Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/16

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long-temps ajournés, pour qu’enfin les hommes de couleur libres restent privés de la participation aux droits civils et de cité, réduits qu’ils sont à l’état de véritables Parias.

Le malheureux événement qui donne lieu à la publication de ce Mémoire, en démontre d’ailleurs l’urgente nécessité ; car il sera prouvé que les hommes de couleur sont privés de la protection des lois, qu’ils ne jouissent pas même des droits civils. Il ne faut pas que des bannissemens en masse se renouvellent, et qu’une population tout entière puisse être mise hors la loi sur le plus léger soupçon, et sous prétexte d’une conspiration que les élémens judiciaires démontrent tout-à-fait imaginaire.

Dans toutes les colonies françaises, et à la Martinique en particulier, la pratique de l’esclavage que l’un des ministres du Roi[1] a si bien nommé un crime légal, a produit ce mal, qu’elle a accoutumé les blancs à se considérer comme des hommes d’une espèce supérieure, ayant droit d’exploiter à leur profit exclusif, la population de ces colonies qui s’y trouve parquée et enfermée, pour ainsi dire, comme dans une prison perpétuelle[2].

Oubliant qu’aux yeux de Dieu et de la religion qu’ils professent, tous les hommes naissent libres, qu’ils ont également droit aux produits de la terre, et que les indigènes des Antilles avaient même une

  1. Note officielle de M. le vicomte de Châteaubriand au congrès de Vérone, en réponse au Mémoire de l’ambassadeur de S. M. B. relativement à l’abolition de la traite.
  2. D’après les réglemens coloniaux, tout individu né sur le sol des colonies (excepté les Européens ou les blancs), ne peut le quitter et réaliser sa fortune, sans la permission du gouverneur. On ne peut pas même, sans cette permission, quitter un quartier pour aller s’établir dans un autre.

    Autrefois quand un nègre avait touché le sol français, il était libre. Lettre du ministre du 5 février 1698. Mais les temps sont changés !