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RÉFORME


de la virulence, du mauvais goût, de la passion Laineuse du Réformateur. Le pamphlet se termine par ces mots que nous pouvons regarder comme le testament de Luther : « Viens ici, Pape-àne, avec tes longues oreilles d’àne et ta gueule damnée de mensonge ; le » Allemands ont reçu l’empire romain, non de ta faveur, niais de Charlemagne et des empereurs de Constantinople. Tu n’en as pas fourni la largeur d’un cheveu. Mais tu en as volé incommensurablemeni davantage par tes mensonges, tes tromperies, tes blasphèmes, tes idolâtries, en te conduisant eomm ? un diable envers les évêques par des mensonges d’abord, ensuite par les palliums, les serments, les taxations de toute sorte… Mais je dois m’en tenir là. Si Dieu le veut, je ferai mieux dans un autre livre ; si je meurs auparavant, Dieu veuille qu’un autre le fasse mille fois plus violent. Car la papisterie diabolique est le plus grand fléau de la terre et le plus menaçant pour nous, que tous lesdiables aient pu fabriquer avec tout leur pouvoir. Que Dieu nous aide. Amen I »

S’il est vrai de dire : c Le style, c’est l’homme », Luther se peint toutentier dans sa manière d’écrire, abondante, torrentueuse, fangeuse. Il déforme tout, il exagère tout, il dépasse à tout instant les limites de la justice, de la modération, du bon sens. Il est grisé par l’ivresse du verbe. Il parle volontiers de sa « rhétorique ». Il joue de la parole comme un artiste des rues joue de l’accordéon, sans relâche et avec un orgueil naïf, qui conflne parfois à l’absurdité. Que penser de l’homme qui a écrit ceci : t II n’a existé personne avant moi qui ait sa ce que c’est que l’Evangile, que le Christ, que le Baptême, que la Pénitence, qu’un sacrement, que la foi, que l’esprit, que la chair, que les bonnes œuvres, que les dix commandements, que le Notre-Père, que la prière, que la souffrance, que la consolation, que l’aulorité civile, que le mariage, que les parents, que les enfants, que le maître, que le serviteur, que la femme, que la servante, que le diable, que l’ange, que le monde, que la vie, que la mort, que le péché, que le droit, que la rémission des péchés, que Dieu, qu’un évêque, qu’un curé, que l’Eglise, que la croix. Bref, nous ne savions absolument rien de ce qu’un chrétien doit savoir… Mais maintenant, Dieu merci, homme et femme, jeunes et vieux savent leur catéchisme. » (Dans Avertissement à ses chers Allemands (1530), Wiumar, XXX, 3 ; p. 317)

On voit que ce n’est pas sans raison que certains de ses partisans même l’avaient surnommé Doctor lirperholicus et l’accusaient « de faire un chameau d’une puce, de dire mille quand il ne pensait que cinq et de parler à bouche que veux-tu, vérité ou erreur. » (Voir Grisar, Luther, II, 663, citant Spangrmieru, un disciple fanatique de Luther, qui défendit la réputation du Réformateur, en 21 serinons,

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C’est pourquoi, dans les jugements que porte Luther sur les choses et les hommes de son temps, il ne faut pas rechercher ce que ces choses et ces hommes étaient en réalité, mais la déformation passionnelle que leur image subit en se reflétant dans son esprit, et c’est en définitive la nature de cet esprit même, si excitable, si mobile, si excessif, si peu équilibré et judicieux.

Et ce sont ces défauts qui expliquent en grande partie son sucées. Il eut l’art de donner une ex pression ardente, passionnée, contagieuse, à desaspiration", à des récriminations qui étaient répandues dans toute I’Allemagne de son temps. La foule n’aime ni les timides ni les modestes, ni les délicats. Les grosses vantardises de Luther, ses injures à l’adresse de ses ennemis, ses attendrissements, sa rudesse, sa verdeur de

langage, sa trivialité, ses inlassables répétitions, ses déclamations sonores et creuses, c’était bien cela qu’il fallait pour soulever les masses. A son appel, se flt une coalition étrange d’appétits scandaleux, de désirs trop légitimes de réforme, de besoins de nouveauté, de passions nationalistes, de réalisme et de mysticisme. Il ne sut pas comprendre que, pour reformer une société, il ne faut pas commencer par s’en exclure. Il n’eut point l’art de sympathiser avec le grand malade qu’il voulait guérir. Dieu s’est servi de lui, dira l’historien catholique, pour provoquer dans l’Eglise un salutaire sursaut d’horreur et de terreur, mais la vraie Réforme fut accomplie par d’autres, sans lui et contre lui.

X. Mort de Luther. — Luther mourut, dans sa 63* année, au lieu même de sa naissance, le 18 février 1 546. On a prétendu longtemps qu’il s’était suicidé, dans un accès de désespoir Bozu : s et Sbdulius, au xvi’siècle, se sont faits les échot de cette rumeur sans fondement. Nous avons sur sa dernière maladie le témoignage irréfutablede l’apothicaire Jean Landau, d’Eisleben, qui fut appelé auprès de Luther moribond. Landau était demeuré catholique, sa relation estcelle d’un témoin oculaire. Il en résulte que le Réformateur fut emporté subitement par une attaque d’apoplexie ou une congestion, à la suite d’un dîner très gai où il avait amusé tout le monde par ses habituelles bouffonneries. Il commença à être indisposé vers huit heures du soir et rendit l’âme un peu après minuit. Jonas et Cœlius ont rapporté que peu d’instants avant sa mort, ils lui crièrent à l’oreille : « Révérend Père, voulez-vous rester fidèle au Christ et à la doctrine que vous avez prèchée ? »

— « Oui ! » répliqua le mourant d’une voix très distincte. Ce fut sa dernière parole (Voir Paulus, Luthers Lehensende, Fribourg, 1898).

Bibliogbaphir. — La bibliographie de Luther et du Luthéranisme est immense ; citons seulement l’essentiel :

a) Sources. — Luther* Briefvechsel, Endbrs, i 884 et suiv. — Luthers Wcrhe, édition d’Erlangen, 18261 883, — édition critique de Weimar, 1883 et suiv. — Les Propos de table y ont été publiés pendant la guerre, d’après les originaux. — Corpus Reformatorum, œuvres de Mélanchthon, tomesl à XXVIII (1834-1860). — Archiv fur Reformationsgeschichfe, Texte und Untersuchungen in Verbindung mit dem Vcrein fur Reformationsgeschichte, depuis 1903. — Quellen und Darstellungen ans der Geschichte des Reformations/ « l<ihuridert, deis 1907. — Beitràge zur Reformationsgeschichte aus Biichern und Handschriften der Zwickauer Bibliothek, depuis 1900. — Quelleiisrhri/ten zur Geschichte des Protestantisnuts, Leipzig, depuis 1903.

b) Biographies ou histoires. — Ouvrages protestants : J. Kostlin, Martin Luther, 2 vol’883, — 5e édition par Kawerau, Berlin, 1903. — Th. Kolde, Martm Luther, Gotha, 1884 et s., ae éd. 1893. — M. Rade, DoUnr Martm Luthers I.eben, Neusalza, 188 : ^.— F.Kuhn, Luther, sa vie et son œuvre, Paris, 1 KK3-188/1 (3 vol.).— Arnold BHRCHn, .V « r/i>i luther in kulturgeschichtlicher Darstellung, 189^-1919. — Cet ouvrage, dont les volumesont paru à de grands intervalles, s’est terminé en 1919, par une étude sur Luther et lu Civilisation allemande (Luther und die deutsche Kultur, ybo pages : quatre parties : Luther fondateur d’Eglise et théologien, — Luther moraliste et socialiste, — importance de Luther, pour la science, l’éducation et l’art, — Luther et la littérature allemande, — c’est un panégyrique