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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/975

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VŒUX

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ne so nt pas infatués à ce point de leur propre excellence, qu’ils en viennent à mésest inier ceux quinepartagent pas leur bonheur. Ils savent que l’état où ils sont entrés est l’état, non des parfaits, mais de ceux qui tendent à la perfection, et sesentent loin de compte. Sans doute ils ont plus de secours que leurs frères restés dans la vie coniniui e. Mais aussi, quelle occasion de modestie quand ils voient des séculiers privés des moyens qu’ils possèdent, les devancer, et parfois de beaucoup, dans le chemin de la perfection !


III. Objection du rationalisme moderne et des gouvernements persécuteurs. — Les vœux de religion diminuent la personne humaine. Ce thème, popularisé de nos jours par les pontifes du laïcisme (par ex. Ferdinand Buisson : La foi laïque, Hachette, igia, préf. de R. Poincaré), a servi de prétexte, — jadis, aux décrets de la Convention. Voici un texte du 13 février 1790. « Article premier : l’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, que la loi ne reconnaîtra plus de vœux monastiques solennels de l’un et l’autre sexe ; déclare en conséquence que les Ordres, dans lesquels on fait de pareils vœux, sont et demeureront supprimés en France, sans qu’il puisse en être établis de semblables à l’avenir. — Article 2 : tous les individus de l’un et l’autre sexe existant dans les maisons religieuses pourront en sortir en faisant leur déclaration devant la municipalité du lieu. » — Un peu plus tard : « L’Assemblée législative, considérant qu’un Etat vraiment libre ne doit souffrir dans son sein aucune corporation, pas même celles qui sont vouées uniquement au service des hôpitaux et au soulagement des malades, supprime toutes les congrégations, confréries, associations d’hommes ou de femmes, laïques ou ecclésiastiques. » (Loi du 18 août 1793). — En juillet 1879, Jcles Fbrry dépose un projet dont l’article 7 sera repris par Waldeck-Rousseau, d’après lequel les vœux rendent inapte à enseigner. Le Sénat refuse de voter la loi. Le 29 mars 1880, le ministre n’en signe pas moins les tristes décrets : le premier portant dissolution de la Compagnie de Jésus, le deuxième enjoignant aux congrégations non autorisées de déposer dans les trois mois, sous peine de dissolution, une demande d’autorisation. On résista : plus de 6.000 religieux furent expulsés.

On arrive à la loi Waldeck Rousseau (/. O., 2 juillet 1901), bientôt aggravée par les décrets Combes 190a, igo3, 1904. Bref rappel de cette navrante page d’histoire : déjà en 1882, Waldeck soutenait :

« Notre droit public proscrit tout ce qui constituerait

une abnégationdesdroitsdel’individu, une renonciation à l’exercice des facultés naturelles à tous les citoyens : droit de se marier, d’acheter, de vendre, de faire le commerce, d’exercer une profession quelconque, de posséder ; en un mot, tout ce qui ressemblerait à une servitude personnelle. De là vient que tout engagement personnel doit être temporaire et que, même pour un temps, il ne peut être absolu, porter sur l’ensemble des facultés ou des droits de la personne. Autrement, loin de tourner au profit de chacun de ses membres, il le diminue ou l’anéantit. Tel est le vice de la Congrégation. Elle n’est pas une association formée pour développer l’individu, elle le supprime ; il n’en profite pas, il s’y absorbe. » En 1 90 1, Waldeck reprend le même refrain : t Quand, de la personnalité humaine, on vous retranche ce qui fait qu’on possède (vœu de pauvreté), ce qui fait qu’on raisonne (vœu d’obéissance), ce qui fait qu’on se survit (vœu de chasteté), je demande ce qui reste de la personnalité ? » —

D’ailleurs, par un rare illogisme ( — Comment quelque chose d’illicite pouvait-il être déclaré légal ? —) Waldeck permettait à certains de ces congréganistes de subsister moyennant autorisation île l’Etat. Scmbat, Clemenceau, lui firent remarquer que bien vite il serait débordé. Il le fut et rapidement, tant par la logique des principes que par la frénésie haineuse des metteurs en œuvre. Combes, serviteur des Loges, refusa en bloc les demandes d’autorisation (circulaire du 23 décembre 1903), même où il ne s’agissait que d’œuvres d’assistance et de dévouement ou de vie contemplative, combattant partout ce qu’il appelait « l’obédience monacale ». — Mais ce que poursuit surtout le « petit père », ce sont les Instituts enseignants. Enfin, le 28 mars 1904, par 306 voix contre a4> à la Chambre et 166 voix contre io5 au Sénat, tout enseignement congréganiste se trouve supprimé ! — Voir sur toute cette lamentable histoire quelques bonnes pages de L. Mahcellin : Politique et politiciens d’avantguerre, 4e volume, à la Renaissance du livre, pp. 27 à 83 ; la Vie du Comte de M un, par M. Piou, ch. vu et viii, pp. 197-223, ainsi que les discours du vaillant député de Saint-Pol-de-Léon et des autres champions catholiques à cette époque (coll. des Questions actuelles, 1901-1904).

Les événements qui suivent sont connus : rentrée des religieux à la guerre et circulaire du ministre de l’intérieur, Malvy, le 2 août 1914 » accordant généreusement ( !) suspension de la loi de J901 ; nouvelles menaces avec le Cartel (déclaration ministérielle d’Herriot, 17 juin 192^), sans d’ailleurs que l’on s’embarrasse d’arguments nouveaux. Ce sont toujours ceux de la Révolution, rajeunis par Waldeck-Rousseau.

« La Congrégation, expliquait

C.Chautemps à Tours le 5 octobre 1924, a pour effet et même pour but d’anéantir la personnalité humaine. »

Réfutation : a) Argument ad hominem. — N’est-il pas singulier de voir que ceux qui mènent le train contre les congrégations, ce sont des gens liés par d’étroites promesses, qui n’ont rien à envier, chez les plus hauts dignitaires, à la rigidité des vœux les plus stricts, et affiliés à un corps extrêmement compact dont les initiatives, concertées dans le mystère, exigent dévouement et abnégation aveugles ? Le compte rendu des Congrès des Loges, en 1899, pour la région parisienne, renferme cette rubrique : « Des moyens d’obliger les frères maçons du Parlement à se conformer aux décisions du convent », et Lerolle leur jetait à la figure, en pleine Chambre, cettedéclaration d’un des leurs, le fr. Blatin : « Nous sommes obligés de nous soumettre à une discipline volontairement conseniie, par laquelle, lorsque les uns et les autres nous recevons l’initiation, nous faisons l’abandon d’un certain nombre de nos droits et de notre initiative individuelle, au point de vue des choses qui touchent à la maçonnerie. »

b) Mieux que des théories, les faits prouvent que les vœux n’enlèvent rien à la vigueur de la personnalité. Qu’il suffise d’énumérer S. Bernard et S. François d’Assise, S. Jean de la Croix et S. Ignate, François-Xavier et Thomas d’Aquin, sainte uertrude, sainte Claire ou sainte Thérèse, Madeleine de Pazzi ou Marguerite-Marie. — D’ailleurs, serait-on si acharné contre les vœux s’ils n’aboutissaient qu’à fabriquer des êtres diminués ? On ne se bat pas contre des ombres.

c) Preuve de raison. — On dit : l’homme se diminue en consentant à aliéner sa liberté. Réponse : s’il’agit d’une aliénation libre, partielle, pour une chose bonne et moyennant une utilité proportionnée, c’est