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STIGMATES DE SAINT FRANÇOIS

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même, malgré l’application de bandages encadrant un verre de montre à travers lequel le stigmate n’était accessible qu’aux yeux, il restait des risques de déchirure, des solutions de continuité par où le sujet pouvait introduire un stylet, bref non seulement des causes d’insécurité, mais des présomptions de fraule : « Non seulement je n’ai pas pu démontrer l’absence ou l’impossibilité de tout traumatisme avant le stigmate, mais j’ai même été conduit peu à peu à la conviction que l’existence d’un certain trauihatisme avant le stigmate était toujours très probable. » Suit une énumération des motifs de douter, énumération valable aussi (le bon sens l’indique) dans tous les cas analogues. D’abord Vt extatique » de cette espèce est capable de se blesser et de mentir : on l’a vue, elle l’a dit. En second lieu, des « stigmates », si l’on entend par là des excoriations sur des points surveillés, foisonnent. Enlin ces « stigmates » auxquels leur nombre, leur situation, leur forme, leur insignifiance ôtent tout intérêt, s’expliquent assez, « l’ongle du médius pressant exacte mont le point où se présente le siiginate des mains », etc. Autre remarque péremptoire : « L’influence morale isolée, sans le traumatisme matériel, n’a jamais suffi pour déterminer le stigmate ». Il y a des extases sans plaie et des plaies sans « extase », donc présomption d’une cause accidentelle et peut-être volontaire à l’origine des plaies : la menstruation, notamment, est incriminée seize fois sur vingt.

Il faut donc avouer que les clientesd’asiles, « hystériques » ou^non, n’encouragent guère à l’attente d’une observation sérieuse de stigmate vrai, puisque Madeleine, observée pendant vingt-deux ans, n’a pas fourni la preuve de la spontanéité de ses stigmates, mais a même laissé craindre — et toujours — l’intervention d’une cause équivoque… Encore si le fait en lui-même, indépendamment de sa cause déjà suspecte, était caractéristique ! Mais tant s’en faut : les stigmates de Madeleine étaient de petites érosions, des bulles, et « une fois » seulement une simple

« excoriation de l’épiderme » laissant suinter « de

la sérosité et du sang » (Janet, De l’Angoisse à l’Extase, chez Alcan, Paris, 1926, pages ffj : i, k’H et suivantes. Cf. l’étude du même cas par le même auteur, dans Névrosetet Idées fixes, t. I, et dans Bulletin de V Institut psychologique, 1901). Ni hémorragie sérieuse, ni douleur. — Tel est l’insignitiant effet delà concentration defa pensée normaleou délirante sur lesprétendues "hémorragies des clients d’asiles ; aussi, en 191 1, le successeur de Charcot à la Salpêtrière, Dajkkin’b {Manifestations fonctionnelles des Psyclionét > roses, pp. i">o, 1 53) avouait-il qu’il ne connaissait < aucun cas » de ces « classiques hémorragies auxquelles on a donné le nom de stigmates ».

Ou reste, il ne suffirait pas qu’une hémorragie fi ; t observée dans un asile pour être qualifiée de morbide. Madeleine, la cliente de Jaæt, aurait pu avoir de vrais stigmates dans un asile comme ailleurs. Mais elle n’en a pas davantage fourni la preuve en se présentant comme « hystérique > : donc l’hystérie ne produit pas spontanément les stigmates.

Il est vrai qu’on ne parle plus d’hystérie : le terme en est désuet el l’objet en est’"" ; ue : mais pratiquement ce qu’il en reste d’intéressant, et probablement d’essentiel (voir IIystkrir), c’est la suggeslibilité des sujets dits hystériques. Cette suggestihililé, forme objective de leur « imagination >, les rend-elle naturellement capables de réaliser les stigmates qu’ils conçoivent ou désirent ? Le cas de Madeleine, et à plus forte raison les cas moins bien et moins longtemps étudiés, obligent à la conclusion contraire.

Aussi le rationalisme contemporain a-t-i ! fait état de phénomènes prétendument aussi naturels, mais

plus rares et censés physiologiques, groupés sous le nom de métapsyehiques et de supernormaux, ou de parapsychologiques. Le Professeur Richet en France, sir Oliver Lodge en Angleterre, le Professeur Cazzamalli en Italie, von Schrenck-Notzing et Tishner en Allemagne, sont les protagonistes de cette science nouvelle, dont l’originalité, sauf erreur de notre part(/îe> «e Universelle du 15 mars 192^ ; — Presse Médicale du 26 mai 1926), n’est faite que de la confusion, du mélange entre des éléments authentiques de la psychologie ordinaire, et des objets surhumains ou transcendants de la théologie.

Au dernier Congrès de Métapsychique, le a8 septembre 1927, M. le D r J. Bobhmb, de Nuremberg, a présenté comme un phénomène de métapsychique le cas de la stigmatisée de Konnersreuth.

Il est possible que la stigmatisée de Konnersreuth ait des stigmates surnaturels : le cas fait l’objet d’une expertise canonique, comme l’a rappelé la Croix, peu de jours avant le r tpport du docteur allemand en Sorbonne. En même temps le journal catholique rappelait des. allusions anciennes à des interventions de l’autorité compétente dans la même expertise. Mais peu importe : l’explication par la Métapsychique n’en est pas une : ou ces- stigmates ont lieu en fonction de facteurs surnaturels dont l’autorité catholique est juge, et que la

« science » ne gouverne pas, et alors il n’y a pas

présomption de stigmates naturels ; ou ces stigmates dépendent de conditions connues, déterminées, el il ne s’agit pas de métapsychique, puisque la faculté supernormale des médiums ou autres sujets exceptionnels est l’objet de théories, de discussions, d’hypothèses, mais non d’une définition précise. — Tout porte même à croire que la Métapsychique se dédouble en deux objets : l’un psj r chologique, quand il ne s’agit que de facultés humaines connues ; l’autre métaphysique ou transcendant, quand la cause incriminée, par ses allures, par son intelligence, par son indépendance, ne s’avère pas humaine. Dire qu’elle est métapsychique pour l’annexera la nature, c’est faire une pétition de principe si la cause n’agit pas humainement ; c’est obscurcir la question s’il s’agit de délire, d’hallucination, de suggeslibilité ou de tout autre phénomène qui, pour être débaptisé, n’en est pas mieux connu ni plus mystérieux.

Au reste, l’observation seule ne saurait trancher la question des stigmates naturels : il y faut au moins l’interprétation des faits, et leur imputation à une cause logique. Ceux qui ont observé de nos jours, par exemple, « la séraphique vierge de Lucques », Gemma Galgani, morte en 1903, ont considéré ses stigmates comme surnaturels (Cf. Gemma Galgani, par le R. P. Germain db St Stanislas, son directeur spirituel, trad. fr. chez Brunet, Arras, 1910) : pourquoi ? Parce que ces stigmates apparaissaient ou disparaissaient sur l’ordre de l’autorité spirituelle, non autrement, parce qu’ils se formaient et s’effaçaient avec une rapidité miraculeuse (R. P. de Saint Stanislas, pp. 198-199), el pour mainte autre raison d’ordre spirituel. Mais on aurait conclu de même si Gemma avait présenté ces phénomènes dans un hôpital ; et inversement, des témoins médecins, constatant le fait dans un cloître, n’auraient pu l’annexer à la Nature, faute de savoir à quelle force de la Nature. On n’en connaît aucune dont la fonction consiste à faire souffrir et saigner surabondamment deux mains et deux pieds, on n’en connaît aucune qui préside en quelques instants à l’ouverture et à l’occlusion des tissus. — Mais quoi qu’il en soit, l’observation seule n’est évidemment pas concluante : c’est avec leur raison, ce