Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/451

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

889

RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

890

— 5) Croyance en l'âme humaine, distincte du corps, survivant à la mort. — 6) Croyance en un monde de l’Au-delà, où vive.t les esprits et les âmes désincarnées. — 7) Sens moral universel, basé sur distinction du bien et du mal, sentiment de la pudeur, de la justice, de la responsabilité, de la liberté, du devoir ; reconnaissance explicite ou implicite de la conscience. — 8) Pretcriptions et proscriptions en vue d’un but moral ou réputé tel : notion du péché, avec sanction appliquée par l’autorité du monde invisible ou tes représentants. — 9) Organisation cultuelle : prière, offrande, sacrifice, rites, cérémonies, symboles, etc., comme expression de soumission, de reconnaissance, ou de supplication.

— 10) Sacerdoce, d’abord représenté par le chef de famille, puis par des anciens ou des prêtres spécialement chargés des fonctions sacrées, puis par dis corps organisés. — 11) Distinction entre le Profane et le Sacré, affectant les personnes, les lieux, et les objets, les paroles, etc. — 1 a) Etablissement et organisation de la famille comme centre religieux et social, cherchant à conserver la pureté de son sang, s’imposant des lois, se distinguant par des marques tpéciales et se fortifiant par des alliances. Cf. Le Roy, Sem. Ethn. relig., i ie sess., if)13, p. 3 1 4—3 1 4 — Çhristus, c. 11. Il convient d’ajouter que cet ensemble d'éléments ne constitue pas une « religion commune » créée par certains, mais des « éléments primaires et fondamentaux de la religion ».

On le voit assez, le primitif actuel de l’observation est radicalement différent du primitif inintelligent, amoral et areligieux, imaginé artificiellement ou construit et minimisé pour appuyer l’explication évolutionniste. Sur la famille, la morale des noncivilisés, sur les Pygmées en particulier, regardés comme les plusanciens représentants de l’humanité, Mgr Lb Roy et W. Schmidt ont apporté des précisions qui ne laissent pas de surprendre grandement, tant elles s’opposent à ce qu’on était convenu d’accepter scientifiquement sur les Primitifs ; et à l’affirmation évolutionniste sur l'état entièrement inculte et misérable de l’humanité primitive (atteinte par l’ethnologie], Cf. Tyloh, Prim. cuit., A. Réville, Prolég., p. 5- ; , affirmation tenue pour légitime et Tulgarisée dans les manuels scolaires, on oppose la réalité, chez ces peuples si anciens d’idées religieuses et morales relativement pures ; — ailleurs l’on dira : des « données très pures et très belles », La Rel. des priai., p. 477, — fort simples sans doute, mais dégagées de beaucoup d encombrements superstitieux « et qui font de ces sauvages, si inférieurs au point de vue de la civilisation, des êtres religieusement et moralement supérieurs, non seulement aux populations noires, au milieu desquelles ils sont dispersés, mais encore, si invraisemblable que puisse être l’assertion, aux Grecs et aux Romains des meilleures époques ». — Et il est encore exact de soutenir que « la vie intellectuelle, religieuse, sociale, des non civilisés offre une complexité que l’anthropologie du dix-neuvième siècle n’a pas soupçonnée », Lbmonnybr, Rev. se. ph. et th., 1923, p. 64â. Sur l’arbre primitif ont poussé seulement des frondaisons parasitaires, superstitions, magie, mythologie, qui ont dissimulé aux regards d’observateurs inattentifs ou prévenus le vieux tronc primitif, en partie recouvert, ou étouffé.

III. Les recals progressifs de l'école anthropologique. — Les recherches patientes, désintéressées, objectives, des missionnaires, des voyageurs, d’ethnographes non inféodés d’avance à un système qui d’avance aussi déforme les faits, ont amené l'école anthropologique à démentir progres sivement ses premières conclusions. En 1 897, l'école anthropologique se déclarait « maîtresse du terrain » en face de l'école philologique, tombée dès lors en discrédit. Ving-cinq ans après, il est grandement intéressant de relever les démentis ou les a réductions » apportés par les faits à la théorie de l’animisme évolutif. Sur ces réductions à l'égard des thèses centrales de Lubbock. Spencer, Tylor, Mac Lennan, A. Réville, Robertson Smith, Frazer, etc. Cf. Pinard, L'étud. comp., p. 381, et Huby, Rec. se. Relig., 1 91 7, p. 3a7-350. Relevons en paiticulier quelques points plus importants.

1) Pas d'époque areligieuse dans l’histoire de l’humanité.— L’aflirmationde Lubbock, Letourneau, l.'évol. relig., Paris, 1898, G. le Bon et auparavant de G. de Mortillet et Hovelacque, etc. est en opposition avec tous les faits constatés. Partout et toujours l’humanité saisie dans l’histoire, observée dans l’ethnographie, reconstituée dans la préhistoire, se montre religieuse. L’observation faite par de Quatrefages sur l’universalité et la continuité du fait religieux est confirmée chaque jour davantage par les découvertes de l’ethnographie. L’homme est partout et toujours, à ses origines et en son fond, un être essentiellementreligieux. « Le système d’une époque sans religion, dit Jevons, An introduction to the hist. of Religions, 1906, est maintenant enseveli dans les limbes des controverses mortes ». Cf. L. de Grandmaison, Chrislus, c. 1, p. ai. « Aucun savant de quelque îenom n’oserait le soutenir ». W. Schmidt, L’orig. de l’id. de Dieu, p. 5-j.

a) Pas de religion non éthique ou de religion à ses débuts séparée d’une morale. — Par suite, pas d'état amoral primitif. Partout, suivant les observations sur les non-civilisés, une morale a été liée intimement à des croyanci s et à des rites religieux ; morale sociale, familiale, et même individuelle, et pour celles-ci, « beaucoup plus que les germes, mais quelques-uns des linéaments caractéristiques ». Cf. Lbmonnybr, O.P., op. cit., p. 168. En particulier, pas de peuples sans une organisation familiale précise, souvent compliquée parles réglementations sévères, monogamie ou polygamie, mais celle-ci régie par des lois ; d’où, nulle part cette promiscuité grégaire que l’on suppose tout au début n’est observée. Au contraire, on saisit sur le vif des règles morales imI ératives à propos du vol, de l’adultère, de l’homicide, etc. — Les règles morales sont ordinairement données dans les fêtes religieuses de la naissance, de l’initiation à l’adolescence, de la mort, etc. Aussi la morale et la religion sont si étroitement unies qu’elles paraissent se confondre. — Sous la différence, la variabilité parfois déconcertante des applications et des déformations (esclavage, infanticide, sacrifices humains, etc.), les Noirs, a-t-on pu dire, ont une morale, « dont la base est au fond exactement la même que celle accusée par la conscience de l’espèce humaine tout entière ». Cf. Mgr Ls Roy, La rel. des pr., p. a54 ; Lbmonnybr, O. P., Sem. ethn. relig. 1913, « Religion et morale » p. 166169, Rev, du cl. fr., i « r nov. 1912 ; Bhos, La surviv.de l'âme chez les peuples non-civilisés, Paris, 1909. — La plupart des pratiques immorales sont souvent unies non à la religion, mais à la magie, contrefaçon et ennemie de la religion, voulant obtenir sans Dieu et contre Dieu les résultats que l’homme est impuissant à produire, contrefaçon aussi de la morale religieuse. On a ainsi attribué à tort à la religion des non-civilisés ce qui se rattache à la ma nie. — Enfin ces pratiques morales sont souvent reliées au culte de l’Etre suprême, dont il sera question par la suite.

3) Pureté plus grande de la morale et dépendance plus grande de la religion chez les plus primitifs. —