Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/18

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écrivit plus d’un et les mit en musique. Il fit parvenir à sa jeune amie une de ces compositions amoureuses et plaintives. Elle lui répondit : « J’ai pris et vue le lai, que estoit enclos en vostre douce lettre et vous promet que je le sorai au plus tôst que je porrai et ne chanterai autre chose jusques à tant que je sache le dit et le chant. » Comme on le voit, elle était artiste et artiste intelligente et passionnée. Mais il en est du chant, si pur, si mélodieux qu’il soit, comme de l’hymne du rossignol au printemps, comme du parfum du lis sans tache, tout monte au ciel, rien n’en reste sur la terre : heureusement, de la littérature il n’en est pas de même. De la couronne poétique d’Agnès quelques fleurs ont survécu, gracieuses comme la beauté, comme l’amour dans l’âge où les nuits sont de rose et les jours d’azur.

Nascuntur poetoe : Agnès était née poète. Digne petite-fille de Thibault IV, elle lui devait et ses tendres penchants et son amour des lettrés, et le don de produire lais et ballades ; d’ailleurs, elle nous l’apprend elle-même, aucun professeur ne lui révéla l’art de faire des vers. Dans sa seconde lettre à Machault elle lui dit : « Et sur ce je vous envoyé un virelay, lequel j’ai fait ; et s’il y a aucune chose à amender, si la veilliez faire, car vous le savez miex faire que je ne fais ; car j’ai trop petit engien pour bien faire une tele besogne. Aussi n’eu je unques qui rien m’en aprist. Pourquoy, je vous pri, très chiers amis, qu’il vous plaise à moy envoier de vos livres et de vos dis, par quôy je puisse tenir de vous à faire de vos bons dis et de bonnes chansons… et quant il plaira à Dieu que je veoïe, s’il vous plaist, vous les m’apenrez à mieulx faire et dire [1]. »

Voici donc un second fait qui peut expliquer la conduite d’Agnès : le musicien lui plaisait, les leçons du poète lui manquaient, elle avait le désir d’apprendre à bien rimer, il lui fallait un maître. Elle ne pouvait alors mieux choisir ; Machault était le roi des poètes de son âge. Agnès n’a pas l’amour-propre des auteurs de profession ; elle demande de bonne grâce des avis, se soumet aux corrections et promet de se montrer docile aux leçons qu’elle sollicite.

Sa première lettre à Machault a pour prétexte la communi-

  1. Œuvres de G. de Machault, p. 137.