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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/59

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POUVOIR INDIRECT

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entant diplomatique auprès du Quirinal. Le chef d’Étui étranger est censé venir de son propre territoire au palais apostolique du Vatican, et ignorer (pour une heure) qu’il existe dans Rome un autre personnage souverain que le Pape. Le sens transparent d’une telle fiction diplomatique ne saurait échapper à aucun observateur réfléchi.

Sous Léon XIII, les règles dont nous venons de parler s’appliquèrent notamment aux trois célèbres visites que lit au Vatican l’empereur allemand Guillaume II, en 1893, 1898, 1903, avec l’appareil un peu théâtral qu’il affectionnait, puis à la visite que lit, en 1903, le roi d’Angleterre Edouard VII, avec l’allure plus discrète qui était dans sa manière.

Sous Benoit XV, le même protocole se renouvela, en IQIQ, pour la visite faite au Vatican par M. VVoodrow Wilspn, président fédéral des États-Unis d’Amérique, ainsi que, précédemment, pour la visite du prince de Galles, héritier présomptif de la couronne de Grande-Bretagne, et, plus récemment, pour la visite de l’émir Faïçal, (ils du roi d’Arabie et client politique de l’Angleterre. La tradition vaticane du régime des audiences officielles était donc définitivement consacrée. L’encyclique Pacem Dei eut pour conséquence d’étendre la même règle aux audiences des princes catholiques.

Sous Pie XI, le 28 mars 1922, le roi des Belges, Albert I", la reine Elisabeth et le prince héritier, Léopold.duc de Brabant, étaient reçus officiellement au Vatican, d’après le nouveau protocoleadopté sous Benoit XV. Conformément aux suggestions de la diplomatie pontilicale, la diplomatie belge obtint, en outre, du gouvernement italien que, devant le roi et la reine des Belges, aucun dignitaire du royaume d’Italie ne prononçât le mot de Rome-Capitale, de Rome intangible, de la troisième Rome, ou autre expression jugée offensante pour le Saint-Siège. Il y eut, dans ce dernier fait, une indication intéressante.

Quant à l’objet des revendications pontilicales, à propos du pouvoir temporel, son principe est toujours le même. Il faut que l’indépendance du Pontife romain, à l’égard de l’Etat italien, il faut que sa Sou< era ineté trouve une garantie certaine et apparente : garantie territoriale ou gaTanliediplomatiquc et internationale. L’avenir déterminera les modalités opportunes, sous l’action de la Providence divine. Mais la doctrine théologique demeurera intacte : le Pape doit être Souverain, au regard du Droit des Gen3, pour que soient sauvegardées efficacement l’indépendance et la liberté de sa magistrature religieuse et surnaturelle.

Le présent article était composé et mis en pages lorsque Pie XI promulgua, en date du 23 décembre 1922, l’Encyclique l’bi arcano Dei, qui se termine par une revendication solennelle et catégorique du droit de Souveraineté du Saint-Siège en même temps que par un discret appel adressé à l’Italie pour le règlement équitable du douloureux litige.

II
POUVOIR INDIRECT DU PAPE SUR LES CHOSES TEMPORELLES

I. Position de la question.— Nous ne parlons plus, comme dans la section précédente, d’un pouvoir pontifical se traduisant, au regard du Droit des Gens, par un titre juridique de Souveraineté temporelle ; miis d’un pouvoir pontifical se rattachant à la juridiction religieuse et spirituelle, apte à créer chez les fidèles un devoir d’obéissance hiérarchique, bien que le précepte (obligatoire pour les consciences) s’exerce en matière politique ou temporelle.

Au premier abord, le concept d’un tel pouvoirpeut paraître étrange, puisque le christianisme a eu pour effet d’introduire dans le monde la distinction claire et précise du domaine appartenant légitimement à César et du domaine réservé à Dieu seul ; du domaine de la société séculière et de celui de la société religieuse ; du domaine temporel et du domaine spirituel. N’estce pas bouleverser cette notion fondamentale que prétendre attribuer à l’Eglise du Christ, au Vicaire du Christ, un pouvoir quelconque sur les choses temporelles, quiappartiennent normalement au domaine de César ? Evidemment, c’est là une doctrine délicate, qui réclame explication et justification.

Le terme de pouvoir indirect signale le caractère en quelque sorte anormal de ce genre d’autorité en un domaine que l’Eglise ne revendique pas comme le sien propre. C’est par voie de conséquence, c’est par suite d’une rencontre complexe de conditions et de circonstances, c’est dans des limites dont la zone certaine est rigoureusement circonscrite, que le Vicaire de Jésus-Christ possède indirectement juridiction sur certaines matières d’ordre temporel.

Il faut répéter ici cela même que nous avons dit à propos de l’origine du pouvoir politique. Nous ne prétendons nullement élucider les multiples problèmes historiques où apparaît, chez les Pontifes romains, la volonté d’exercer leur puissance « indirecte » sur le temporel des Etats. (Voir, par exemple, plus haut, l’article Alexandrb VI, section consacrée aux Brefs de partage du Nouveau Monde. Tome I, col. 83 à 86.)

Nous ne prétendons pas davantage entrer dans le détail de nombreuses et retentissantes controverses, au cours desquelles s’affrontèrent les partisans et adversaires du pouvoir indirectdes Papesen matière temporelle. Toutes sortes de contingences obscurcissent et compliquent chaque application concrète du principe et chaque controverse théologique, y introduisant des éléments adventices, et, en particulier, des préoccupations ou des passions absolument étrangères à l’objet réel et exact du problème doctrinal.

Au Moyen Age, la question présente une confusion particulière, non seulement à cause des litiges de personnes et d’intérêts, qui existent alors comme à toute autre époque, mais à cause des éléments de droit féodal et de droit public de la Chrétienté qui se mêlent constamment et nécessairement aux considérations d’ordre théologique.

Pour dégager quelques idées dominantes à cet égard, un utile et heureux travail de discernement fut accompli, en 1898, par le R. P. Alfred Baudrillart, dans la Revue d’Histoire et de Littérature religieuses (tome III, p. 192 à 2a3 et 30g à 337), sous ce titre : Desidées qu’onse faisait au quatorzième siècle sur le droit d’intervention du Souverain Pontife en matière politique.

Au temps du protestantisme et de la Ligue, puis au dix-septième siècle, la même controverse se réveilla, prit un caractère plus dogmatique et plus circonscrit, et fit couler des flots d’encre chez les théologiens pontiûoaux, chez les parlementaires gallicans et chez les polémistes protestants. Le problème fut plus directement débattu entre le roi Jacqubs I er d’Angleterre et ses contradicteurs catholiques, notamment Bellarmin, Suarbz, Cobffrteac. Il s’agissait précisément desavoir si un catholique pouvait, en sûreté de conscience, prêter le serment ne fidélité exigé par le roi Jacques, serment qui répudiait, comme impie et hérétique, la doctrine autorisant le Pape à excommunier les rois et à ordonner leur déposition pour quelque motif que ce fût. On trouvera le détail de cette controverse, avec une