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pas compris entre des séries fossilifères non dénaturées, ou quand ils ne passent pas latéralement à des séries fossilifères.

Une autre limite, non moins infranchissable, résulte de l’impossibilité où nous sommes, en géologie, d’expérimenter dans des conditions physiques qui ne soient pas totalement différentes des conditions naturelles. L’échelle des phénomènes géologiques nous dépasse intimaient, dans le temps et dans l’espace. Quelle expérience peut-on faire, qui nous donne une idée adéquate du processus de phénomènes mécaniques d’où sont sorties les montagnes ? Si nous cherchons à réaliser la synthèse des roches massives et des roches cristallophylliennes, ne voit-on pas qu’il faut que nous fassions appel à une chimie brutale et rapide, entièrement différente de la très lente élaboration des minéraux dans les zones profondes de la lithosphère, sous des pressions que nous ne saurons jamais reproduire ? De même en biologie : comment, dans les expériences sur la variabilité de l’espèce, remplacer le facteur qui nous manque, le facteur temps, qui a joué, de toute évidence, un si grand rôle dans les transformations du passé ?

Observation très restreinte ; expérimentation à peu près impossible, en tout cas très imparfaite : telle est la dure loi qui pèse nécessairement sur la géologie et qui bornera toujours ses conquêtes. On saura de plus en plus de choses ; on ne saura jamais tout, et sur aucun point la vision ne sera jamais parfaitement claire. Il n’y a pas d’autre science humaine qui soit à ce point circonscrite par l’Inconnaissable.

IV. — Les principales énigmes

Il suit de là que les énigmes, en géologie, sont très nombreuses et que beaucoup d’entre elles paraissent insolubles. A vrai dire, le géologue vit au milieu des énigmes et chacune de ses découvertes ouvre devant lui des abîmes nouveaux.

Parmi les plus obscures de ces énigmes, il y a celle de la Vie et celle de la Durée qui sont d’insondables mystères. Comment est apparue la Vie, et comment s’est-elle transformée ? En quoi consiste au juste cette liaison des êtres vivants qui évoque l’idée d’une chaîne continue, ou plutôt de plusieurs chaînes continues dont les rapports mutuels restent invisibles ? Quelles sont les causes qui font varier l’espèce, et pourquoi ces causes n’agissent-elles pas sur toutes les espèces ? Pourquoi certains groupes évoluent-ils rapidement, alors que d’autres ont le privilège d’une longue permanence ? A quoi faut-il attribuer la brusque survenue de nouveaux phylums que rien, semble-t-il, n’a annoncés ; le rapide déclin et la disparition presque soudaine de phylums anciens, naguère encore florissants et môme en progrès, aujourd’hui frappés à mort, alors qu’à côté d’eux d’autres groupes prospèrent et croissent ? Et la Durée. Combien s’est-il écoulé d’années pendant chacune des périodes géologiques ? Tout au moins, quelle est leur durée relative, si leur durée absolue nous échappe ? Quel est l’ordre de grandeur du nombre des années qu’il a fallu pour que s’édifiât une chaîne de montagnes, ou pour qu’elle se détruisit au point que, sur une partie de ses ruines, la mer put s’avancer ? Les temps géologiques, au total, ont-ils duré cent millions d’années, ou cinq cent millions, ou un milliard ? Toutes questions qui restent sans réponse. Nous ne pouvons pas même dire l’âge de l’humanité, dont l’origine est cependant tout près de nous.

Il est d’autres énigmes, presque aussi troublantes et qui se présentent avec la même apparence inac cessible. Telles sont celle des plissements de la surface, celle des effondrements, celle du volcanisme, celle du métamorphisme. Ainsi qu’il a été dit dans les pages précédentes, la surface de la lithosphère se plisse ou se ride ; elle est, en outre, agitée de mouvements verticaux, et parfois, sur une aire pins ou moins vaste, elle s’effondre, pendant qu’une aire voisine s’élève ; elle est constamment percée d’é vents volcaniques par où sortent des matériaux montés de la pyrosphère ; enlin, dans ses zones profondes, la lithosphère est le siège de phénomènes chimiques qui transforment les sédiments enfouis et les changent en terrains cristallophylliens et en roches massives. Les faits sont indéniables ; mais la cause de tout cela est inconnue, et nous ne savons même à peu près rien des lois qui président à ces phénomènes.

Ce sont là des questions d’ordre général. Si l’on descend dans le détail des faits observés, d’autres problèmes surgissent, qui ont la même allure d’énigme. Par exemple, on sait qu’une couche de houille résulte de la transformation, par une fermentation spéciale, effectuée au sein de l’eau, des végétaux d’une forêt marécageuse qui vivait à l’endroit même où s’est formée la couche et qui, un certain jour, a disparu, sans doute parce que la hauteur de l’eau est devenue trop grande. Mais il est des bassins houillers où le nombre des couches de houille superposées dépasse la centaine : chacune d’entre elles correspond à un épisode forestier analogue ; chacune des stampes stériles qui les séparent correspond à un approfondissement momentané du marécage, du lac ou de la lagune, à la mort de la forêt, et à l’arrivée de sédiments venus de la terre ferme et enfouissant peu à peu le dépôt végétal. Il a donc fallu que, plus de cent fois, le sol s’abaissât d’une quantité tout juste suffisante pour noyer la forêt, pas assez grande pour empêcher le retour de la végétation marécageuse quelque temps après : descente saccadée s étendant à toute la superficie du bassin, parfois immense, et se continuant ainsi, avec la même régularité, pendant des milliers d’années, de façon à produire, en définitive, plusieurs milliers de mètres de sédiments alternés, argiles, sables et houille. Cela est vraiment incompréhensible. Même difficulté pour comprendre la genèse des minerais de fer sédimentaires d’origine marine, dont le type se trouve dans le Lias supérieur de la Lorraine (minerais de Briey et de Longwy) et dans le Silurien de l’Armorique (minerais de Cæn, de la Mayenne et de l’Anjou). Ces minerais, dont la structure est oolithique, se sont formés dans l’eau de mer, à des profondeurs qui n’excédaient pas quelques centaines de mètres, et jusqu’à une distance du rivage qui pouvaient atteindre plusieurs centaines de kilomètres. La teneur en fer des eaux marines n’était pas telle que a vie y devint impossible : en fait, il y a des fossiles dans le minerai et dans les bancs qui l’enclavent. Cependant, les conditions qui ont permis le dépôt ferrifère étaient certainement exceptionnelles ; car elles n’ont été que très rarement réalisées, et pour peu de temps, et sur des aires relativement restreintes.il y a eu plusieurs époques de formation de minerais semblables, séparées par de longs intervalles où, sur aucun point du globe, il ne s’en est formé. Une de ces époques est précambrienne, et c’est alors qu’ont pris naissance les immenses gîtes américains de la Région des Lacs ; une autre est carabrienne (gîtes du Nord de la Sardaigne) : une troisième, silurienne (gîtes de Bretagne, de Normandie, d’Anjou, du Maine) ; une quatrième, dévonienne (quelques gîtes de Normandie ) ; une cinquième, liasique et qui a vu le dépôt