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catholique, les adversaires de la théosopbie n’ont besoin que de la vérité.

Bibliographie. — Dans cette note, publiée en substance par les Xuuvelles Religieuses, Septembre 19 19, Le Père Léonce de Grandmaison avait largement utilisé ses travaux antérieurs : Le Lotus bleu, Paris, B ! oud, 1910 ; La Nouvelle Théosophie, Etudes du 5 décembre 1914 et du 5 mai 19 15.

Léonce de Grandmaison, S. J.


THOMISME

I. liaison d’être de l’article.

II. La gloire posthume de saint Thomas.

III. Genèse de l’ontologie thomiste.

IV. Premières controverses thomistes.

V. Les vingt-quatre thèses thomistes.

VI. La méthode théologique de saint Thomas.

VII. Application à la théologie de l’Incarnation.

I. Raison d'être de l’article.

A quoi bon cet article, da.is un Dictionnaire Apologétique de la Foi catholique ? dira-t-on peut-être. L’apologie du Thomisme apparait deux fois inutile. Pour les penseurs étrangers à la foi catholique, il est moins souvent objet d’aversion que d’indifférence, ou même de dédain. Et quant aux penseurs catholiques, ils le voient si haut placé dans l’estime de leur Eglise, que la tentation ne saurait leur venir de le discuter, encore moins de le dénigrer. Vous les offensez presque en prenant sa défense.

Nous croyons qu’une telle fin de non-rçcevoir procède de vues trop hâtives ou trop optimistes. D’une part, l’indifférence ne semble plus la note commune des penseurs de la dernière génération à l’égard du thomisme. Pour beaucoup, il demeure un épouvanlail entre autres, parmi ceux qui les retiennent à l’écart de la pensée catholique. Mais pour d’autres, il a conquis droit de cité, comme une des éclosions les plus remarquables dans le champ de l’esprit humain. D’autre part, il s’en faut de beaucoup que le jugement soit unanime, entre catholiques, sur la valeur intellectuelle du thomisme, ou même sur son essence. Pour plusieurs, qui l’ont vu surtout do loin, ce n’est qu’un spiritualisme assez peu défini. Pour d’autres, c’est une métaphysique non seulement originale, mais transcendante en toutes ses parties, un domaine réservé, sinon la propriété privée d’une école. Entre ces deux extrêmes, il y a des nuances très nombreuses, et l’on passe par teintes dégradées des frontières du cartésianisme aux positions extrêmes d’un thomisme strictement monopolisé.

Disons tout de suite qu’à nos 3’eux, le thomisme est, avant tout, une métaphysique originale. Il est cela, ou il n’est point. D’ailleurs, cette métaphysique originale, l’Eglise catholique l’a faite sienne, en la présentant à ses fidèles comme la plus haute expression de la raison naturelle, épurée au contact de l’évangile. En s’attachant à la pensée d’Aristole, comme à l’héritage de la sagesse antique, saint Thomas a fait preuve d’une clairvoyance supérieure ; d’ailleurs ce choix n’a point enchaîné son esprit : Aristote corrigé, dépassé par lui, n’est devenu le précepteur des générations chrétiennes qu’au prix d’une refonte profonde et complète. Le produit de cette refonte, opérée à la lumière de l’Evangile, est proprement la métaphysique thomiste. En accomplissant ce travail, saint Thomas est devenu le

« Docteur commun », celui que l’Eglise, depuis six

siècles, ne cesse de présenter à ses fils comme alliant à la solidité de la pensée grecque la sagesse de tous

les Pères. Son œuvre n’est pas l’expression d’un enseignement ésotérique, mais au coutraire une source largement ouverte à tous. En affirmant ce caractère, l’Eglise n’a point prétendu livrer saint Thomas, sans défense, aux disputes des homn.es : au contraire, elle a pris soin de redresser des erreurs et de marquer des préférences. Ces préférences s’affirmaient naguère (27 juillet 1914) par la publication du Syllabus de 24 propositions, arrêté par les soius de la Sacrée Congrégation des Etudes, sous la sanction de S. S. Pib X’.

Quand parut ce grave document, plusieurs de ceux dont il consacrait les convictions personnelles et les tendances eurent peine à se défendre de quelque appréhension. Un programme de cette nature, présenté avec autorité aux écoles, n’allait-il pas marquer l’avènement d’une métaphysique purement verbale, qui serait la mort de toute métaphysique ?

Appréhension nullement chimérique : ou.en conviendra sans peine, pour peu qu’on ait quelque expérience des disputes scolastiques. D’autant qu’il ne manquera jamais de métaphysiciens pour faire du zèle, et que, la théologie s’en mêlant, on ne parlait de rien moins, entre bons ouvriers du thomisme, que de canoniser toutes et chacune des 24 propositions, non pas à titre de simple énoncé rationnel, mais à titre de conclusion théologique certaine, en passe de devenir un dogme, et posant déjà sa candidature pour une définition du magistère infaillible. Cela peut paraître fantastique, et pourtant c’est de l’histoire. Sans aller jusqu’à de tels excès, on proposait, dans tel congrès thomiste, avant toute discussion, de prendre pour base une adhésion globale aux 24 propositions, conférant à toutes et à chacune d’elles le caractère d’un énoncé indiscutable, apte à dirimer toute controverse ultérieure, et comme d’une pierre de touche infaillible.

Ainsi devisait-on en sens divers, dans les premiers loisirs recouvres après l’apparition du document ponti tirai.

Aujourd’hui, la situation apparaît très changée, par le fait même des initiatives, quelquefois bien promptes, qui menaçaient d’étouffer toute réflexion. En rappelant l’autorité du Syllabus des 24 propositions, Benoit XV, puis Pie XI, ont veillé à ce qu’elle ne fût pas imprudemment majorée. Benoît XV par sa lettre célèbre au T. II. P. Lcdôchowski, Pie XI par l’Encyclique Studiorum ducem, pour ne citer que deux actes clairs entre tous, ont affirmé que le phare allumé par l’Eglise ne doit pas être trans-, formé en écueil pour toute libre recherche. Que telle soit la pensée de l’Eglise, il faudrait vraiment s’aveugler pour ne pas le voir. On l’a si bien tu, que telle des 24 propositions subit présentement des’assauts non déguisés.

Ne le regrettons pas, puisque de tels assauts sont la rançon nécessaire de la vie intellectuelle dans l’Ecole. Mais il peut n’être pas inopportun de rappeler que le Syllabus des 24 propositions, sans être un texte apte à dirimer toute controverse, demeure un document vénérable chrétiennement et considérable intellectuellement. Ou plutôt, nous croyons pouvoir prendre comme accordé, entre catholiques, que le dit Syllabus demeure un docu 1. Il existe de ce document deux commentaires très autorisés. L’un par le R. P. Guido Mattiussi, S. J. (-J- Il mars 1925), publié en italien dans la Civilta Catlolica (1917), traduit et nduptéen français par l’abbé J. Levillain, Turin-Rome, 1926, sous ce titre : Les points fondamentaux de la l’hilotophie thomiste. L’autre par le R. P. Ed.HucoH, O. P., Les vingt-quatre thèses thomistes, Paris 1922. — On sait qu « la réduction du document est di au P. Mattiussi.