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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/215

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PROPIIETISME ISRAELITE

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et des allégories sous les divers traits d’un tableau prophétique. Isaïe dit que Iahvé aura son jour

Sur tout ce qui est grand et superbe, sur tout ce qui s’élève, pour l’abaisser ;

Sur tous les cèdres superbes du Liban, sur tous les’hauts’chênes de Basan…

(h, 12, 13)

Bon nombre de commentateurs voient là des expressions métaphoriques : les cèdres signiUeraient les hommes orgueilleux, les princes ambitieux. Mais rien n’oblige, dit Knabenbauer, à s’écarter du sens naturel, et même le contexte précédent et suivant ne le permet pas. On trouvera dans l’ouvrage de A. B. Davidson, Old Testament Prophecy, igo4, p. 171 et suiv., la réfutation de ce système allégorique poussé jusqu’à la nomenclature des formules et locutions symboliques.

Une autre considération intéresse davantage l’apologiste, car d’elle dépend la question de savoir si les prophéties ont été vraiment et suffisamment réalisées. Il s’agit de la liberté que le prophète pouvait prendre, en tant que poète, pour mettre une part de fiction dans le tableau des événements futurs. L’abbé db Broglib parle d’un « grand nombre de controversistes protestants », qui ont fait fausse route en interprétant les prophéties dans un sens trop strict et tout matériel, afin de bien montrer qu’elles se sont accomplies de tous points, a N’ayant pas, pour prouver l’inspiration delà sainte Ecriture et en fixer le canon, l’appui de l’autorité de l’Eglise, certains exégètes protestants ont voulu se servir de l’accomplissement des prophéties comme preuve non pas seulement de la vérité du christianisme en général, mais de l’inspiration de chaque chapitre de la Bible en particulier. Ils ont donc supposé un accord beaucoup plus complet, plus clair et plus exact que celui qui existe réellement » (Revue des Religions, 18g5, p. 54, 56 ; cf. Compte rendu du IIP Congrès scientifique international des Catholiques, n* section, 1890, p. 143). Un des travaux de ce genre les plus connus est l’ouvrage de l’apologiste protestant Kbith, Lrs Prophéties et leur accomplissement littéral, tel qu’il résulte surtout de l’histoire des peuples et des découvertes des voyageurs modernes, traduit en français en 1 856 : le texte anglais a eu au moins trente-sept éditions. Contre cette « école étroite et imprudente d’apologistes » les adversaires, Kuenen en particulier, comme on l’a vu plus haut, ont beau jeu : ils feront voir sans peine que ces tableaux prophétiques ne répondent pas à l’événement dans tous les détails, et ils concluront que des prédictions fausses ou inexactes ne viennent pas d’une révélation surnaturelle.

Qu’on se garde en cette matière, dit le P. Cornbly, d’insister sur les détails d’une description poétique ; on risquerait de se tromper en confondant avec la substance du fait ce qui n’est qu’ornement accessoire. Après avoir signalé l’excès contraire, celui des rationalistes qui trouvent seulement dans les prophéties une espérance vague enveloppée d’images poétiques, le savant et prudent exégète ajoute que, pour éviter ces deux écueils, il est bon de comparer les prédictions avec les faits qui les accomplissent (Compend., 3* éd., p. 3^2, 373). Ailleurs (Intr., II, a, p. 305), il donne un exemple concret des plus typiques :

« On s’expose à de grandes dillicultés, si l’on

veut voir dans Is., x, 2&sqq. une description exacte de l’expédition future de Sennachcrih, puisqu’il est certain par les monuments que le roi d’Assyrie, dans sa campagne contre Jérusalem, n’a pas suivi cette route. » L’énumération des villes dans ce passage d’Isaie indique une marche du nord au sud ;

Tome IV.

d’après les Annales de Sennachérib, il semble que le pays de Juda a été attaqué par le sud-ouest, après une campagne en Phénicie et en Philistie. Mais le prophète n’a nullement l’intention de tracer un itinéraire précis de l’armée assyrienne ; il annonce ce qu’il sait par une révélation divine, l’invasion soudaine du conquérant et, contre toute vraisemblance, l’échec de cette expédition (voir plus haut, V, B, a) ; sur les détails de la guerre il n’a pas de lumière spéciale ; il représente donc, dans un tableau idéal et poétique, les ennemis arrivant par le plus court chemin. C’est l’opinion des commentateurs catholiques, Knabenbauer, Trochon, Fillion. A ce propos, Knabenbauer renvoie à un passage d’Ezéchiel, ix, 1x, 8, qui lui paraît fournir un exemple excellent des caractères propres de la vision prophétique. Dans son commentaire de ce prophète (p. io4-io5), il résume le récit des événements d’après les livres historiques (IV Reg., xxv, i sqq., etc.), et il le compare avec le tableau prophétique, où l’on voit intervenir les anges comme exécuteurs du jugement divin, pour tuer les idolâtres, tandis que les fidèles, marqués d’un signe, échappent à la mort. « Mais qui dira que, dans le siège et la prise de la ville, tous les impies ont succombé et aucun juste n’a été tué ? Il s’agit donc de vie et de mort dans un autre ordre de choses. » Le prophète considère avant tout la Cause première ; l’historien, les causes secondes. « Quam diverso modo igitur unus idemque eventus repræsentattts cernitur apud vatem et apud sacrum narratorem.’… Unde tali compai atione instituta disce quomodo visiones et symhola prophetica sint interpretanda. »

Quand Dieu révèle des faits à venir, c’est une faveur gratuite, et personne évidemment ne peut déterminer a priori dans quelle mesure et de quelle manière doit se faire cette révélation. Cela, nous ne pouvons l’apprendre que par la comparaison de la prédiction avec l’événement. Or, si l’on étudie les prédictions de l’Ancien Testament, confrontées avec l’histoire et commentées par des auteurs d’une orthodoxie éprouvée, il paraît bien que les prophètes étaient éclairés d’une lumière surnaturelle sur la substance des choses annoncées, rarement sur le temps et le mode de leur accomplissement (cf. I* Epltre de S. Pierre, 1, 10- 11). Qui veut tout prendre au pied de la lettre dans ls., xiii, xlvii, Jer., l, li, mettra sur plusieurs points ces prédictions de la ruine de Babylone en contradiction avec l’histoire. Car les documents les plus sûrs attestent que laconquêtede Cyrus en 53g n’a pas entraîné la destruction et la désertion de la ville, et que le changement de souveraineté s’est opéré sans secousse. Dans les textes publiés par Slrassmaier, trente-cinq contrats sont datés de la dix-septième année de Nabonide (= 53g av. J.-C), et plusieurs contrats des derniers mois de cette même année portent le nom de « Cyrus, roi de Babylone ». Qu’est-ce donc que les prophètes ont connu par révélation divine ? Qu’est-ce qu’ils ont voulu prédire ? Deux faits souverainement importants pour le peuple élu : la chute de la dynastie qui régnait alors à Babylone et la fin de la captivitéjuive. Le reste est tout à fait secondaire. Que Babylone fût conquise d’une façon ou de l’autre, prise d’assaut, par ruse ou par trahison, détruite de fond en comble ou profondément humiliée, en somme qu’importait aux Juifs ? Ce qui les intéressait, c’était la ruine de l’empire de Xabuehodonosor, le grand ennemi, et de ses successeurs, et l’avènement d’un pouvoir qui rendrait la liberté aux exiles : les prophéties le leur annonçaient et ils en ont vu la réalisation.

Si Dieu ne juge donc pas à propos de faire con 14