir… Appuyés d’une part sur la souveraineté de leur Dieu, de l’autre sur l’inflexible loi de la conscience morale, ils annonçaient avec assurance le châtiment des impies, la consolation des opprimés, le retour des captifs, la guérison des malades… » (/. c, p. 9/1). — Rbuss priait ses lecteurs de « renoncer. .. à l’opinion vulgaire qui se représente les prophètes comme des personnages qui auraient eu la mission spéciale de prédire l’avenir » (Les Prophètes, I, p. 4)- * Une s’agit nulle part de prédictions spéciales relatives à des faits contingents. Quoi qu’en ait dit et dise encore une exégèse mal avisée, la prophétie reste dans les généralités » (ibid., p. 46). — Affirmation monstrueuse en tête d’un commentaire où l’on voit Isaïe annonçant l'échec de la coalition syro-éphraïmite, l’invasion des Assyriens, la prochaine humiliation du royaume du nord, la chute de Damas, la ruine de Samarie, la délivrance miraculeuse de Jérusalem bloquée par Sennachérib.la guérison d’Ezéchias atteint d’une maladie mortelle, etc., et Jérémie préiiisant la mort de Hananias à brève échéance, etc.

S. — Selon d’autres, il y a des prédictions, mais elles ont été écrites après les événements (valicinia post eventum). — Cette théorie, la pire de toutes (au jugement de A. B, Davidson, I/astings' l)ict..W, p. 120 b), est généralement abandonnée, tant elle est contredite par l’esprit et le ton des œuvres prophétiques.

« Rendons à nos adversaires cette justice, 

disait déjà Le Hir vers le milieu du xixe siècle, que tous ceux qui ont un nom parmi eux sont à peu près d’accord à rejeter cette hypothèse » (Les Trois Grands Prophètes, publié par M. Grandvaux en 1877, p. 12).

3. — Les prophéties ont été, sinon composées, du moins compilées, arrangées après les événements.

« Les extraits des anciensprophètes, prétend Renan, 

ont été faits d’une manière tendantieuse… Les passages n’ont pas été fabriqués, mais ils ont été choisis » (Histoire du Peuple d’Israël, t. II, p. 439, note 1) ; et, sur Osée : « Se rappeler que la compilation fut faite post eventum et qu’on ne garda que ce qui s'était à peu près vérifié » (ibid., p. 467 » note 2). — Affirmation gratuite, qui ne tient aucun compte du caractère manifeste de sincérité des auteurs bibliques (ils ne cachent pas les fautes des plus grands personnages, Moïse, David), contredite d’ailleurs par Renan, dans le même ouvrage, t. IV, p. 127-128, à propos de la Thora, qu’on n’a pas « débarrassée des contradictions les plus choquantes ». « La bonne foi extrême avec laquelle les scribes israélites traitèrent toujours ces vieilles écritures l’emporta. On garda le désordre et les contradictions. » Dans l’ouvrage de Renan, les contradictions sont remarquables, sinon la bonne foi.

4. — Les prédictions auraient été faites avant les événements par des hommes doués d’une faculté spéciale de pressentiment, d’une sagacité exceptionnelle.

— Comment explique- 1- on que ces hommes aient toujours surgi à propos, dans les circonstances critiques ? De nos jours, avec d’innombrables moyens d’information, nous savons comment on a prévu la grande guerre, sa durée, ses péripéties, la défection des Russes, etc. On ne rend pas compte non plus de la brusque et complète disparition de ces hommes perspicaces dans les quatre derniers siècles avant Jésus-Christ. Le commentaire du conflit entre Hananias et Jérémie par Duh.m est un bon spécimen de cette disposition d’esprit à admettre n’importe quoi