Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

5<15

REDEMPTION

566

Ainsi Aug. Sasa-titr, lu doctrine de l’expiation et son évolution hisloriijtie, p. 47.48, Paris, hjo3 :

Si l’on cherche comment la mort du Christ a oporc cotte rédemption des pécheurs, ou constate que presque tous les Pères se la représentent comme un drame scmi-myll qu « et semi-juridique des plus étranges. La théorie d’une rançon payée au diable >eiuhle èlre le prolongement, dans 1 Eglise, des imaginations gnostiques Cette conception plaisait à la fantaisie populaire ; mais plus la théologie s’y abandonnait, plus elle s elo git-it de la théorie d’un sacrilice offert a Dieu. Vest-il pas curieux de constater qu’à ce moment, dans l’Eglise catholique primitive, la pensée allait d’un côté, et le culte de l’autre’Pour être conséquente, l’Eglise aurait dit faire, de la messe, un sacrifice offert au diable.

Voir ibid., p. 90.

Hâtons-nous de dire qu’il y a dans ce réquisitoire une part énorme d’exagération. Non seulement les prétendus droits du démon ne sont pas admis par presque tous les Pères, mais, entre ceux qui plus ou moins ouvertement y font allusion, on observe des différences profondes, qui ne permettent pas de ramener ces théories à l’unité.

A cet égard, il existe des confusions même chez tel auteur catholique.

Le livre d’Henry B. Oxbnham, Histoire du dogme de la Rédemption. Essai historique et apologétique, publié en 1865, tf. éd. t805, trad. fr. par J. Bruneau, Paris, 1909, est l’œuvre d’un anglican converti, imparfaitement dégagé des étreintes de son protestantisme. On y trouve, avec de belles envolées mystiques, trop d’inexactitudes. Ony apprend, p. |53, que « (depuis Origène) jusqu’à saint Anselme, on continue à expliquer communément la nécessité de la mort du Christ par l’idée de rançon payée à Satan » ; p. 178, que les Pères n’avaient pas mis l’accent sur la mort rédemptrice, comme devaient le faire les protestants ; etc… Le point de vue du dogme est trop sacrifié au point de vue de l’évolution dogmatique, l’absolu au relatif. Voir les critiques des Etudes, ao fév. 1909, p. 078.079 ; de la Civiltà Cattolica, 6 fév. 1910 ; « lu il. P. Hcgon, dans Le Mystère de la Rédemption, p. 193-195.

La question des droits dit démon a été très heureusement débrouillée par M. l’abbé Rivière dans son Etude historique sur le Dogme de la Rédemption, p..S73-486, Paris, igo5. Nous lui devons beaucoup dans la section présente.

I* Forme juridique : théorie de la rançon.

Andired’Aug.SABATian, La doctrine del’Expiation, p. 4^, « Irénée, le premier, semble avoir esquissé la théorie de la rançon ainsi entendue ». Cette assertion nous semble complètement erronée. Le tour juridique donné par saint Irénée à la doctrine de la Rédemption peut faire prendre le change ; mais, comme l’indiquait déjà le 11. P. Galtier dans les Recherches de Science religieuse, 1911, p. a4, le démon fait ici uniquement figure de larron. * Le larron doit rendre gorge. La mansuétude est toute pour les victimes. A son égard, le Christ ne fait qu’oeuvre de justicier. » Nous avons repris la même question, Recherches de Science religieuse, 1916, p. iHG-ai i, en essayant de définir cette espèce de justice qui, selon Irénée, préside à la « Récapitulation du Christ ». Cette justice, que le Christ observe envers le démon, consiste uniquement à ne le point ménager. Voir Irénkr, Contra Hæreses, III, xviii, 7 ; xxiii, i.a ; V, 1, 1 ; 11, 1 ; xvi, 3 ; xvii, 1 ; xxi, i-3.

p. e., VH.

Avec plus de raison, Origkne passe pour le père delà théorie. A ses yeux, la rançon payée au démon n’a pas qu’une valeur métaphorique. I/e démon est an créancier, dont nous sommes les débiteurs.

In loan., , xxxix, P. G., XIV, <)a B ; In ferem., /Loin., xv, 4, P. G., XIII, /, 33 ; In Rom., V, iii, P.C., XIV, loaft. Nous sommes sa propriété : il nous, a achetés avec la monnaie du péché, In Ex., lia t., vi, 9, P. G., XII, 338. Semblable à un publicain, il a ses douaniers, postés à la frontière du monde, pour exiger son du. //1 Luc., llom., xxiii, /’. XIII, 1862. Or Jésus-Christ est venu nous racheter au prix de son sang, In loan., VI, xxxv, P. G., XI V, >jp ; InRom.. III, vu ; IV, xi, P. G., XIV, 9 4, r >. 1000. Il a donné son âme, et le démon l’a reçue, In M t., XVI, viii, P. 6’., XIII, 13c, 7-1400. Cf. In Rom., II, xiii, P. G., XIV, 911 ; In Ut., XII, xxviii, P. G., XIII, io44-â ; Exhurl. ad mart., xii, P. G., XI, 580. Au reste, le démon s’est trompé dans ses calculs et s’est perdu, //( Ml., XVI, viii, P. G., XIH, 1397 ; In **> XIII, viii, 1 1 if’1-7 ; In Mt., séries, 75, ib., 1720. En disant que le sang du Christ fut livré au démon, Origène a faussé d’une manière regrettable In pensée de saint Paul. Toutefois il ne reconnaît au démon aucune sorte de droit proprement dit. Voir J. Wirtz, Die Lehre von der Apolyti osis, untei sucht nuch den hl. Schriften und den griechischen Schriftstellern bis aufOrigenes einschliesslich. Trêves, 1906.

Dès le 111e siècle, Origène rencontra des contradicteurs. C’est une forme plus aiguë encore de sa doctrine que réfute, dans le dialogue anonyme De recta in Deum fide, sect. 1, P. G., XI, 1766-7, le personnage nommé Adamantius. Mais sa pensée revit chez plusieurs Pères du ive siècle.

Saint Basile montre le démon épiant les âmes, au moment de la mort, In Ps, vii, a, P. G., XXIX, a32-3 ; In Ps., xlviii, 3, /| 3 7.

Saint Grégoire dk Nyssb souligne les droits acquis du démon et le procédé ingénieux employé par le Sauveur pour nous rendre à la liberté. Il se revêt de chair : le démon convoite une si belle proie, et se prend àl’hameçon de la divinité. Oratio catechetica magna, xxn-xxiv, P. G., XLV, 60-66. — Il est juste de dire que, sans peut-être viser saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze protesta contre de si subtiles inventions, Or., xlv, 22, P. G., XXXVI, 653.

Saint Ambroisb détaille le marché débattu par le démon, qui a versé pour nous la monnaie du péché, In Luc., X, lxvi, P. L., XV, 1820 ; De lacob et vita heata, , iii, 10, P. /-., XIV, 602. 3 ; In Ps., xxxvi, 46, P. L., XIV, 989 ; Ep., xli, 7. 8, P. £., XVI, in5.Dans ce marché, le Sauveur l’emporte par la générosité, In Luc, XII, cxiv-cxvii, P. L., XV, 1727-8 ; Ej>., lxxii, 8-9, P. i., XVI, 1245. 6.

Saint Jérôme lui-même ne craint pas d’employer et de commenter la même métaphore, In Is., 1. XIII et XIV, P. L., XXIV, 4 7 5 et 496, In Mat., 1. III, PI., XXVI, 144 ; InEph., 1, 7 ; In TH., 11, ia, ib., 450-ùo. ;.

Dans ce tour dramatique donné à l’expression du dogme, il n’est pas toujours facile d’opérer le triage entre l’intention proprement dogmatique et la mise en scène littéraire. Nous ne l’essaierons pas. Nous ne contesterons pas les inconvénients de ce langage, d’où il semble juste de conclure que, dans une mesure difficile à préciser, Origène et quelques Pères soumis à son influence furent dupes d’une métaphore. Ce qu’il faut nier absolument, c’est d’abord qu’une telle confusion soit le fait de presque tous les Pères. C’est aussi que la métaphore engendre par elle-mêmeune telle confusion et que, de eechef, ou doive la tenir pour condamnée.

Il suffit d’opérer les discernements nécessaires, et en général les Pères n’y ont pas manqué. Ils ont bien vu que, s’il est question de captifs et de rançon, les captifs ne sont pas, pour autant, la propriété du geôlier, et que le geôlier n’a aucun droit à percevoir le