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RESPONSABILITÉ

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ques. — Parmi les nuleurs plus récents, il faut en premier lieu citer le Cardinal Billot, De Deo Uno 5, p. 48 ; Etudes, 10 août 1920 et les articles suivants.

Nous ne voulons pourtant pas avancer que tousles auteurs de second ordre dans l’Ecole sont pour nous. Entre autres, un assez bon nombre semble plutôt favoriser Schiflini, v. g. Bannbz (in II » "’Il a « , q. 10, a. 1, éd. de Douai, spéc. p. 246, 2" col., F. — cf. Harbnt, art. cit., col. 1872 sq.). Ils se sont sans doute inspirés de Cajbtan (in Il am II", q. 10, a. 4 ; cf. > n 1> » H", q. 89, a. 6).

Position que nous défendons. — « Il faut ramener l’homme à la pensée de Dieu, dont seule l’autorité s’impose à la conscience » (Lettre des év. de France. Juin 1919. Nouvelles relig. Juillet).

On ne peut à bon droit se reconnaître obligé, que si l’on a connaissance de la volonté de Dieu. Remarquons la dualité d’aspect de ce motif : il s’agit, non pas seulement de Dieu, mais de son vouloir. Nous dirons en somme ces deux cboses : pour que nous puissions nous reconnaître pleinement obligés, il faut qu’un Objet s impose souverainement par ses propres titres à notre respect et à notre amour, et ce ne peut être que l’Excellence de Dieu. Il faut de plus que l’exerace de ce respect et de cet amour nécessite catégoriquement ceituines déterminations, d’ailleurs physiquement libres de notre part, certains actes ou certaines omissions, et ce ne peut être que parce que la négligence de ces actes ou la position de tels autres déplaît à la Souveraine Excellence, c’est-à-dire est contraire à sa volonté’.

L’Excellence divine constitue Vobjet qui exige souverainement notre respect : exigence ontologique, titre éloigné, mais formel, en raison duquel le vouloir divin lui-même s’impose à notre soumission. Le vouloir divin constitue une différence entre ce qui plaît et ce qui déplaît à Dieu, et détermine ainsi prochainement quelles attitudes le respect de la divine excellence réclame de notre volonté libre.

Le vouloir de Celui qui est l’Excellence Souveraine, voilà donc le fondement adéquat de l’obligation. Et nous disons : il faut le reconnaître, pour se dire à bon droit* qu’on est obligé.

Voilà le thème qu’il s’agit de développer. Nous exclurons d’abord toute autre façon de reconnaître l’obligation : ce sera la partie négative de la thèse. Puis nous prouverons que cette façon est excellente : ce sera la partie positive. Dans l’une et l’autre, deux considérations seront utilisées : l’idée de dépendance et celle de fin nécessaire.

Nous examinons ensuite spécialement le cas de l’athée.

Comme conclusion, nous condenserons nos griefs directs contre chacune des opinions adverses.

PARTIS NÉGATIVE DB LA TIIÊSB

I. — Argument tiré de l idée de dépendance

Si nous analysons simplement le fait en question, l’acceptation même toute première de l’obligation parfaite et concrète, nous découvrons à fleur de conscience du sujet, comme caractère tout premier du devoir perçu, une dualité, une absolue dé 1. Volonté d’ailleurs nécessaire, s’il s’agit delà loi naturelle.

2. Nous ne nions pas qu’un homme puisse, en vertu d’un faux raisonnement, se croire parfaitement obligé. Nous ne cherchons ici que les conditions d’une adhésion légitime de l’esprit. Cela ne bous empêche pas de considérer dans toute cette thèse l’ordre ptychologiqur, pourvu qu’il soit un ordre, non un sentiment désordonné, contraire à la nature de l’être raisonnable.

pendance. Car le sujet reconnaît ce devoir comme quelque) chose de distinct de sa volonté, celle-ci demeurant physiquement libre ; et cet objet, qui n’est pas son vouloir, s’impose pourtant à son vouloir absolument, souverainement.

Considérons alors les conditions de droit d’une telle adhésion de l’esprit. Comment le sujet agissant peut-il raisonnablement, correctement, attribuer à l’objet, au devoir, cette domination absolu sur sa propre volonté, sans en apercevoir les titres ? Une relation quelconque n’est connue comme telle, que si le fondement elle terme en sont aperçus. Or les titres d’une domination souveraine sur la volonté — qui sont précisément le terme de cette rela~ tion, — ne se peuvent trouver que dans une Souveraine Excellence exigeant par Elle-même un absolu respect, et dont le vouloir réclame de notre part telle libre détermination, qui devient ainsi l’exercice exigé du respect, en matière concrète.

Ce qui fait méconnaître, croyons-nous, la nécessaire priorité de la connaissance du vouloir divin, sur celle de l’obligation, c’est l’exagération de l’analogie entre un lien physique et un lien moral. Celui-là est constitué avant d’être connu ; celui-ci est constitué prochainement par la connaissance même’. Je ne suis pratiquement obligé d’éviter le duel que si je le sais. Rien n’entre dans la réalité du devoir qui n’ait pénétré dans la connaissance, et la raison du devoir n’a de conséquences morales, c’est-à-dire le devoir lui-même, que si j’en ai pris connaissance. Mon intelligence ne se soumet à l’obligation quepar la présentation des motifs. Les deux ordres ontologique et psychologique sont confondus. Il n’est pas d’ailleurs requis que la connaissance du vouloir divin soit tellement claire dans la conscience. Elle pourra eflicacement m’obliger, à la manière des règles qui dirigent l’artiste sans qu’il croie y penser, ou de la présence d’un auguste personnage imposant respect à ceux qui vivent habituellement à ses côtés, sans attention formelle 3.

Si, au début de l’argument, nous insistons sur l’analyse concrète du fait de l’obligation, c’est pour prévenir une objection. On peut connaître concrètement un homme avant d’en saisir l’essence. De même, on pourrait penser, à première vue, que certains se connaissent concrètement obligés sans saisir cette dépendance qui constituerait essentiellement le lien moral. Dès lors, nous n’arguons pas de ce qui constitue essentiellement l’obligation, mais nous montrons directement que la première connaissance concrète de celle-ci est une connaissance de la dépendance morale absolue.

II

Argument tiré de l’idée de finalité

On ne peut à bon droit se reconnaître pleinement obligé à l’observation de l’ordre moral, si l’intelli 1. Cf. De Ver., q. xvii, a. 3.

2. Une connaissance peut être parfaitement suffisante pour que des conclusions s’en dégagent en toute rigueur, sans pourtant laisser dans l’esprit une empreinte dont il ait constamment pleine conscience. Telle une suite de déductions mathématiques, tel un long discours, tel Renseignement autrefois reçu. La conclusion, ici l’obligation, apparaîtra peut-èlre plus clairement que les prémisse.), tout au moins si, demeurant à l’état de connaissance habituelle, elle se réveille dans la conscience alors que le premier raisonnement est lointain.

Tout autre serait la connaissance implicite de Dieu, que certains auteurs, comme BaN.nez, disent suffisante. Ce ne serait pas une connaissance qui a été explicite et dont une conséquence a élé dégagée. Ce serait au contraire une conséquence non encore déduite, mais qu’on peut déduire du fait de l’obiigalion (cf. Hakent, art. cit., col. 1877. tn’.-s bien}.