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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/538

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SACREMENT

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rent triomphalement que la doctrine de 1 Eglise sur les sacrements est d’origine purement humaine, et que plusieurs de nos rites sacramentels sont des usages païens christianisés. Jésus, auteur d’une religion purement spirituelle, du culte « en esprit et en vérité », n’aurait, parait-i ! , institué aucun sacrement. Le christianisme primitif, poursuit-on, resta tidèle à l’esprit de son fondateur, et ne connut d’autre culte que le culte intérieur et spirituel. Mais, au moment où la religion chrétienne entra en contact avec le monde païen, elle sentit le besoin d’un culte extérieur, et tout naturellement elle s’appropria, en les démarquant, les rites des mystères grecs usités autour d’elle. Le christianisme aurait fatalement couru le risque de rester sans prise sur les peuples helléniques, sans cette adaptation à leurs tendances cultuelles et à leur amour pour les rites magiques et mystérieux. Quanta l’enseignement de l’Eglise sur les sacrements, il serait le résultat de théories tout arliûcielles, créées parS. Augustin pour des besoins de controverse ou pour justilier les usages sacramentels chrétiens, et amplifiées par les scolasliques dans le but de construire un système philosophicoreligieux avec l’aristotélisme envahisseur. Ainsi, l’institution sacramentelle de la religion chrétienne et la doctrine qui l’explique seraient totalement étrangères à la pensée du Christ ; elles représenteraient une altération de l’essence du christianisme, une superfétation sacrilège dont il faut se débarrasser, si l’on veut avoir le christianisme authentique. — Cf. A.Harnack, Lekrbuch der Dogmenges chichte*, t. I, pp. 225-238, 433 ; t. 111, 545-554, elc ; L’essence du christianisme, trad. fr., Paris, 1907, pp. 33 1-332. Aug. Sabatibr, Esquisse d’une philosophie de la religion d’après la psychologie et l’histoire, Paris, 1897, pp. 208 ss., 23a ss. — Les religions d’autorité et la religion de l’esprit 3, Paris 1904, pp. 151 ss.

Avant de répondre en détail à ces objections spécieuses, opposées à la doctrine catholique, réprouvées par Pie X en de nombreuses propositions du Décret Lamentabili (3 juillet 1905), exposons rapidement, en descendant le cours de l’histoire et de la littérature ecclésiastiques, le développement de la doctrine sacramentaire. Cet exposé succinct nous montrera que ce développement a pour point de départie » principes sacramentels-posés par le Christ et par les Apôtres, et non les influences païennes ; que la pensée chrétienne, pour arriver à une intelligence plus compréhensive et plus nette du dogme, à bien pu s’aider des systèmes philosophiques, mais qu’elle ne leur a ri « n emprunté d’essentiel ; et qu’enfin le terme final de ce développement sacramentaire, c’est-à-dire les définitions du concile de Trente, est dans le prolongement direct de la pensée de l’Eglise primitive.

Ce développement historique de la théologie sacramentaire se divise assez n.'ttement en quatre périodes — des origines à S. Augustin, — de S. Augustin au xu" siècle, — du xn c siècle au Concile de Trente, — et du Concile de Trente à nos jours.

Dans les quatre premiers siècles, l’Eglise vit de ses sacrements et ne pense guère à en faire l’analyse ; sa pratique sacramentelle a précédé l’expression dogmatique. Bienavantque lesauteurschréliens songeassent à étudier leurs rites religieux, l’Eglise déterminait, par sa pratique et conformément aux intentions du Christ, les usages sacramentels, et posait ainsi les fondements des spéculations de l’avenir. Non- voyons toutes les réalités sacramentelles dans l’Eglise primitive. Dès les premiers jours, le Baptême était administré, ainsi que son complément, le rite col lateur du Saint-Esprit (Act., viii, 16, 17 ; xix, 5-6), et l’Eucharistie était célébrée dans les

assemblés chrétiennes (1 Cor., xi, 17-32). La nécessité de pourvoir au gouvernement des Eglises et d’assurer la célébration du culte chrétien amena les Apôtres à conférer, par l’imposition des mains, aux anciens des communautés chrétiennes les pouvoirs que Jésus leur avait confiés pour assurer la vie de l'Église (Ad., xiii, 3 ; I Tint, , iv, 14 ; II Tim., i, 6 ; Act., vi, 6). Conformément à la recommandation du Sauveur (Marc., vi, 13), les chrétiens malades étaient guéris par les onctions d’huile et obtenaient par elles la rémission de leurs péshés (Jacques, v, 14-15). Pour rendre aux fidèles pécheurs la grâce de leur Baptême, l'Église fit usage du pouvoir de remettre les fautes poslbaptismales, qu’elle tenait du Christ (Cf. Malt., xvi, 19 ; xviii, 18 ; Joan., xx, 22. a3). Le mariage chrétien, rétabli par Jésus dans sa perfection primitive, a été dès l’origine considéré par l'Église comme une institution très sainte, impliquant un symbolisme fort élevé (Marc, x, 2-1 3 ; Ephes., v, 32). Son efficacité sacramentelle a été enseignée par la Tradition catholique.

Toutes les réalités sacramentelles se trouvent donc dans l'Église primitive, où elles sont rattachées au Christ et aux Apôtres. On ne voit pas comment les influences païennes auraient pu s’exercer pour introduire formellement dans l'Église, et en dehorsd’une disposition expresse du Christ, un rite sacré. Mais cette question sera étudiée plus longuement dans la suite. Cependant, les réalités sacramentelles, si elles ont toutes existé dès l’origine, n’ont pas toutes attiré dans la même mesure l’attention des auteurs chrétiens primitifs. L’Eglise a vécu ses sacrements bien avant d’en faire la théorie. Voir article Initiation

CHRÉTIENNE.

Les Pères apostoliques ne parlent que du Baptême et de l’Eucharistie. Les écrits de Tkhtullibn mentionnent en plus la Confirmation (De Iiaptismo, 7), le rite pénitentiel(/Je Pænit., 7-12 ; De Pudicitia, 1, 18, 21), et aussi le mariage chrétien (Liber ad Uxorem). S. Cypribn parle à plusieurs reprises de l’Ordination (Episl., 1, 1 ; xxxviii, 2 ; lxvi, i ; lxvii, 5). (éd. Hartel). — Mais les rites de l’initiation chrétienne (Baptême, Confirmation et Eucharistie), dès avant le 111e siècle, tiennent une place prépondérante et presque exclusive dans la pensée des auteurs. C’est à leur sujet que commencent les premières spéculations sacramerilaires. Les Pères grecs, à partir d’Origène, s’inspirant du symbolisme baptismal exposé par S. Paul (Rom., vi, 4-i')> et s’aidant de la théorie platonicienne désigne, considèrent l’abldlion comme le signede la purification del'àme. (Origènk, In Joan., vi, 17 ; P. G., XIV, 257 ; — S. Basile, De Spiritu S., 35 ; P. G..XXX1I, 128ss ; — S. Grégoire de Naz., Oratio xl, 8 ; P. G., XXXVI, 368 ; — S. CyrillB Dr 3ÛB., Cat. mjrstag., 11, 4, 6, 7. /'. G., XXXIX). L’onction chrismale qui suit le baptême est aussi le symbole de l’action sanctificatrice de l’Esprit-Saint (S. Cyrille dk Jkr., Cul. myst., iii, i-3). Ainsi apparaissent les premières ébauches de la définition du sacrement signe ou symbole efficace. — L’usage de bénir la matière sensible des sacrements (eau, huile) amena les auteurs grecs et latins de cette période à expliquer l’efficacité sacramentelle par la présence de l’Esprit-Saint ou d’une vertu divine dans la substance matérielle bénite. Le rite sacramentel du baptême se composaitainsi de trois éléments : l’eau, la bénédiction ou consécration de l’eau, et l’invocation de la Trinité (S. Amiiroisb, De mrsteriis, yo ; Cf. S. CvPBi ii, Epist., lxx, 1, 2, édit. Hartel ; S. Basii.h, De Spiritu.S'., 66 ; S. Grsg. dr Nysse, lu baptismum Christi ; P. G.jXLVl, 581). Mais il n’existe pas encore de théorie sur la composition des sacrements, on se contente de décrire les usages existants. Parmi ces