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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/920

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TRAiNSFORMISME

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de plus près la finalité propre de l'être vivant ; mais, au point où nous en sommes, nous pouvons nous en tenir à cette première constatation. La finalité, sans laquelle l'être vivant est inintelligible, doit se retrouver dans la série de ses antécédents.

Les théories transformistes antifinalistes sont donc, de ce chef, radicalement insuffisantes, et il est impossible qu’il y ait démonstration par les faits, d’une doctrine qui est métaphysiquement contradicioire.

On peut, si on le veut, entrer dans quelques détails et montrer comment telle ou telle de ces théories échoue nécessairement dans l’explication de n’importe quelle adaptation particulière.

Voici, par exemple, quelques objections qui paraissent décisives contre le darwinisme et toutes les formes du néodarwinisme :

i° Pour que la sélection puisse avoir prise sur une variation et la favoriser, il faut que celle-ci ait une utilité ; or, une petite variation n’avantage en rien les individus qui la possèdent.

Prenons, par exemple, le cas des organes électriques qui servent d’appareils de défense chez un grand nombre de poissons, tels que les torpilles, les gymnotes. De quelle utilité aurait pu être aux ancêtres de ces animaux une variation initiale ayant pour effet de modifier seulement quelques cellules ? D’aucune évidemment, la décharge ne pouvant servir qu'à la condition d'être suffisamment intense, la lutte pour la vie ne pourra sélectionner que des individus en mesure de triompher de leurs adversaires.

Cette objection devient encore plus pressante lorsque l’utilité d’un organe n’exisie que lorsqu’il est formé départies très complexes adaptées les unes aux autres. La sélection devrait expliquer la genèse le la coadaptalion et elle ne peut jouer que lorsque la coadaptation est déjà réalisée. Voici comment Bovbri a développé cette critique, à propos de la formation de l’appareil à venin chez la vipère. Cet appareil comprend comme éléments essentiels, de chaque côté de la mâchoire supérieure, une glande chargée de sécréter le venin et une dent en forme de crochet creux disposée de telle sorte que son ouverture basale soit en continuité avec le conduit glandulaire. Tout le venin est ainsi forcé de passer dans le canal intradentaire et l’en semble fonctionne comme une véritable seringue à injection.

Vouloir qu’une telle disposition se soit formée par des séries de petites variations, semble absurde. Réfléchissons seulement à la transformation de la dent. Elle aurait du se faire de la manière suivante : l'ébauche dentaire avait primitivement une section à peu près circulaîre ; la première modification a dû être une légère incurvation àla partie antérieure de cette même ébauche. On ne voit pas qu’il puisse résulter de cette disposition initiale un avantage tel que les individus qui, par hasard, en ont été affectés aient du seuls survivre dans la lutte pour la vie II faudrait en dire à peu près autant pour toutes les étapes successivement parcourues par le crochet dans le cours de son évolution.

La transformation de la dent ne s’explique donc point par la sélection naturelle. Celle de la glande, pas davantage. De quelle utilité serait une.glande à venin qui n’aurait pas de conduit d’excrétion ou une ébauche de glande à venin ? L’origine des parties isolées ne se comprend donc pas. A plus forte raison leur évolution concordante coadaptée ne peut-elle pas être l'œuvre du hasard.

Comme le font justement remarquer Delage et Goldsmith : « Il n’y a aucuneraison de supposerque la variation accidentelle et peu importante soit tou jours accompagnée d’autres variations qui la rendent utile. »

Autre exemple : les faits de mimétisme ont été justement invoqués au même titre, comme inexplicables par la théorie darwinienne. On sait en quoi ils consistent. Des animaux très divers imitentà s’y tromper, soit des parties de végétaux, feuilles, brindilles, lichens, etc., soit d’autres animaux naturellement protégés contre certains ennemis. Cette copie les met plus ou moins efficacement à l’abri. Elle est d’ailleurs quelquefois tellement parfaite qu’il est impossible d’y voir le résultat d’un simple hasard.

Comment comprendre, en se plaçant au point de vue darwinien, la genèse de ces imitations ? Remontons par la pensée à l'époque où les ancêtres des papillons Kallima, par exemple, ne ressemblaient encore nullement à une feuille. Qu’ont pu être les premières modifications fortuites dans le sens de l’imitation du végétal ? Un léger changement de teinte, une tache sur une aile imitant un « point » d’une nervure. Mais que l’on y songe, ce détail insignifiant n’a absolument aucune valeur protectrice. L’insecte qui a ce point foncé sur l’aile ne ressemble pas plus aune feuille que ses congénères qui en sont privés, etc. Il n’a donc aucune raison de survivre aux autres. Plate croit répondre suffisamment à cette objection en admettant que chez certains individus la variation s’est faite dans le sens de la couleur, chez d’autres dans celui de la forme, etc. ; et que la panmixie et le hasard des croisements ont peu à peu amené le type en question à un mimétisme entièrement protecteur. Tout le monde voit que l’objection conserve sa force pour chacune des séries qui, d’après Plate, auraient dû varier de manière à imiter le modèle en question. Les petites variations ne peuvent pas être sélectionnées, parce qu’elles n’ont absolument aucune utilité, et le groupement des variations utiles est, de plus, inexpliqué. Inutile de multiplier ces exemples. N’importe quel être vivant, présentantunecertaine complexité, pourrait en fournir d’aussi démonstratifs, en nombre quasi indéfini.

2° La théorie de la lutte pour la vie suppose, en règle générale, que ce sont les individus les plus aptes qui survivent et évincent les moins aptes, mais c’est là encore bien plus une vue de l’esprit que l'énoncé d’un fait démontré.

Lorsqu’une grande baleine, écrit Kelloc, ouvre la bouche au milieu de myriades de petits copépodes flottant dans les eaux des mers aléoutiennes, qu’est-ce qui décide quels sont les copépodes qui disparaîtront à jamais ? Qu’ils aient la taille un peu plus grande ou un peu plus petite, qu’ils soient un peu plus rouges, un peu plus jaunes ou un peu plus excitables, qu’ils possèdent tel ou tel trait de structure ou de fonction, tout cela ne pèse que peu, lorsque l’eau se précipite dans la gueule béante.

Ce que Kellog dit des adultes est encore plus vrai des œufs et des larves, qui périssent en quantités innombrables sous l’action des facteurs naturels. — Qu’est-ce qui décide de leur vie ou de leur mort ? demande M. Delage, ce ne sont pas leurs caractères individuels, mais des conditions indépendantes de ces caractères. C’est généralement grâce au hasard qu’ils ne sont pas dévorés par un autre animal, qu’ils sont plus ou moins bien abrités par des objets environnants, plus ou moins visibles, etc. ; il s’agit donc da conditions qui ne dépendent nullement des particularités de chaque œuf particulier.

3° Le darwinisme est enfin en contradiction manifeste avec les données de la paléontologie.

D’après cette théorie, les variations devraient se