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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/98

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PRÉCOLOMBIENS AMÉRICAINS)

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tions diverses et changeantes, aux individualités mal définies, au-dessous desquelles, peut-être, se plaçaient encore des divinités domestiques, et les singuliers Tepictoton, etces curieuses divinitésastrologiques, les « seigneurs de la nuit » (Yohual tecuhtin ) qui régissaient les destinées des hommes, et qui changeaient avec les jours.

Ce trop sommaire aperçu du panthéon mexicain sulïlt à montrer que, pour les habitants de l’Anahuac, le monde entier était peuplé de divinités. De celles-ci, les plus importantes avaient presque toutes, sinon toutes, diverses formes et divers noms. Toutes étaient réparties entre les différentes subdivisions du inonde, suivant les sept points de l’espace, mais elles n’y occupaient pas une place absolument fixe. De plus, certaines formes d’une divinité déterminée pouvaient, dans un même groupement, occuper des places différentes de celle du dieu principal même auquel elles se rattachaient. Comment expliquer ces variations, et aussi celles d’un même dieu dans les différents quartiers de l’espace ? Ce n’est pas ici le lieu de le rechercher, et peut-être, d’ailleurs, n’en trouvera-t-on jamais les vrais motifs ; ne tentons pas davantage de dégager les traits primitifs du panthéon mexicain (car ce serait trop hypothétique) ni d’indiquer la place ordinaire des principaux dieux dans les quartiers de l’espace. Mieux vaut noter ici — ce que l’on a déjà pu remarquer plus haut — que nombre de dieux mexicains portent des noms d’animaux, et aussi que parmi eux, beaucoup sont doubles et constituent un couple dont une des parties est du sexe masculin et l’autre le plus souvent du sexe féminin : tels Tlaloc, le dieu de la pluie et des sources, et sa sœur ou femme Chalchiulllicue, « celle aux vêtements d’émeraude », une déesse de l’eau courante et des sources ; tels encore Mictlantecuhtli, « le chef du monde souterrain » et Mictlancihuatl, j la femme du monde souterrain », Centeotl et son frère Camaxtli, le dieu du Nord, et tant d’autres. Retenons aussi le caractère sanglant du culte de ces divinités, non pas seulement du culte de Huitzilopochtli, le dieu de la guerre, mais aussi des autres grands dieux, et même de divinités tout à fait inférieures, telles ces Tepictoton, à qui on sacrifiait des enfants à la mamelle. Chacun sait qu’il en était de même pour un des dieux les plus éminents du panthéon mexicain, pour Tlaloc ; dans des hauts-lieux tels que le petit plateau de Tenenepanco, sur les pentes septentrionales du Popocatepetl, Dksirk Ciiarnay a retrouvé naguère un véritable cimetière d’enfants immolés à Vabondador de la tierra. Parfois, pour linir de façon moins tragique, le sacrifice n’en était pas moins un sacrifice douloureux ; on se piquait les jambes avec des épines de maguey, ou bien encore on se faisait des scarifications aux bras. Mais voici un acte bien plus pénible. « S’ils voulaient se saigner de la langue, écrit Sahagun (trad. Jourdanet, p. 185), ils se la traversaient avec la pointe d’un petit couteau, et ils faisaient ensuite passerpar le trou des pailles de graminées dont le nombre était en rapport avec le degré de dévotion de chacun. Certaines personnes les attachaient les unes à la file des autres et tiraient ensuite dessus, comme on fait d’une corde, pour les faire défiler par l’ouverture de la langue. » Un curieux bas-relief découvert par Désiré Charnay dans les ruines de la « ville Lorillard » (Lorillard City) au pays"des Lacandons, illustre ce passage du moine franciscain et montre que la pratique décrite ici par lui n’était pas usitée que chez les Aztèques. Pour se purifier, ceux-ci se tiraient du sang de diverses parties du corps, en particulier des oreilles. Ainsi se vérifie l’exactitude de cette autre phrase

dans laquelle le même auteur écrit que les Mexicains

« répandaient le sang nuit et jour » dans leurs

temples.

Ce sont là les plus connus, parce que les plus affreux, des rites de la religion des Aztèques, chez qui, tous les actes delà vie étant plus ou moins religieux, on peut signaler l’accomplissement d’innombrables cérémonies, de toute nature et de toutes espèces. Il en est de très simples et d’inoffensives, telles le chant d’hymnes dont Sahagun nous a conservé le texte, des danses, l’offrande de l’encens, la présentation de (leurs et de fruits à telle ou telle divinité. D’autres sont des sacrifices d’animaux, et d’autres des actes de la pire barbarie : les sacrifices humains dont il vient d’être question, et les repas sacrés dans lesquels les prêtres mangeaient de la chair des victimes humaines précédemment immolées aux dieux.

Ces abominables sacrifices se célébraient (on l’a déjà dit) sur des hauts lieux dont les textes signalent quelques-uns, dont les fouilles archéologiques ont révélé certains autres, et dans des temples, en particulier dans ce grand temple de Mexico, dontplusieurspictographies mexicaines ou de vieux plans espagnols donnentdecurieuses, mais trop schématiques représentations. Ces temples, dont les autels étaient érigés au sommet de buttes naturelles ou artificielles (léocallis), contenaient différentes chapelles renfermant les statues en pierre des dieux aztèques ; on y voyait aussi, exposées dans des édicules particuliers (tzompantlis), les têtes des malheureuses victimes sacrifiées aux farouches divinités aztèques. Des fêtes très nombreuses étaient célébrées, soit à date fixe, soit à des époques variables déterminées dans le calendrier mexicain : fêtes d’inauguration, fêtes de dédicace, fêles en l’honneur de tel ou tel dieu. L’acte principal en était, sous différentes formes, le sacrifice de victimes humaines : femmes, hommes, prisonniers de guerre, jeunes enfants ou même adolescents désignés un an à l’avance. D’ordinaire, la victime une fois étendue sur la pierre du sacrifice, le prêtre lui ouvrait la poitrine d’un seul coup de son couteau de silex et lui arrachait le cœur, qu’il plaçait dans la « coupe des aigles » et présentait, palpitant encore, à la divinité. Puis le corps était précipité en bas des degrés, et, le soir, découpé et mangé dans un repas rituel. Parfois aussi, la forme du sacrifice était autre ; le prisonnier ennemi, attaché par la jambe à la p : erre du sacrifice, combattait jusqu’à la mort contre des guerriers mexicains ; c’était alors le sacrificio gladiatorio dont parlent les auteurs espagnols.

Ceux qui présidaient à ces sanglants sacrifices, qui veillaient à l’accomplissement de tous les rites, comme aussi à la détermination de la succession des fêtes du calendrier et à la réglementation des cérémonies qui devaient s’y faire, « afin qu’il n’y eût d’altération dans aucune d’elles », autrement dit ceux qui établissaient ces deux calendriers, le c livre des jours » ou tonalamatl et le « compte des jours » ou tonalpohualli, c’était les prêtres. Ils étaient, comme le dit très bien Sahagun, « chargés du service des dieux », dont ils étaient les ministres et constituaient une caste très fortement hiérarchisée, celle des papas des anciens auteurs espagnols, dont le a Mexicain maître des dieux » (mericatl teohuatzin) était le chef suprême, le souverain pontife. Ces prêtres, ou du moins certains d’entre eux, écoutaient une sorte de confession auriculaire que les fidèles leur faisaient une (ois dans leur vie ; ils leur imposaient des pénitences et leur remettaient leurs fautes. Sahagun a conservé, au ch. vu de son livre VI, la très longue formule d’absolution dont faisait usage