Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/40

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se soumettre ; mais il ne put se taire, et c’est encore à ses plaintives poésies que nous devons la connaissance de cette nouvelle et dernière disgrâce.

« Ma dame m’a donné mon congié », dit-il dans un rondeau (1) :

Ma joie et l’onneur de mi,
Mon cuer, m’amours, mes dépors
Et mes amoureus trésors
M’ont de leur grâce banni (2).

Et ailleurs :

Mais la bêle sans orgueil,
Qui met en moi tout ce dueil,
Ne vu et que je passe le sueil
De son pourpris (3).

Comme toutes les victimes de l’amour, il crut qu’il en perdrait la vie : il le dit, le chanta sous toutes les formes, et ses poésies sont pleines d’adieux à ce monde, où son âme était en peine, à celle qui le faisait souffrir.

Morray-je donc sans avoir vostre amour,
Dame que j’aime !

dit-il dans une de ses plus touchantes ballades. Mais la comtesse de Foix ne l’écoutait plus : son cœur et ses affections étaient ailleurs. La maternité, ses joies et ses chagrins, les jours heureux et les afflictions du mariage absorbèrent bientôt toute sa vie. Sans doute les condoléances de Machault trouvèrent quelques’échos malins et complaisants. Agnès répondit à la médisance par une joyeuse ballade. Sa conscience était sans reproche grave, et elle bravait les propos des méchants. Elle rimait encore ; mais c’était à son époux, à Gaston Phébus seul, que s’adressaient ses chants d’amour.

(1) Exemplaire de Berry, fol. 4 35.

(2) Le lay mortel.

(3) Le lay de plour.