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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/34

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POSSESSION DIABOLIQUE

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croire facilement à la possession : In primisne facile credat aliquem a dæmone obsessum esse, sed nota habeat ea signa, qnibus obsessus dignoscitur ab iis, qui atra bile vel morbo aliquo laborant. Ensuite il énumère plusieurs signes, en ajoutant : et id genus alia, quae, cum plurima occurrunl’, majora surit indicia. D’après ces données, les théologiens, eux aussi, distinguent parmi les signes de la possession, des signes certains, des signes douteux, des signes probables, comme le fait longuement le P. Tiiyrbb, S. J., dans son livre De Dæmoniacis, part. II, cap. aa et ss. (Cologne, iôgS), et avec lui un grand nombre d’autres qui traitent cette matière. Nous devrons, d’ailleurs, revenir plus loin sur cette doctrine. Il nous suffit, pour le moment, d’avoir démontré que l’Eglise n’est pas le moins du monde intéressée à trouver partout des démoniaques, comme quelques-uns semblent se l’imaginer. Et que l’on veuille bien remarquer que nous ne parlons pas seulement des temps actuels ; le Rituel n’est pas d’aujourd’hui ; les théologiens, que nous avons cités, appartiennent aux siècles passés. Mais nous ne nions pas qu’il faille tenir compte des différents âges, comme des différentes contrées, non seulement pour dégager la vérité historique de la crédulité et de la supercherie, mais aussi pour se rendre compte de la fréquence ou de la rareté des faits constatés et indéniables. C’est ce que nous ferons ressortir plus tard. Nous ne voulons pas nier non plus que certains théologiens ne se soient laissé entraîner, dans les âges passés, à une crédulité parfois ridicule, mais jamais l’Eglise n’a approuvé pareille tendance ; elle y a, au contraire, résisté, et elle seule a été capable d’arrêter ces excès, comme le démontre fort bien le P. Pbkro. ne (de Dæmonum cum hominibus commercio). Du reste, les théologiens lesplusremarquables et les plus autorisés ont évité la crédulité et la superstition pour garder, avec l’Eglise, le juste milieu de la vérité.

Une chose encore est digne de remarque : Il y a inconvénient réel à exorciser une personne non possédée. Pour elle, d’abord, car l’exorcisme, par la forte impression qu’il produit, peut affecter défavorablement un système nerveux déjà troublé et achever de le détraquer ; il est aussi un puissant moyen de suggestion et risque de développer, chez un sujet faible, des habitudes morbides. En outre, on n’a pas le droit d’employer, sans motif grave, les prières sacrées du Rituel : il faut qu’elles aient un objet. Aussi l’Eglise, pour permettre l’exorcisme, requiert la prudence et un jugement moralement certain ou du moins fort probable de possession. Mais, quand il est question de juger avec certitude d’un cas de possession, comme dans les procès de béatification et de canonisation d’un saint, qvii a délivré des possédés sans les exorcismes, d’une manière miraculeuse, l’Eglise est autrement sévère : qu’on lise sa manière de procéder et les règles qu’elle s’est tracées, dans BbnoIt XIV, de Servorum Dei beatif. et canonis. ; qu’on lise les actes de béatification ou de

1. MM. Charcot et Richek, dans leur ouvrage : I.rs Démoniaques dans l’art t p. 97, citent aussi le Rituel, qu’ils appellent leflfïur/ des exorcismes, mais ils le citent d’après

!.. Figuier, Histoire du Merveilleux, p. 29. Ils auraient été

infiniment mieux renseignés, en consultant le Hiluel lui-même, qui se trouve dans tontes les églises de Paris. Le Rituel donne, en effet, comme un des signas de la possession, le développement des forces physiques, supérieur à l’Age et uu sexe, etc. ; c’est un phénomène, di-cnl les auteurs cités, qui doit avoir vivement frappé les premiers observateurs. Notons, en attendant que nous traitions ex professa des signes de possession, que ce signe ne doit être, en général, considéré, ni comme certain, ni même comme suffisant A lui seul pour permettre l’exorcisme.

canonisation, où il s’agit d’un possédé délivré du démon, comme par exemple dans les causes de sainte Madeleine de Pazzi, ad tit. Liberatio energumenæ ; de saint Charles Borromée, 3 a part., ad tit. Anastasia de Magis ; de saint Philippe de Néri, 3 a part., etc., et l’on verra qu’aucun tribunal humain ni aucune académie savante ne prit jamais de précautions plus minutieuses, tant contre tout danger d’erreur que contre la supercherie, et n’exerça jamais une critique plus sévère. Nous aurons l’occasion plus loin de donner au lecteur de plus amples renseignements sur ce point.

C’est donc entrer dans l’esprit de l’Eglise que de se défaire de toute idée préconçue et de tout faux préjugé, et de faire une critique sévère des faits ; mais tout savant, digne de ce nom, doit de son côté agir de même, c’est-à-dire se dépouiller de tout préjugé anti-catholique, de toute idée préconçue, de l’esprit de système ; et raisonner avec calme, avec une logique rigoureuse, sur des faits bien constatés. Quant à la réalité des faits, il ne faut pas l’admettre ni la rejeter arbitrairement, mais prononceren s’appuyant sur les preuves certaines, dont un fait est susceptible.

En conséquence, nous nous proposons, dans cet article, de donner la vraie notion de la possession diabolique au sens de l’Eglise ; de démontrer ensuite que cette possession est essentiellement distincte des phénomènes morbides de l’hystérie, ou d’une simple maladie quelconque ; et enfin, de prouver que la possession, au sens de l’Eglise, est tout aussi réelle que les accidents nerveux, que certains médecins modernes voudraient lui substituer.

Par là on verra clairement combien sont injustes les accusations dirigées contre la croyance et la conduite de l’Eglise catholique en cette matière.

I. Notion de la possession diabolique. — Voici d’abord ce que l’Eglise entend par possession diabolique. Pour qu’il y ait possession, deux choses sont requises : la première, que le démon soit vraiment présent dans le corps du possédé, et l’occupe ; la seconde, qu’il exerceun empire sur ce corps, et, par son intermédiaire, aussi sur l’âme ; qu’il y soit comme moteur, non seulement des membres, mais aussi des facultés, dans la mesure où celles-ci dépendent du corps pour leurs opérations. Le démon n’est pas uni au corps comme l’âme, il ne prend pas la place de l’âme ; il reste un agent moteur externe par rapport à l’âme, quoique intimement présent et moteur quasi ab intra p ; « r rapport au corps ; il agit sur le corps dans lequel il habite, et, par son intermédiaire, sur l’âme.

Cette inhabitation, et le mode d’agir quasi ab intra, qui en résulte, peut se comprendre encore mieux, en distinguant trois degrés différents de motions ou de moteurs, en cette matière. Le premier degré, le plus parfait et le plus intime, c’est la motion de l’âme, qui est complètement ab intra ; c’est la vie, c’est l’âme qui se meut elle-même ainsi que le corps qu’elle anime. Le second degré est celui que nous venons de décrire et que nous appelons quasi ab intra. Le troisième est purement ab extra ; il existe lorsque le démon, sans occuper le corps, poursuit l’homme de tentations, de suggestions, hallucinations et illusions, etc., dans ses facultés internes ou dans ses sens externes, et de violences, de maux physiques, dans son corps. Ce dernier degré s’appelle, avec raison, pour le distinguer de la vraie possession, du nom d’obsession. Il faut néanmoins observer, pour éviter des méprises, que très souvent les auteurs ecclésiastiques emploient indistincte ment les mots obsessus et possessus, pour désigner les vrais possédés ; mais le contexte indique d’or-