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TEMPLIERS

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venant sur leurs rétractations précédentes, se déclarèrent coupables. Jacques de Molai, en particulier, avoua avoir renié le Christ de bouche seulement, avoir craché non sur la croix, mais à côté. « De la sodomie, du culte idolâtrique d’une statue, des baisers impudiques, il dit ne rien savoir » ; Finkb, op. cit., t. II, p. 3a8.

Les inculpés affirmèrent n’avoir point répondu par l’effet de la torture et vouloir persévérer dans leurs dépositions.

D’autre part, Philippe le Bel achemina sur Poitiers, où résidait le pape, soixante-douze Templiers. Choi sis parmi des chefs de maison, des frères servants, des transfuges de l’ordre, des gens de peu, soigneusement triés et dûment stylés par les acolytes de Guillaume de Nogaret, tousavouèrenl que les crimes reprochés à l’ordre étaient réels. Leurs dépositions (Finkb, op. cit., t. II, p. 32Q-a41) concordantes impressionnèrent si vivement le pape que ses oppositions tombèrent une à une. On le vit adopter une série de mesures préconisées le 14 juin 1308 par Guillaume de Plaisians(G. Liziïhand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. ia5).

IX. Mesures pontificales. — Sans donner entière satisfaction à Philippe le Bel, Clément V lui lit desconcessionsgrosses deconséquencesquillet 1308). L’instruction du procès fut réorganisée sur des bases nouvelles. Deux enquêtes devaient se poursuivre à la fois : d’abord, dans les diocèses, une enquête contre la personne des Templiers conduite parles soins de l’ordinaire, assisté de deux délégués du chapitre cathédral, île deux frères prêcheurs et de deux franciscains : c’était l’enquête épiscopaîe ; puis, une enquête, dite pontificale, dirigée contre l’ordre même par des commissaires nommés par le pape. Les conciles provinciaux jugeraient les individus d’après le résultat des enquêtes diocésaines ; et un concile œcuménique dériderait du sort de l’ordre après l’enquête des commissaires ponliGcanx. L’ouverture du concile général aurait lieu à Vienne, en terre d Empire, le I er octobre 1310. Quant aux biens du Temple, la curatelle était théoriqusmeut confiée dans chaque diocèse à quatre personnes, dont deux désignées par les évêques et deux par le roi ; en fait, celui-ci les administra à son gré, puisqu’il eut l’habileté d’imposer aux évêques des gens à sa dévotion. Clément V commit une dernière faute — à vrai dire il lui eût été difficile d’agir autrement —, il remit à Philippe la garde des Templiers et ainsi lui fournit l’occasion de peser lourdement sur la marche ultérieure du procès. (Finke, op. cit., p. 15a et G. Liziïrxnd. Le dossier de l’a/faire des Templiers, p. no95) X. Double enquête ordonnée par le Saint-Siège. — Les tribunaux d’inquisition institués par Clément V ne se mirent pas vite à la besogne. La commission pontificale se réunit pour la première l’ois le 8 août 1300, et ne fonctionna réellement qu’au mois de novembre suivant, au monastère bénédictin de Sainte-Geneviève de Paris. Jouissait-elle d’une véritable indépendance vis-à-vis du roi de France ? Le pape avait eu la faiblesse de la composer de prélats dévoués aux intérêts de Philippe. Le président était cet archevêque de Xarbonne. Gilles Aycelin, qui avait prononcé à Poitiers en 1308 u.i réquisitoire véhément contre l’ordre et réclamé sa suppression. Les assesseurs étaient Guillaume Durant, évêque de Mende, GuillauTie Bonnet, évêque de Bayeux, Renaud de la Porte, évêque de Limoges, un notaire apostolique Mathieu de Xaples.Jean de Manloue, auditeur ducar Jinal Pierre Cdonna, Jean deMoullaur.

archidiacre de Maguelonne, Jean Agarvi, prévôt d’Aix en Provence. Tous ces gens d’Eglise trahirent leurs devoirs, au moins en ceci qu’ils permirent aux officiers royaux d’assister aux interrogtoires et ne respectèrent pas le secret des dépositions recueillies par eux.

Comme il était’arrivé déjà dans l’hiver de 13071 308, les Templiers, confiants en l’impartialité de la commission pontificale, se rétractèrent en grand nombre et excusèrent leurs aveux en alléguant la torture qu’ils avaient subie. Le frère Ponsard de Gisi décrivit les affreux supplices qu’il supporta. L’acte de sa déposition porte : « Interrogé sur le point de savoir s’il fut jamais misa la torture, il répondit que trois mois avant la confession qu’il lit devant le seigneur évêque de Paris il fut placé dans une fosse, les mains liées derrière le dos si fortement que le sang coula jusqu’à ses ongles, et qu’il y resta, n’ayantd’espace que la longueur d’une longe, protestant et disant que, s’il était mis encore à la torture, il renierait tout ce qu’il disait et qu’il dirait tout ce qu’on voudrait. Autant il était prêt à souffrir, pourvu que le supplice fût court, la décapitation ou le feu ou l’ébouillautement, autant il était incapable de supporter les longs tourments dans lesquels il s’était trouvé déjà en subissant un emprisonnement de plus de deux ans » ; G. Lizkrand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. ib--i’uj.

L’attitude de Jacques de Molai fut moins noble. Terrorisé, mal conseillé, dépourvu d’avocats, devenu le jouet de Guillaume de Plaisians, il défendit mal son ordre ou plutôt il l’abandonna (G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiei s, p. i£6, 162, 174). Les autres dignitaires ne montrèrent pas plus de bravoure. Leurs dépositions produisent irrésistiblement l’impression qu’ils sont dominés par la crainte de la mort. Ils se méfient de leurs juges et cherchent les faux-fuyants pour ne point se compromettre. Quand on leur oppose les crimes avoués par leurs frères, ils prétextent l’ignorance, ils tergiversent. Somme toute, s’ils ne défendent pas leur ordre, ils ne l’accusent pas non plus et ne fournissent pas d’armes contre lui (Michblkt, Procès des Templiers. t. II, p. /, 23-. r)5).

A bien considérer les choses, la cause du Temple ne paraissait pas en mauvaise voie aux environs du mois de mai 1310. Le nombre des défenseurs de l’ordre, plus courageux que leurs chefs ou plus naïfs, s’élevait à cinq cent soixante-treize. Les témoins à charge étaient des laïcs, peu nombreux, produits par les gens du roi ; leurs allégations imprécises et incohérentes. Philippe le Bel pouvait mal augurer de l’issue du procès. Encore cette fois, il n’hésita pas à tenter un de ces coups de violence qui, précédemment, lui avaient si bien réussi. Sous son inspiration, Philippe de Marigny, le frère du ministre Enguerrand et créé depuis peu de temps archevêque de Sens, convoqua, à Paris, un concile provincial auquel appartenait juridiquement le jugement des personnes du Temple. Les membres de la commission pontificale ne tentèrent rien de sérieux pour empêcher le concile d’instrumenter avant que leur propre enquête eût été close. Lorsque les Templiers, qui se sentaient perdus, supplièrent Gilles Aycelin d’intervenir en leur faveur, le prélat répondit qu’il lui fallait entendre ou célébrer la messe. Ses assesseurs se déclarèrent impuissants à entraver l’action de Philippe de Marigny. Elle était, d’ailleurs, strictement légale. Le Il mai 1310, sans avoir entendu à nouveau les accusés, le concile provincial de Sens condamnait comme relaps cinquante-quatre Templiers, qui avaient rétracté leurs précédents aveux. Le la mai ; ces infortunés périssaient sur le bûcher