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PREMIER DIALOGUE.

des élégances attiques, Dante néglige tout soin de sa personne ; il demeure inculte de corps et d’esprit. Son ami Guido lui en fait de tendres reproches.

« Que de fois, lui dit-il dans un sonnet charmant, je viens vers toi dans la journée, et toujours je te trouve dans une attitude abattue ; et je déplore ces grâces de ton esprit, ces grands talents qui te sont ôtés. » Les exhortations d’un tel ami et aussi cette forte vitalité qui est propre au véritable génie arrachent Dante à son accablement ; il ouvre son esprit à la consolation. Comme plus tard Élisabeth d’Angleterre, blessée dans ses royales espérances par l’abjuration du Béarnais, il lit Boëce. Il étudie le traité de Cicéron sur l’Amitié ; il cherche à pénétrer le sens difficile des auteurs latins. Il assiste dans les cloîtres à des discussions théologiques. Il trace sur ses tablettes de belles figures d’anges. Sa douleur s’attendrit, son intelligence se ranime. Il commence, dit-il, « à entrevoir beaucoup de choses. » Enfin, une vision extraordinaire achève de le relever. La grande consolatrice lui apparaît sous les traits de celle qu’il a aimée. « La fille très-belle et très-sage de l’empereur de l’univers, nous dit-il dans le langage hyperbolique du temps, celle à qui Pythagore a donné le nom de Philosophie, « vient à lui et l’exhorte. À peu de temps de là, sous son inspiration, il met ta main à cet écrit mystique qu’il a intitulé la Vie nouvelle. Il l’écrit tout d’un trait et le termine en annonçant la résolution « de ne plus rien dire de cette bienheureuse (Béatrice), jusqu’à ce qu’il en puisse parler d’une manière plus digne d’elle. » Il confie à ceux qui le liront l’espérance