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XXXI

illusions s’en étaient allées avec les dernières feuilles. Agnès, au contraire, était au printemps de l’âge : fleurs devaient encore longtemps fleurir pour elle. À son tour elle allait subir sérieu- sement l’épreuve de la vie ; elle allait aussi voir s’évanouir ses rêves les plus doux : Gaston Phébus, le fier comte de Fois, de- vait trop tôt venger le modeste secrétaire du duc de Normandie.

Le mariage d’Agnès, suivant la Chronique de Saint-Denis, eut lieu dans la chapelle du Louvre, le 4 août 1349 (1). Le 21 sep- tembre suivant, le roi ratifiait cette alliance, honorable pour la maison de France, et les fêtes célébrées à cette occasion ne tardèrent pas à faire oublier à la cour la mésaventure du poëte.

Ce poëte aurait dû faire comme la cour, oublier ses rêves malheureux et se replier sur des souvenirs heureux : il n’en fit rien. Il se posa en victime de l’amour ; il afficha des prétentions que rien ne justifiait, que tout condamnait, et sa position, et celle d’Agnès alors mariée, et la conduite de la jeune comtesse désormais sans reproche. Il ne craignit pas de demander ce qu’il avait cru pouvoir obtenir. Agnès ne voulait plus continuer le rôle coquet et léger qu’elle jouait gaiement dans le Voir DU. Gaston Phébus, prince méridional, passionné, jaloux comme un enfant des Pyrénées, n’eût pas souffert même une apparence de badinage. Une craignait pas Machault, et le silence d’Agnès fut tout ce qu’il exigea d’elle.

Machault, dans une de ses ballades, nous apprend lui-même que ses lettres, ses ballades, ses pièces, restèrent sans réponse.

En voici le premier couplet :

Je puis trop bien ma dame comparer A l’ymage que fist Pygmalion. D’yvoire estoit, tant belle et si sanz per Que plus Pâma que Médée Jason.

Li fols toudis la prioit ; Mais l’ymage rien ne li respondoit. Ainssi me fait celle qui mon cuer font ; Qu’adès la pri et riens ne me respont (2).

(1) Ouïe 5 juillet 4 348.

(2) P. 60.