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SPIRITISME

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la survivance et de la réalité de communications avec l’au-delà ; nous établissons cette double assertion par des témoignages puisés à des sources multiples. C’est notre droit d’appuyer notre doctrine par tout ce qui est de nature à la corroborer.

Voilà l’équivoque. Le Spiritisme enseigne l’existence de communications ajustées, organisées, avec l’autre monde. A l’appui, il apporte des faits isolés, sans lien entre eux et sans lien avec un rite spécial. Par là, il induit en erreur le public qui n’y regarde pas de si près. Si, au moins, il déclarait qu’il allègue ces récits à seule lin d’établir que les communications avec l’au-delà sont possibles, puisque, cela posé, il en viendra à sa doctrine spéciale. La position serait plus nette et l’on verrait sur quoi discuter. Mais le spiritisme n’est pas accoutumé à faire ces distinctions. C’est le royaume de la confusion perpétuelle. Voyez les livres et les revues spirites : les faits isolés dont nous parlons sont mêlés à l’exposé de leurs théories, comme si elles y trouvaient une confirmation. Nulle part, on ne prend soin de tenir le lecteur en garde contre une fausse induction possible, et on le devrait si l’on n’avait en vue que la vérité scientiûque. Bien plus, on rapporte des faits douteux, sans garanties véritables, ou même des faits cent fois démontrés faux ; on se dit : le public est crédule. Et ces faits suspects, controuvés, on les accumule en chapitres ou en recueils qui donnent l’impression de choses familières, habituelles. C’est l’équivoque voulue, cherchée, cultivée.

III. Les Preuves. — Les spirites se prétendent en relation ordinaire avec les défunts. Ils le disent et nous sommes invités à les croire. La prétention est d’importance, et il nous est permis de demander une preuve proportionnée. Or, de l’aveu de tous ceux qui ont étudié l’histoire du Spiritisme, depuis les origines, c’est-à-dire depuis soixante-quinze ans, aucune preuve, nous ne disons pas décisive, triomphante, mais seulement probable, digne de considération sérieuse, n’a été fournie de ces relations. Un guéridon frappe des coups avec le pied. On lui demande : o Qui est là ? » Il répond par des coups interprétés selon un alphabet : « C’est l’esprit de votre enfant. C’est l’esprit de Newton. C’est l’esprit de saint Paul. » La conversation continue. Les messages transmis sont des lieux communs, des phrases banales ou dénuées de sens, des propos de portière. Votre enfant mêle à de plates effusions sentimentales des commencements d’ouvertures, péniblement ànonnées, sur ses occupations d’outre-tombe. Newton a oublié la physique. Saint Paul fait des hérésies et parle comme un humanitarisle. Parfois un auditeur plus exigeant demande des preuves d’identité. Le correspondant d’outre-tombe, en général après s’être fait longuement prier, suggère un détail qu’il est sensé seul connaître, détail noyé dans une masse de choses sans intérêt et sans cohésion, détail présenté souvent sous la forme d’une devinette, telles qu’on en trouve dans les magazines ou journaux illustrés pour enfants. Et l’on voit, comme dans le cas de Raymond, toute la famille d’Oliver Lodge s’atteler pour en extraire péniblement un sens acceptable.

Vraiment, est-ce que les défunts réels, communiquant avec nous, n’auraient pas des moyens plus simples et plus convaincants pour établir leur identité ? Car enfin, leur identité est la chose qui importe. Les « messages » que nous possédons sont de la plus désolante médiocrité et il n’est nullement nécessaire d’habiter l’autre monde pour être capable de les fabriquer. Mais ce que nous voulons, c’est de savoir si

celui qui nous parle est notre enfant, s’il est un habitant de l’au-delà. Cela établi, on lui fait grâce volontiers du reste. Car cela établi, c’est l’assurance que mon enfant vit et me connaît encore, c’est l’assurance qu’il y a un autre monde, une vie future où la conscience persiste. Or, cette preuve d’identité qui paraît si facile, qui peut se donner en tant de manières, qui est d’un intérêt primordial pour chacun des correspondants, c’est sur quoi on n’obtient que des indications fugitives, des clartés douteuses, des affirmations incertaines. Il y a bien les correspondence-cross, ces bouts de phrases communiqués à plusieurs médiums, bouts de phrases qui ne prennent un sens qu’après avoir été rétablis à leur place et assemblés. On peut admirer l’ingéniosité du procédé ; on peut se demander comment ont été conçus ces fragments et comment les médiums en prennent connaissance. Mais peut-on soutenir qu’aucune explication naturelle et « terrestre » n’en est possible, et qu’il faut, de nécessité, faire appel à l’intervention des esprits ? On imprime des volumes de communications dites d’outre-tombe ; ce qui y manque le plus, et ce qu’on y cherche avant tout, c’est la preuve qu’elles nous sont dictées d’outre-tombe.

On a essayé de faire entendre les esprits. Louable tentative. Insuccès pitoyable. L’aventure burlesque des esprits, parlant à travers une trompette d’argent, dans une séance organisée par Conan Doyle, aventure répétée devant le professeur Crawford, à Belfast, peut montrer jusqu’où va la crédulité humaine. Aucune voix parlée, se disant de l’au-delà, n’a été prise au sérieux, reconnue pour la voix d’un être cher, que par des correspondants disposés à tout croire.

On a entrepris de photographier les esprits. On a produit des plaques où les esprits des défunts tantôt étaient venus complaisamment se faire prendre avec leur figure terrestre, tantôt y avaient imprimé la trace de leurs effluves. Répétons qu’il faut que la crédulité humaine soit sans mesure pour que le spiritisme n’ait pas été, en ces circonstances, tué par le ridicule.

Dans les séances où s’évoquaient les esprits, on a entendu des craquements aux meubles ou aux murs ; des sons ont été perçus, sons de guitare ou de sonnette, parfois la guitare ou la sonnette ont voltigé en résonnant sur la tête des assistants. Des mains douces frôlent leurs visages, leur tapotent dans le dos. Plus récemment, à l’Institut métapsychique de l’avenue Niel à Paris, une patte velue vint les caresser, un animal mystérieux se joua dans leurs jambes, une odeur de fauve mouillé emplit la salle. Des lueurs ont apparu, des traînées de vapeur à l’éclat phosphorescent, des vapeurs ont pris corps dessinant des figures invariablement enveloppées de mousselines nuageuses. Des mains se sont imprimées sur de la farine disposée à cet effet, d’autres ont laissé leur moulage dans de la paralline liquide tenue en suspension dans des baquets d’eau tiède. Et l’assistance de s’écrier, pâmée ou ahurie : « Deus ! Ecce Deus ! L’Esprit ! Voilà l’Esprit ! »

Donc ce seraient les morts qui, à l’appel des vivants, viendraient exécuter ces voltiges, ces mascarades, ces pantalonnades ! Vraiment, ils ont bien du loisir et ils l’occupent d’étrange façon ! Voit-on nos défunts se prêter ainsi à des tours de tréteaux ? Le spiritisme a réussi à déshonorer la mort, cette chose sacrée devant laquelle toutes les religions s’étaient inclinées. Sous prétexte de nous révéler l’au-delà, il a gratifié ses habitants d’une mentalité de saltimbanques et de pitres. Et qu’on ne dise pas que c’est là le fait de quelques esprits qui n’auraient pas encore dépouillé les tares d’ici-bas. Laissons pour le moment les questions doctrinales que cette réponse