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DANTE ET GŒTHE.

Vous n’avez pas oublié, Viviane, ce passage de la Vita Nuova où notre poète rappelle, dans une prose digne de Platon, l’effet que produit sur lui le salut gracieux de Béatrice ?

VIVIANE.

Je n’en ai pas souvenir.

DIOTIME.

Il me revient si souvent à la pensée que je crois bien l’avoir retenu : « Lorsque je la voyais paraître quelque part, écrit Dante, tout entier à l’espoir de son salut ineffable, je ne me connaissais plus d’ennemi ; tout au contraire, je me sentais embrasé d’une flamme de charité telle, que j’avais hâte de pardonner à quiconque m’avait offensé. Et mon unique réponse à qui m’aurait alors demandé quoi que ce fût, c’eût été Amour ! »

VIVIANE.

Que cela est singulier d’expression !

DIOTIME.

Et plus singulier encore si l’on songe dans quelles circonstances cette flamme de charité s’allumait au cœur de Dante ; combien était insolite et prodigieux le besoin de pardonner dans cette Florence des guelfes et