Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/236

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la juridiction de l’isle : si elle n’était pas provisoire de fait et de droit ; »

Les soussignés répondent affirmativement ; en effet, en admettant que l’ordonnance du 10 septembre 1817 (c’est-à-dire, le réglement) dût être considérée comme une loi, qu’en résulterait-il ? Que les colons pourraient être extra-judiciairement bannis et déportés des îles, c’est-à-dire pour se servir d’une expression triviale qui rend toute la pensée du conseil, qu’on pourrait les mettre à la porte avec défense de rentrer ; mais voilà tout : d’après le réglement même, le pouvoir du gouverneur n’irait pas plus loin, et ce serait lui donner une étrange extension, que de décider qu’il aurait le droit non-seulement de chasser, d’expulser un individu des lieux soumis à son gouvernement ; mais encore de l’envoyer vivre et mourir dans tel lieu du monde qu’il lui plairait de désigner.

Que l’on réfléchisse aux conséquences qui en résulteraient. Le réglement dont il s’agit serait, dans le système que l’on combat, une loi de police et de sûreté ; les lois de police et de sûreté régissant tous ceux qui résident sur le territoire, il s’ensuivrait, dès-lors, qu’un Français de la métropole, un étranger même, un Anglais, un Russe résidant momentanément aux colonies, seraient soumis à ce pouvoir exorbitant conféré au gouverneur ; que celui-ci aurait le droit non-seulement de les faire sortir des îles, mais de les exiler ailleurs, de les faire conduire au Sénégal par exemple, et de les y écrouer pour toute leur vie, comme si le Sénégal était une vaste prison dont il pourrait disposer à son gré. Jamais une telle pensée n’est entrée dans l’esprit du ministre rédacteur du réglement du 10 septembre 1817. La juridiction du gouverneur cesse avec les limites de son territoire, et quand ces limites sont franchies tout individu quel qu’il soit, quelle que soit sa nation, échappe à la police coloniale et rentre sous la protection des lois de son pays.