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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/405

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ble que le grand Docteur appartient à ce qu’il appelle le catholicisme vulgaire : par exemple, le pardon des péchés dars et par l’Eglise, les mérites de la vie éternelle, la méconnaissance de la thèse protestante du salut par la foi. Il est vrai qu’à d’autres égards l’augustinisme lui paraît s’être retiré de l’Eglise, avoir été dissimulé et mis à l’arrière-plan par le Concile de Trente : rupture que Richard Simon estimait fort sage, lui qui croyait que la grâce et la prédestination augustiniennes détruisaient absolument le libre-arbitre. Et il est exact, en effet, que L’Eglise a abandonné certaines formules obscures de S. Augustin, dont la pensée ne peut être considérée comme statique, puisque lui-même a progressé et invité à progresser. Mais en même temps l’Eglise a maintenu les grandes lignes de sa théorie de la grâce, dont elle a seulement dégagé ou mis en relief les aspects consolants, laissés dans l’ombre à cause de la controverse pélagienne. Cf. art. Prédestination.

En résumé, le principe de la justification sans les œuvres n’a pour lui ni l’Ecriture ni les Pères. Ou, plus précisément, il ne tire et ne retient de l’Ecriture et de la tradition qu’un élément : la rémission des péchés par les mérites de Jésus-Christ : élément fécond, essentiel même. Qu’on le compare à ce qui subsistera un jour de la théorie prolestante primitive dans la pensée de Kant, où la foi justifiante sera simplement réduite à la foi dans l’idéal, Dieu jugeaDt et sanctifiant d’après 1 idéal auquel on s’est conformé.

Comparaison avec la doctrine catholique. — La théologie catholique proclame fortement, elle aussi, l’efficacité justifiante de la foi, et adore le dessein de la Miséricorde infinie pardonnant par Jésus Sauveur. Mais elle a toujours tenu grand compte, en les précisant, de deux points de vue : de celui qui frappait plus tard Sehleiermacher, lorsqu’il observait que justification et rénovation vont ensemble, et qu’un changement dansnosrelalions avec Dieu comporte une nouvelle forme de vie ; — et de celui qu’une exégèse indulgente attribue parfois au protestantisme originel, lorsque, rappelant le mot de Mélanchthon : ideo justificamur ut bona opéra facere possimus, on montre les bonnes œuvres jaillissant, en vertu d’une nécessité psychologique, de la certitude même que le croyant obtient de son pardon.

Ce n est pas pour la forme, que le catholicisme ne sépare pas la justification de la rénovation de l’homme, non seulement réputé, mais devenu juste au fond de lui-même. La Réforme affirmait que l’iniquité profonde et inéluctable du croyant était couverte, dérobée aux yeux de Dieu par Jésus-Christ ; l’Eglise affirme que Jésus-Christ, uni au fidèle, vit en lui par la grâce et l’élève à une vie nouvelle, à laquelle il doit s’adapter. Comme elle ne considère pas que l’homme ail, par sa chute, perdu toutes ses facultés spirituelles et toute sa liberté, elle peut le rendre aeiif dans l’œuvre de sa régénération S’il éprouve encore les troubles de la concupiscence, triste rejeton du péché, pour cela appelé péché par l’Ecriture, l’activité divine trouve du moins un écho dans son être : aussi la concupiscence n’est plus en lui qu’une occasion de combat, — de confusion ou de gloire, — un motif de veiller et de prier, de se tenir dans l’humilité. Car la justification, suivant le mot de Bossuet, pour être véritable, n’est pas parfaite. Elle est progressive : quoique régénérés, nous avons toujours à éviter le péché — qui ne consiste pas en la seule « infidélité » — : toujours à demander plus de grâce, plus de justice. Si la foi justifie, >uvres sanctifient (Ilorn., VI, 1-23). Il n’est pas vrai, du reste, que la grâce ainsi sollicitée soit payée

par les ouvres de l’homme ; que celui-ci puisse forcer Dieu d’agir dans son cœur. Mais il devient actif, travaille avec Dieu, quand il reçoit humblement l’action divine et se l’approprie par une foi pénétrée d’amour. C’est afides charitate formata.

Une pareille foi se concilie aisément avec les dispositions du cœur et les « bonnes œuvres ». Rien ne peut empêcher le croyant d’espérer qu’il lui sera tenu compte de ses « réactions », des efforts qu’il fait pour se plier à la loi de Dieu ; qu’il peut quelque chose pour son propre salut. Ce n’est point là orgueil ou présomption. « Puisque Jésus-Christ, explique le concile de Trente (sess. vi, c. iG), comme la tête dans les membres, la vigne dans les pampres, verse sans cesse dans ceux qui sont justifiés une vertu qui procède, accompagne et suit toujours leurs bonnes œuvres, et sans laquelle elles ne pourraient être ni méritoires ni agréables à Dieu, il faut croire qu’il ne manque plus rien à ceux qui sont justifiés pour être estimés avoir, par ce* bonnes œuvres faites en Dieu, pleinement satisfait à la loi divine… et.. mérité la vie éternelle »…

Ainsi le Christ n’a pas seulement annoncé, dans une première et unique promesse, le pardon des péchés. Il a apporté encore aux croyants des préceptes et des conseils, il les a fortifiés pour accomplir sa loi. Qui nierait ce second point de vue, nierait l’Evangile. Pour le concilier avec le premier, il n’est que de recourir à la doctrine de la justification, telle que l’Eglise l’a définie : doctrine où la foi et la loi, la religiosité et la moralité sont unies par des liens si étroits que l’on ne conçoit pas comment la connaissance et l’assentiment religieux de la foi pourraient devenir plus profonds dans le cœur, sans que la loi divine s’y grave aussi davantage.

Concluons. — Si le protestantisme a contribué pour sa part à faire préciser, en matière de justification, le dogme catholique, il faut reconnaître que rien n’égale ce dogme en richesse et enprofondeur ; que rien ne le vaut, sous ses aspects mystérieux, pouraffirmer la bonté souveraine et gratuite de Dieu, mais aussi « pour maintenir la liberté humaine, assurer la dignité de la loi morale, affermir la vraie notion du mérite et du démérite et ne pas laisser tourner la Rédemption en folie ». (Cf. Moehlkr, Symbolik etc., Mayence, 183a, ou plus simplement les Extraits de Moehler publiés par Goyau dans la Coll. delà Pensée chrétienne, pp. 195-258). Les protestants s’en sont rendu compte peu à peu. Quand ils ont eu à parler de l’action de Dieu dans l’âme et du salut, sans aucun souci de controverse ou de propagande anticatholique, il leur est arrivé souvent, dès l’origine, et il leur arrive de plus en plus, au moins chez les conservateurs, de tenir sur cette matière un langage qui confine à celui de l’orthodoxie catholique.

IL L’autorité exclusive de la Bible, comme règle de foi. — a) Exposé de la théorie. — En même temps que le protestantisme primitif présentait comme exclusive l’efficacité de la foi pour le salut, et qu’il appuyait la foi sur les promesses divines faites par Jésus-Christ, il s’habituait à ne chercherces promesses, comme d’ailleurs toutevirité religieuse, que dans les symboles œcuméniques et dans les écrits des Pères des quatre premiers siècles.

C’est pourquoi Luther gardait intactes les croyances traditionnelles sur la sainte Trinité et les deux natures. Les historiens actuels du protestantisme estiment qu’il offrait en cela, étant donné l’insuffisance du travail critique accompli de son temps, une preuve de « sûreté de tact religieux » (Heal.Encycl.,