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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/540

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SACREMENT

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Un à proclamer que l’etlicacite des sacrements est indépendante de la sainteté du ministre et à expliquer que le baptême peut être valide sans être fructueux. Ce n’est pas tout. Saidant des travaux de ses devanciers, il a encore ébauché une définition technique du sacrement : Sacramentum, id est sacrum signum ( De civit. Dei, X, v) ; et a entrevu la composition binaire du rite sacramentel : accedit verbum ad elementum et fit sacramentum (In Joan., Tr., Lxxx, 3).Son inlassable curiosité lui a fait soupçonner la doctrine de la nécessité de l’intention dans le ministre et dans le sujet (De bapt. cont. Donat., VII, 101), doctrine qui a toujours été implicitement comprise dans ce sentiment, aussi ancien que l’Eglise, que le ministre du sacrement est le représentant du Christ.

La doctrine augustinienne fut oubliée par plusieurs dans le haut moye.n-àge (ix% x etxi c siècles). L’ignorance causée par les révolutions sociales d’une civilisation ea voie de formation, la nécessité de réformer un clergé incontinent et simoniaque portèrent les auteurs ecclésiastiques et les pasteurs de l’Eglise, pour la plupart, à subordonner l’ellicacité de sacrements à la dignité du ministre. De là, les si nombreuses réordinations des simoniaques (Voir art. Ordinations). Mais, au xue siècle, une étude plus calme et plus sérieuse fit retrouver, cette fois pour ne plus être perdue, la doctrine aug-ustinienne, et une troisième période, la jiius brillante de toutes, de spéculations sacramentaires commença. Le mouvement fut donné par l’école de Saint-Viclor dans la personne de Hugues, par l’école abélardienne dans la personne d’ABBLARD lui-même et de Roland Bandinelu, plus lard pape sous le nomd’ALEXANDRB III. Ilest continué par Pierre Lo-bard, et achevé par les grands théologiens du xiii c siècle, Pierre dk Poitibrs, Guillaume J’Auxbrhb, Alexandre nu Halics, S. Bonaventure, Albbrt lb Grand et S. Thomas. Pierre Lombard formule la délinition complète du sacrement et dresse la liste définitive des sept rites auxquels, selon l’enseignement traditionnel, ce nom convient. Les théologiens du xme siècle s’efforcent d’établir les convenances de ce nombre. Pierre de Poitiers distingue l’opus operantis de l’opus operatum que l’on considère comme une cause de la grâce. De là, le problème tant discuté au xm « siècle, de la causalité des sacrements. Trois principaux systèmes furent imaginés pour le résoudre : celui de la causalité occasionnelle (école franciscaine), celui de la causalité instrumentale dispositive (Alexandre de Ilalès), et celui de la causalité instrumentale efficiente (S. Thomas). On spécule aussi sur la nature du caractère, sur l’intention du ministre et du sujet et sur le mode de l’institution divine des sacrements. Mais, surtout, on applique l’hylémorphisme aristotélicien aux deux éléments, matériel et verbal, du rite sacramentel.

Les théologiens du xm* siècle, pour construire leur système théologique sur les sacrements, se sont beaucoup servis de la philosophie aristotélicienne, surtout du concept de cause et de la théorie hvlémorphique. Mais la philosophie n’a été pour eux qu’un moyen de préciser la doctrine traditionnelle. Elle a bien pu entrer dans l’édifice théologique et faire corps avec lui, elle ne s’est cependant jamais identifiée avec le dogme révélé. Ce qui le prouve, ce sont tout d’abord les définitions du Concile de Trente, qui n’pnt consacré aucune thèse philosophique du moyen-âge, c’est ensuite la contre-épreuve que, dans les temps modernes, une étude approfondie et critique de l’histoire a fait subir auxeonstructions spéculatives du xui* siècle.

Avec la Réforme, s’ouvre une quatrième période pour l’histoire de la théologie des sacrements. L’hé résie protestante prétenditrejeter, comme illégitime, tout le progrès dogmatique opéré au moyen-âge. Elle ne vitpas, ouellenevoulut pas voir, que l’Eglise apostolique, dont elle admettait l’origine divine, contient toutes les réalités sacramentelles, et que l’Eglise du moyen-âge n’avait fait qu’étudier plus attenti » vement les divers aspects de ces réalités. Rejeter, comme illégitime, ce travail de précision et d’éclaircissement du dogme, c’était renier tout le passé religieux du christianisme. Aussi l’Eglise, qui ne peut pas désavouer sa pratique sacramentelle séculaire, a-t-elle condamné, à Trente, les prétentions protestantes. Elle a défini le nombre et l’institution divine des sacrements, leur efficacité ex opère opsrato, la réalité du caractère que trois d’entre eux produisent et la nécessité, dans le ministre, de l’intention de faire ce que fait l’Eglise (Sess., vii, De Sacr. in gen., can. i-13). C’est la doctrine traditionnelle, celle qui était impliquée dans la pratique, qui a été consacrée ; et non les systèmes théologiques, plus ou moins hâtifs et risqués, du xme siècle. Ceux-ci ont été soumis à l’épreuve de la critique, et à plusieurs cette épreuve a été funeste.

Certains théologiens du moyen- âge, exagérant la théorie hylémorphique du sacrement, enseignaient l’invariabilité absolue des matières et des formes des sacrements, et, par voie de conséquence, l’institution par le Christ même de ces matières et de ces formes telles qu’elles existaient au xme siècle. Or les vastes recherches historiques, occasionnées par la Réforme au xvne et au xvin’siècles, et inaugurées par les Jkan Morin, les Dom Martknb, les Assemani et les autres, mirent au point ces thèses trop tranchantes. Elles obligèrent les théologiens, vraiment désireux de conformer leurs théories aux faits, à préciser l’action du Christ, dans l’institution des sacrements : cette action visant proprement pour certains sacrements la détermination de l’effet spirituel, le choix du rite précis a pu être laissé â l’Eglise.

Les variations plus ou moins profondes des matières et des formes sacramentelles, attestées par l’histoire, se trouvent ainsi justifiées. De nos jours, la critique historique a posé de nouveau, et avec plus de précision que jamais, le problème des origines de nos sacrements.

D’après cerapideexposé synthétique, nous pouvons conclure : i°) que nos sacrements ne sont pas des importations étrangères au pur Evangile ; a°) que nos dogmes sacramentaires, issus de la pratique de l’Eglise par un développement légitime et en vertu d’un principe spécifiquement chrétien, ne sont pas des théories tout humaines. Les objections, que l’on oppose à ces deux conclusions, vont être examinées didactiquement et plus en détail, en parcourant successivement les diverses questions de la théologie sacramenlaire.

II’Partie. — Hkpone aux objections

I. La définition du sacrement. — Le sacrement se définit : un symbole ou signe efficace de la grâce. Or, d’après le témoignage de l’histoire, cette définition a été obtenue par la juxtaposition de deux concepts philosophiques : le concept de signe, de symbole, emprunté par Origène et par S. Augustin à la philosophie platonicienne ; et celui de cause, introduit dans la définition par Pikrrb Lombard, et provenant de la philosophie aristotélicienne. C’est, en effet, P. Lombard qui a complété la formule augustinienne (le sacrement est un signe de la grâce) par l’addition de l’élément spécifique de la définition : le sacrement est, à la fois un signe et une cause de la grâce. Cette définition n’a donc aucune valeur