Page:Agoult - Dante et Goethe - dialogues.djvu/41

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s’en empare avec avantage, la féconde, lui imprime la forme hardie, pittoresque, socratique, qui la gravera dans la mémoire des générations. »

DIOTIME.

Voilà est admirable, et cette belle prose, à la fois scientifique et imagée, est d’inspiration tout à fait gœthéenne… Mais revenons à notre jeune Dante.) Il a neuf ans. On est aux premiers jours du mois de mai. Il accompagne son père dans la maison voisine de Folco Portinari, magnifique patricien, qui célèbre, selon la coutume florentine, par des danses et des festins, le retour du printemps. Dans cette maison, ouverte à la joie et aux bruyants plaisirs, Dante aperçoit, pour la première fois, la fille de Folco, Béatrice. Elle est plus jeune que lui de quelques mois à peine. Elle est, comme lui, grave et noble en son air enfantin. Elle porte un vêtement couleur de pourpre que retient une ceinture, « telle qu’elle convenait à son extrême jeunesse. »

Elle avait, dit la Vita Nuova, une attitude et une démarche si pleines de dignité, de grâce céleste, qu’on aurait pu dire d’elle ce qu’Homère dit d’Hélène : « qu’elle paraissait fille, non d’un mortel, mais d’un dieu. À sa vue, l’enfant poëte sent à ces profondeurs qu’il appellera plus tard le foyer le plus secret de l’âme, l’esprit de vie tressaillir. Son cœur a des palpitations terribles. Il subit l’empire du Dieu. Il s’y soumet. « Ecce deus fortior me ! »

En ce moment solennel, qui passe inaperçu au mi-