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TAHITI

De ces miettes, de ces débris abandonnés ou dédaignés par des voyageurs trop chargés, quotidiennement cueillis pendant un séjour de trente-huit mois à Tahiti et dépendances, je tenterai de constituer la gerbe qui doit alimenter mon modeste récit.

Si des indications historiques, géographiques ou autres me semblent indispensables ou utiles à la clarté des questions que je me propose de traiter, — surtout à celles qui se rattachent à nos intérêts matériels et politiques, — je puiserai, à défaut de souvenirs personnels, dans l’arsenal des travaux publiés à ce jour sur nos Établissements français d’Océanie.

De nombreuses gravures, tirées d’un album contenant près de 300 vues photographiques prises, en cours de voyage, dans des excursions, pique-niques, amuraama, réunions, ou cérémonies officielles, donneront, je l’espère, à cette relation de voyage, l’attrait de l’imprévu et de la nouveauté ; elles feront peut-être oublier parfois la sécheresse de la narration, l’auteur n’étant, en effet, ni coloriste ni poète et n’ayant d’autre souci que celui de la vérité.

Le samedi 13 octobre 1894 je quittais la France sur le Léviathan des transatlantiques, La Touraine, qui, en quelques tours d’hélice, laissait derrière nous le Havre et la côte normande, dans un manteau froid et brumeux, pour gagner, atome perdu dans l’immensité, la plaine mouvante que l’Océan développe devant lui.

Le samedi suivant, après huit jours d’une course vertigineuse, tantôt sur la crête argentée des vagues écumantes, tantôt au fond des larges vallons qu’elles creusent dans leur allure vagabonde, brutalement bercés ou cahotés par le roulis qui succède au tangage, nous atteignions les États-Unis pour poser enfin le pied sur les quais de New-York.

Parlerai-je de la grande cité ? J’y ai passé trente heures à peine, juste le temps d’admirer l’œuvre de Bartholdi, La Liberté éclairant le monde, le gigantesque pont de Brooklyn, quelques autres monuments de moindre importance et des curiosités qui charmèrent mon court séjour en la ville couchée sur les rives de l’Hudson.

Il faut encore courir, non plus cette fois entre le ciel et l’onde,