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SACIŒMEXT

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de perfectionnement libérateur. Car l’évolution ne peut pas supprimer lu nature sensible de l’homme, et les défenseurs du culte purement spirituel commettent souvent, dans la pratique, d’étranges inconséquences avec leurs principes.

b) Les exigences de la psychologie religieuse de l’homme. — Le grand désir et le grand besoin de l’âme religieuse, c’est d’avoir l’assurance qu’elle est en paix avec la divinité et dans la voie du salut. Ce désir tourmente les pécheurs, les mourants et souvent même les incrédules. Il ne peut être satisfait que par des signes, des témoignages divinsattestant que Dieu a fait miséricorde. Les sacrements sont précisément ces témoignages, puis qu’il a plu au Christ Je lier la grâce divine à ces rites. Une religion sans rites sacrés méconnaît les besoins les plus essentiels de l’âme religieuse. Ils l’ont bien compris, les ritualistes anglais, lorsqu’ils ont abandonné la froide religion anglicane pour revenir aux pratiques cultuelles de l’Eglise romaine (Cf. P. Thurbau-Dangin, La Renaissance catholique en Angleterre, t. I et II).

c) Le caractère essentiellement social de la religion.

— Une religion requiert essentiellement une associalion, un groupement d’hommes ayant une idée commune de la divinité. Une religion individualiste est chose inouïe dans l’histoire, et même impossible. Car l’homme est fait pour vivre en société. Si toute religion es l essentiellement sociale, il est nécessaire qu’elle ail des signes extérieurs par lesquels on reconnaisse ses adhérents. Cette raison est particulièrement valable pour la religion chrétienne, instituée par Jésus sous forme de société. Les sacrements sontdes signes de ralliement pour les chrétiens (Cf. F. Bbunktiêrb

« La religion comme sociologie » dans Sur

les chemins de la croyance t. I, p. p. 187 ss. ; « La fâcheuse équivoque » dans Questions actuelles, p. p. a83 ss., Paris, 1907).

2° — De fait, historiquement parlant, ajoutent les protestants libéraux, le Christ a institué une religion sans culte extérieur, sans sacrement. L’essence du christianisme, l’œuvre authentique de Jésus, d’après M. Harnack, L’essence du christianisme, tr.fr., Paris IO -°7> PP- 83 ss., consiste uniquement dans la révélation de la pat rnité de Dieu. Le dogme et les sacrements catholiques sont étrangers au christianisme tel que l’a voulu son fondateur ; ils sont des altérations de l’œuvre que Jésus est venu accomplir. A. Sabatibb professe une doctrine analogue (Esquisse. , liv. II, chap. a).

liép. — Il faut accorder au protestantisme libéral que l’histoire seule du Nouveau Testament, abstration faite du développement traditionnel, est incapable de démontrer que Jésusa institué tuuslet sacrements chrétiens. Mais il suffit, pour ébranler la thèse protestante, que nous démontrions hisloriquementl’institulion par le Sauveur d’au moins un sacrement. Or les textes les plus formels et les plus solides nous apprennentque Jésus a institué, la veille de sa mort, le rite eucharistique. Rejeter ce fait, c’est se mettre en opposition avec l’histoire la plus incontestable. Aussi bien, les protestants, qui refusent de l’admettre, imaginent les systèmes les plus invraisemblables pour expliquer, en dehors de toute intervention du Christ, l’origine de rEttch « riatie. Si donc Jésus a institué au moins un sacrement, il est insensé de dire que, historiquement parlant, le christianisme authentique est une religionpurement spirituelle. — Et d’ailleurs, Jésus était si peu l’ennemi du culte extérieur, qu’il l’a pratiqué pendant sa vie mortelle. Il a recule baptême de Jean Baptiste. Il a participé au service religieux des synagogues (Marc, vi, a ; Luc,

« v, 16 ss.) Il a célébré la pâque juive (Marc, xiv, la

ss.) Comment peut-on prêter au Sauveur les élucubrations des rationalistes modernes sur la religion de l’esprit ?

3° — Enfin, puisqueles sacrements chrétiens n’ont pas le Christ pour auteur, ils ne peuvent venir que du paganisme. C’est un axiome pour le protestantisme libéral (Harnack et A. Sabatihr op. cit.), et pour la plupart des incrédules (Cf. Rksan Origines du Christianisme, t. VI, pp. 15/| ss.), que les rites chrétiens ont une origine païenne. On prétend le démontrer par les ressemblances qui existent entre plusieurs de nos sacrements et certains rites desmystères de Mithra, et aussi par ce fait que l’Église a adopté, en les christianisant, divers usages païens, des fêtes païennes, par exemple.

Ilép. — On ne peut discuter, ici, en détail cette thèse rationalis’e, dont la forme la plus récente a été examinée à l’article Mysti’irbs. Il suffit d’indiquer les principes généraux qui en démontrent la fausseté.

Tout d’abord, personne n’a pu prouver l’origine païenne des rites chrétiens. Ce qui a été dit, à ce sujet, est purement hypothétique et repose sur des vraisemblances plus que contestables. L’histoire montre que nos sacrements sont nos d’un principe spécifiquement chrétien et qui remonte au Christ. Elle atteste aussi que les écrivains ecclésiastiques de tous les siècles ont revendiqué sans cesse cette origine chrétienne en faveurdenos sacrements (P. Pourrat. La théologie sacramentaii e, chap. vi). A cette affirmation ininterrompue de l’Eglise, on oppose une hypothèse tendancieuse, inspirée par le désir de combattre le catholicisme.

Les ressemblances, qui existent entre certains rites païens etplusieurs sacrements, sont loin de prouver la thèse protestante, a) Car ces ressemblances ne doivent pas être exagérées. Les rites d’initiation de la religion mithriaque, s’ils offrent des ressemblances avecles sacrementsde l’initiation chrétienne, en diffèrent profondément par certainscôlés. Qu’importe que les mithriastesaientété initiés parun bain de purification ; qu’ils aient été signés au front ; qu’ils aient participé aune oblation de pain et d’eau ? Ces rites n’avaient pas pour eux, tant s’en faut, le sens des rites chrétiens dont on les a rapprochés. — b) Ces ressemblances ne s’expliquent pas nécessairement par un emprunt du christianisme au culte de Mithra. D’autres explicationssontaussi vraisemblables, pour ne rien dire de plus. Pourquoi, par exemple, le mithriacisme n’aurait-il rien pris au christianisme ? Précisément, S. Justin (l Apol., 66) et Tkrtulme* (De præsc, ho ; De corona, 15) l’accusent d’avoir plagié, dans ses mystères, les rites de l’initiation chrétienne.

« N’imite-t-il pas (le diable) dans les mystères

des idoles la chose de la foi divine ? Lui aussi baptise ceux qui croient en lui, ses fidèles… Et si je me souviens encore de Mithra, il marque là au front ses soldats. Il célèbre l’oblationdu pain. » (Tbhtuix., De jiræsc, /|o). Les auteurs chrétiens du 11e et du iue siècles étaient probablement mieux renseignés que les protestants libéraux modernes (Cf. L. Duchesnb, Histoire ancienne de r Eglise, t. I, chap. xxvii). — c) Enfin, ces ressemblances peuvent aussi s’expliquer par le fait que le sentiment religieux tend à s’exprimer conformément à la nature de l’homme. Il y a une conformité naturelle entre tel sentiment religieux, le désir de la purification par exemple, et tel rite qui en est l’expression, le bain. Notre Seigneur, en instituant les sacrements, a choisi des rites déjà existants pour la plupart, et naturellement aptes à symboliser leurs effets, et auxquels il a voulu communiquer une vertu divine. Les autres religions, ayant des besoins analogues à ceux du christianisme, ont