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PREMIER DIALOGUE.

et auparavant dans son idiome natal, réputé indigne encore de matières si hautes, il Tresoretto, recueil de sentences morales, qui mettait à la portée de tous le fruit de l’expérience de son auteur, et qui est encore à cette heure pour le dictionnaire de la Crusca ce que celui-ci appelle un texte de langue. Ajoutons, pour couronner la gloire de Brunetto, qu’il fut très-véritablement le maître de Dante.

VIVIANE.

Est-ce que la prose italienne a précédé la poésie ?

DIOTIME.

En Italie, comme ailleurs, elle ne vient qu’après. Pendant quelque temps elle lutte avec désavantage contre le latin qui restait la langue officielle, contre le provençal et le français qui semblaient être plus élégants, et, comme parle Brunetto, plus délitables. Mais à Florence, dans une population de 160,000 âmes, où chaque année dix mille enfants recevaient gratuitement l’instruction, dans une démocratie fière et libre qui savait se gouverner elle-même, l’idiome natal et populaire devait rapidement l’emporter. Les ordres mendiants qui démocratisaient l’Église, parlaient et écrivaient l’italien. Le goût très-vif du peuple toscan pour les récits romanesques suscitait des conteurs et des chroniqueurs en langue vulgaire. On conserve, du temps de Frédéric ii, un recueil, il Nocellino, ou Fleur du parler gentil, dont le style est déjà plein de grâce. Dans le Journal de Matteo Spinelli, le latin, le pro-