Page:Agassiz - Études sur les glaciers, 1840.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le capitaine Kotzebue décrit des faits semblables qu’il a observés sur les bords de la baie d’Eschscholtz[1]. Voici ce qu’il dit à ce sujet : « Nous vîmes ici, sous une nappe de gravier et de mousse, des masses d’une glace parfaitement pure, de 100 pieds de haut, qui paraissent être les témoins d’une révolution terrible. Les endroits éboulés qui se trouvent exposés à l’action

    Des bêtes féroces en avaient aussi mangé ; cependant le squelette se trouvait encore entier, à l’exception d’un pied de devant. L’épine du dos, une omoplate, le bassin et les restes des trois extrémités étaient encore réunis par les ligaments et par une portion de la peau. L’omoplate manquante se retrouva à quelque distance. La tête était couverte d’une peau sèche. Une des oreilles, bien conservée, était garnie d’une touffe de crins : on distinguait encore la prunelle de l’œil. Le cerveau se trouvait dans le crâne, mais desséché ; la lèvre inférieure avait été rongée, et la lèvre supérieure, détruite, laissait voir les mâchoires. Le cou était garni d’une longue crinière. La peau était couverte de crins noirs et d’un poil ou laine rougeâtre ; ce qui en restait était si lourd, que dix personnes eurent beaucoup de peine à la transporter. On retira, selon M. Adams, plus de trente livres pesant de poils et de crins, que les ours blancs avaient enfoncés dans le sol humide, en dévorant les chairs. L’animal était mâle ; ses défenses étaient longues de plus de neuf pieds en suivant les courbures, et sa tête sans les défenses pesait plus de quatre cents livres. M. Adams mit le plus grand soin à recueillir ce qui restait de cet échantillon unique d’une ancienne création ; il racheta ensuite les défenses à Jakutsk. L’empereur de Russie, qui a acquis de lui ce précieux monument, moyennant la somme de huit mille roubles, l’a fait déposer à l’Académie de Pétersbourg. ― Cuvier, Recherches sur les ossemens fossiles. Tom. 1, p. 146.

  1. Entdeckungsreise in der Sudsee und nach der Behringstrasse, von Otto v. Kotzebue. Weimar, 1821.