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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/516

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REVOLUTION

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plèteinent au lieu de chercher à en tirer elle-même parti et protit.

io° Ni le Concordat de 1801 ni les autres qui ont suivi ne sont une sanction accordée par l’Eglise à la Révolution considérée dans ses principes et dans ses procédés, mais seulement une régularisation de certains faits nouveaux qui en résultent. Les principes et les procédés révolutionnaires à l’endroit de l’Église sont intrinsèquement mauvais, et conséquemment ne sauraient être approuvés parlEglise : elle les subit, elle les tolère quand elle ne peut les empêcher, voilà tout. Mais les faits nouveaux, les situations nouvelles, créés par la Révolution, ne sont pas tous intrinsèquement mauvais ; souvent ils sont d’eux-mêmes indifférents, et par conséquent l’Eglise peut les régulariser et en tirer parti pour la sanctification des peuples. C’est ainsi qu’elle a pu consentir à faire de nouvelles circonscriptions métropolitaines et diocésaines, à donner une organisation nouvelle aux paroisses, à assurer un mode nouveau de subsistance pour le clergé, à conférer au gouvernement un droit de nomination pour les évêchés, etc. Mais elle n’a point entendu, elle n’a pu vouloir, par ces concessions, déclarer légitimes les actes d’injustice et d’impiété par lesquels les anciens rapports de la Religion et de l’Etat avaient été violemment brisés. Cette distinction estd’une grande importance.

Ribliographib. — Voir surtout : Mgr Fréppel, La Révolution française, A propos du centenaire de 1789 ; et les récentes histoires de l’Eglise pendant et depuis la Révolution ; Pierre de la Gorce, Histoire religieuse de la Révolution française. 51n-8°, 19091923.

J. DlDIOT.

III. Origine de la Déclaration des Droits de l’iiommb. — Il semble que les rédacteurs de la Déclaration de 1789 n’étaient pas, en principe, mal intentionnés. Ils n’avaient pas la volonté de nier sciemment les droits de Dieu sur l’homme et la société, ni de séparer l’idée de droit de l’idée de devoir.

L’un.les rapporteurs du Comité chargé de l’élaboration de la Constitution de 1791, Mgr de Cicé, archevêque de Bordeaux, a précisé ainsi l’intention des rédacteurs de la Déclaration : « Nous avons jugé, a-t-il dit à l’Assemblée constituante, que la Constitution devait être précédée d’une Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, non que cette Déclaration pût avoir pour objet d’emprunter à des vérités premières une force qu’elles tiennent de la morale et de la raison, qu’elles tiennent de la nature qui les a déposées dans tous les cœurs auprès du germe de la vie ; mais c’est à ces mêmes litres que nous avons voulu qu’à chaque instant la nation pût y rapporter chaque article de la Constitution dont elle s’est reposée sur nous. Nous avons prévu que si, dans la suite des âges, une puissance quelconque tentait d’imposer des lois qui ne seraient pas une émanation de ces moines principes, ce type originel et toujours subsistant dénoncerait à l’instant à tous les citoyens le crime et l’erreur, g (Moniteur, 25 juillet 1789).

C’est pour ce motif que la Déclaration des Droits de l’homme rend hommage à Dieu, avec sans doute, la phraséologie ampoulée du temps : « En présence et sous les auspices de l’Etre suprême, porte le préambule, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare les droits suivants de l’homme et du citoyen. »

On peut encore reconnaître que la Déclaration des Droits a essayé de protéger les droits individuels contre l’oppression de l’Etat. M. Hauriou a fort bien

fait ressortir cette tendance : « Si ces déclarations, écrit-il dans son Précis de droit constitutionnel, ont eu le tort d’enfermer tout l’ordre individualiste dans les libertés individuelles, en revanche elles ont eu le mérite : i° d’allirmer la foi en le caractère naturel des droits individuels, foi qui rejaillit sur tout l’ordre individualiste ; 2 de fonder juridiquement la limitation de la puissance de l’Etal par l’ordre individualiste. Ce serait une grande erreur de ne voir dans l’affirmation des Déclarations sur le caractère

« naturel et sacré » des droits individuels, qu’un

écho littéraire des doctrines d’une certaine école constituée après la Renaissance, l’école du droit de la nature et des gens. Il y a, dans le grand mouvement dont sont sorties les Déclarations des Droits, bien autre chose qu’une opinion doctrinale, il y a un mouvement de foi profonde en l’idéal qui avait toujours animé la civilisation classique. » (Maurice Hauriou, doyen de la Faculté de droit de Toulouse. Précis de droit constitutionnel, p. 56, Paris, 1923).

Malheureusement, au lieu de se laisser guider, pour délinir cet idéal, par le catholicisme, qui représentait à la fois la certitude non seulement de la Vérité révélée, mais encore de la loi naturelle, et qui correspondait traditionnellement au génie français, la Déclaration des Droits s’en est allée chercher ses inspirations aux sources dangereuses de la philosophie du xvme siècle et principalement des philosophes anglais, « Conservons les principes pour nous, disait de Landine à la séance de la Constituante du 3 août 1789, et hâtons-nous de donner aux autres les conséquencesqui sont les lois elles-mêmes. Locke, Cumberland, Hume, Rousseau et plusieurs autres ont développé les mêmes principes ; leurs ouvrages les ont fait germer partout… La plupart d’entre vous n’ignorent pas les idées vastes que ces philosophes ont répandues sur la législation des empires, et nous ne les perdrons pas de vue dans la seule application que nous avons à en faire. »

On a recherché quels sont les écrivains qui ont plus spécialement inllué sur la rédaction de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. M. Esmain, qui a particulièrement étudié cette question, arrive aux conclusions suivantes : « Les écrivains dont l’influence est prépondérante et reconnaissable dans la Déclaration de 1789 sont au nombre de deux. C’est en première ligne Locke. C’est à lui d’abord qu’on doit la conception claire des droits de l’homme, distinets des droits du citoyen, et de lui procèdent directement les articles 1, 2 (Montesquieu et Blakstone y ont fourni la sûreté), 3, 13, 14 et 17 de la Déclaration de 1789. » M. Esmain rattache à Montesquieu, dans l’Esprit des lois, les articles 7, 8, 9, et il conclut que le « surplus est pris dans la doctrine générale et courante du xviii* siècle. » (Esmain, professeur à la Faculté de droit de Paris Eléments Je droit constitutionnel, p. 556, note Go, tome 1 er, 7e édition, Paris, 1921).

Or, ni Locke, ni Montesquieu, ni ltousseau ne sont, hélas ! des guides sûrs pourctablir une Déclaration destinée à servir de base à un Etat, précisément parce qu’ils ont les idées les plus fausses sur l’origine même de la société. Ce sont de mauvais bergers qu’on choisit pour conduire un peuple I

Locke, dans son Essai sur le gouvernement civil, professe que la société civile n’a et ne peut avoir pour principe créateur que le consentement de ses membres. A ses yeux, comme à ceux de Rousseau, qui s’est du reste inspiré de l’ouvrage de Locke, les descendants des premiers associés ne font partie de la société civile que par leur propre consentement. Montesquieu se rapproche de Rousseau quand il dit dans l’Esprit des lois que « comme les hommes ont