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SCOLAIRE (QUESTION]

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surveillants, comme pourraient être appelés à le faire des éducateurs non congréganistes.

La loi autori-era-t-elle cette pratique comme l’exercice incontestable d’un droit ?

La loi inteidira-t-elle cette pratique, en privant les congréganistes, parce que congréganistes, du droit d’enseigner ?

Voilà comment se pose, pratiquement et d’une manière concrète, le problème politique et législatif de la liberté de l’enseignement, en tant que concernant les membres des Congrégations religieuses.

3° f.a législation française, depuis un siècle, et le droit d’enseignement pour les congréganistes.

A l’aurore du vingtième siècle, à la veille de la loi du I er juillet 1901, ce droit d’enseigner dans les établissements libres est indubitablement reconnu aux congréganistes par la législation française.

Il constitue l’un des éléments principaux, essentiels, de chacune des trois lois qui organisèrent la liberté de l’enseignement : primaire (1833), secondaire (1850), supérieur (1895).

C’est sur le terrain de l’enseignement secondaire que la question du droit des congréganistes avait rencontré les oppositions les plus tenaces, les plus acharnées.

Si les clameurs de l’opposition libérale arrachèrent à Charles X, sous le ministère Martignac, celle des deux ordonnances de 1828 qui fermait les huit petits séminaires tenus par les Jésuites, ce fut le couronnement de la campagne féroce des partis de gauche contre la Compagnie de Jésus, pour détruire l’artifice par lequel la bienveillance du gouvernement de la Restauration avait rtist : avec le monopole universitaire alors en vigueur : laisser prendre, de fait, à des éducateurs congréganistes la liberté de l’enseignement secoiidaire.cn qualifiant leurs collèges du titre de petits séminaires diocésains.

Durant toute la Monarchie de Juillet, si le monde otlieiel, libéral et universitaire refusa obstinément d’accorder aux catholiques la liberté de l’enseignement secondaire, ce fut surtout par crainte des Jésuites et de leur enseignement. Chacun des projets de loi proposés par les ministres de Louis-Philippe excluait du droit d’enseigner les membres des Congrégations enseignantes. La grande campagne de 1843-18/|5, contre les Jésuites, fut essentiellement une diversion tapageuse, tendant à décourager et à discréditer les revendications des catholiques en faveur de la liberté de l’enseignement. Cette liberté profiterait particulièrement aux Jésuites : alors, contre les Jésuites, est renouvelée, propagée, centuplée une légende monstrueuse et fantastique.

Lors de la réconciliation, au lendemain des journées de juin 18^8, entre les catholiques et les conservateurs libéraux, l’œuvre commune qui scella leur alliance fut une loi de transaction sur le régime de l’enseignement. Du point de vue religieux, le moment décisif est celui où, dans’.a commission extra-parlementaire, l’abbé Dupanloup arracha l’adhésion d’Adolphe Thiers à cette idée que le droit d’enseigner serait reconnu à tout citoyen français justifiant des conditions nécessaires de capacité et de moralité, et que nulle distinction ne devrait être instituée entre les bénéficiaires de la liberté. L’interpellateur de 18£5 est conquis à la cause du droit des Jésuites eux-mêmes à la liberté de l’enseignement.

Le 23 février 1850, est rejeté, par 450 voix contre 1/48, l’amendement Bourzat, qui excluait du droit d’enseigner les membres des Congrégations religieuses non autorisées. Adolphe Thiers reprit à la tribune les mêmes arguments que l’abbé Dupanloup

lui avait fait admettre dans la commission extraparlementaire. C’est lui qui emporta le vote des conservateurs libéraux, unis aux catholiques.

Et le grand évêque Parisis combattit l’amendement au nom des catholiques, en flétrissant l’odieuse manœuvre qui aurait consisté à dissocier le clergé régulier du elergé séculier.

Depuis 1850, le droit des congréganistes à enseigner est donc légalement reconnu et consacré. La loi de 1876, sur l’enseignement supérieur, lui apporte une application et une consécration nouvelles.

En 1879 et 1880, un assaut furieux est livré, sous la direction de Jules Ferry, aux Congrégations enseignantes, et aboutit à des ruines désastreuses, quoique temporaires. Mais le texte des lois de 1833, 1850, 18^5 demeure intact sur ce point, et maintient que, sans distinction de congréganiste, autorisé ou non autorisé, et de non congréganiste, tout citoyen français qui fait preuve des conditions prescrites de capacité et de moralité est en droit de donner l’enseignement libre à tous les degrés. Ce principe est illustré par le rejet, au Sénat, du trop fameux article 7, en date du 9 mars 1880.

Telle était la situation défait et de droit au dernier jour du xix c siècle.

4° La violation légale du droit.

C’est l’article 1 4 de la loi Waldeck-Rousseau, du ("juillet 1901, sur le contrat d’association, qui va introduire, en cette matière, l’innovation décisive :

« Nul n’est admis à diriger, soit directement, soit

par personne interposée, un établissement d’enseignement, de quelque nature qu’il soit, ni à y donner l’enseignement s’il appartient à une Congrégation religieuse non autorisée.

« Les contrevenants seront punis des peines prévues

par l’article 8, par. 2.

« La fermeture de l’établissement pourra, en outre, 

être prononcée par le jugement de condamnation. »

Texte voté à la Chambre par 3 12 voix contre 216, le 25 mars 1901, après un débat brillant et passionné, où s’affrontèrent principalement Waldeck-Rousseau et Albert de Mun. Pour une agression perûde contre l’enseignement des Frères, Léon Bourgeois obtint de la majorité anticléricale les honneurs de l’affichage.

Même texte voté au Sénat, par 17.5 voix contre 89, après un débat non moins brillant et non moins passionné, où le plus énergique et le plus éloquent défenseur du droit des congréganistes fut Gustave de LamarzeUe.

Quelles personnes furent atteintes par l’interdiction contenue dans l’article i^ ?

En vertu du texte lui-même de la loi de 1901, les membres de toutes les Congrégations non autorisées, qui, ne sollicitant aucune autorisation parlementaire, restèrent toujours exclus des bienfaits de la légalité de 1901. Tels les Jésuites.

En vertu des votes rendus en 1903, les 18 mars, 2^ mars, 36 mars, 26 juin, à la Chambre, et le / » juillet au Sénat, furent rejetées les demandes d’autorisation formées respectivement par 25 Congrégations enseignantes d’hommes, — 28 Congrégations de prédicateurs, — l’Ordre des Chartreux, — 81 Congrégations enseignantes de femmes, — et, en dernier lieu, les Salésiens de Dom Bosco. Tous les membres de ces diverses Congrégations étaient désormais, tant qu’ils resteraient congréganistes, déchus du droit d’enseigner, par application de l’article 14 de la loi de 1901.

Durant la même année 1903, une série de décrets présidentiels ordonnait la fermeture de plus de 10.000 établissements scolaires non autorisés, qui