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res qui refuseraient de se convertir devraient se réunir dans certains portsqui leur étaient indiqués, et delà être, le31 décembre, déportés hors d’Espagne. Les délégués des Musulmans allèrent solliciter un délai de cinq ans ou tout au moins un adoucissement de l’édit. Reçus d’une manière inexorable, ilsdemandèrent l’intercession dugrand Inquisiteur le cardinal Manrique, qui se montra humain à leur égard ; c’est Llorbnth lui-même qui le déclare I, p. 433).

Sur une intervention de Manrique, l’empereur leur promit, le 16 janvier 1525, que, moyennant leur conversion, ils seraient traités comme les nouveaux chrétiens de Grenade et poursuivis seulement dans le cas d’une apostasie flagrante et constatée ; une partie de leurs biens cultuels serait distribuée à leurs anciens chefs religieux, les alfaquis ; la langue arabe et leurs coutumes seraient tolérées pendant dix ans ; leurs groupements particuliers continueraient à s’administrer eux-mêmes, sans contribuer aux dépenses municipales ; pour tout le reste, ils seraient mis sur le pied d’égalité avec les vieux chrétiens (Llorbntb, I, 433 et suiv.).

Ces adoucissements, obtenus de Charles-Quint par le grand Inquisiteur, facilitèrent la capitulation des Mores, qui reçurent le baptême en masse, en Aragon, en Catalogne et dans le royaume de Valence.

L’unité religieuse était donc établie en Espagne, en même temps que l’unité nationale et la centralisation monarchique. Sous le sceptre de Charles-Quint, héritier des souverains catholiques Ferdinand et Isabelle, iln’y avait que des catholiques : les ieux chrétiens, descendants de ceux qui, au cours’.'es sept derniers siècles, avaient reconquis lapéninbule sur l’Islam, les Juifs convertis ou Marranes, les Mores convertis ou Morisques.

Il est possible que l’empereur-roi ait cédé à des motifs d’ordre religieux et eru servir Dieu en convertissant ainsi les infidèles, mais le mobile religieux ne fut pas le seul ; ses aïeux, Ferdinand et Isabelle, avaient été aussi pieux que lui, et cependant ils avaient traité différemment les hétérodoxes, tolérant les Maures à Grenade, pendant dix ans, et dans les états de Castille et d’Aragon toujours, et ne frappant que les faux convertis. Ces attitudes tolérantes ou intolérantes dépendirent en grande partie des conceptions politiques des souverains espagnols et des circonstances au milieu desquelles ils eurent à se débattre pour maintenir l’unité nationale, si précaire à ses débuts.

Vaincus en 1/592, les Mores n’avaient pas abandonné tout espoir de revanche ; réfugiés chez leurs frères du Maroc, ils préparaient des expéditions pour la reoonquète de Grenade ; entre eux et l’Espagne, la guerre était permanente, tantôt sournoise et tantôt déclarée. Pour contenir les mouvements offensifs de l’Islam qui se préparaient sans cesse en Afrique, la monarchie espagnole dut commencer, dès les règnes de Ferdinand et d’Isabelle, ce* expéditions africaines qui se poursuivirent, pendant tout le xvie siècle, sous les règnes de Charles-Quint et de Philippe II. Les armées espagnoles occupèrent, sur la côte, Melilla en 1 497, le peiïon de Vêlez en 1508, Oran en 1500, Tenès, le pefion d’Alger, Bougie et Tripoli en 1510.

De leur côté, les Mores d’Afrique menaçaient à tout instant la sécurité intérieure de l’Espagne. Leurs expéditions de piraterie, qui allaient se poursuivre pendant trois siècles, infestant la Méditerranée, poussaient jusque dans l’intérieur des ports espagnols leurs coups de force ; des bandits arabes terrorisaient l’ancien royaume de Grenade jusqu’aux portes de cette ville ; et lentement, malgré ses lois,

profitant des libertés laissées aux Morisques, les Mores expulsés s’infiltraient dans toute l’Andalousie. Enfin et surtout, malgré sa conversion apparente, l’élément morisque, toujours nombreux, riche et puissant, était en état de conspiration perpétuelle avec les Mores du Maroc ou ceux qui pénétraient en Espagne. Ainsi s’expliquent les nombreux soulèvements de Morisques, qui, aux moments critiques que traversa la monarchie, éclatèrent ; le plus terrible fut celui qui, sous Philippe H, dura deux ans de 1067 à 1569, et eut pour conséquence la proscription générale des Morisques.

On s’était imaginé que le meilleur, le seul moyen d’assimiler l’élément arabe à l’unité espagnole, c’était de le convertir au christianisme, puisque c’était la religion musulmane, plus encore quel » race et les conditions sociales, qui lui maintenait son caractère réfractaire. C’est cette pensée qui avait inspiré Charles-Quint, comme Isabelle et Ferdinand, quand ils avaient forcé les Mores vaincus de choisir entre le baptême et l’exil. C’est cette pensée qui avait dressé contre les Mores les comuneros en une aversion dans laquelle il est dillicile de faire la part exacte du fanatisme ou du nationalisme. C’est encore cette pensée quia fait approuver toutes ces mesures et même la répression inquisitoriale par des esprits distingués, imprégnés de l’esprit de la Renaissance et nullement fanatiques, tels que l’humaniste Pierre Martyr d’Anghiera, un ami de 1 archevêque de Grenade, Talavera.

Ainsi s’explique la faveur que rencontra l’Inquisition dans les milieux espagnols les plus divers, au xvie siècle. Chargé de rechercher les faux frères, c’est-à-dire les Marranes et les Morisques qui, sous les apparences de christianisme, gardaient l’urs croyances juives et musulmanes et aveo elles leurs rancunes, leurs désirs de vengeance et leur haine contre l’Espagne, le Saint-OfOce apparaissait aux Espagnols comme une institution nationale chargée de préserver le pays de ses ennemis les plus dangereux, ceux qui vivaient cachés en son sein.

Remarquons d’ailleurs qu’à plusieurs reprises, le Saint-Siège intervint pour modérer les mesures de rigueur de l’Inquisition et prendre sous sa protection les Morisques ; c’est ce que nous relevons dans le catalogue des actes pontificaux que nous donne Li.OH.nNTE, cependant si partial contre l’Eglise. Le 2 décembre 1530, Clément VII donnait aux inquisiteurs le pouvoir d’absoudre en secret les crimes d’hérésie et d’apostasie, par conséquent en dehors de tout procès public et à ce titre infamant ; le 16 juillet suivant, il ordonnait aux inquisiteurs de procéder en faveur des Morisques contre les seigneurs qui, en les surchargeant d’impôts, leur rendaient odieuse la religion chrétienne ; le a août 1546, Paul III déclarait les Morisques de Grenade aptes à tous les emplois civils et à toutes les dignités ecclésiastiques ; le 18 janvier 1556, Paul IV autorisait les confesseurs à absoudre secrètement les Morisques.

. IV. L’Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d’Erasme. — Le protestantisme ne tarda pas à fournir un nouvel alimenta l’activité de l’Inquisition. Il pénétra de bonne heure en Espagne. Le roi d’Espagne étant en même temps empereur d’Allemagne et souverain des Pays-Bas, il y avait des communications fréquentes entre la péninsule et le monde germanique, berceau du luthéranisme. Les hauts fonctionnaires civils, les prélats de Castille, d’Aragon, de Valence et de Catalogne allaient souvent retrouver Charles-Quint dans les villes d’Allemagne où il séjournait ou au milieu des dictes qu’il