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PREMIER DIALOGUE.

bons du catéchisme, je n’ai pas oublié mon Évangile. Je ne me sens ni le droit ni l’envie de jeter à Dante amoureux la première pierre. Je proteste seulement contre l’hypocrisie de cette désolation immense et de cette religion sévère du souvenir qui, selon vous, enfanta la Divine Comédie.

DIOTIME.

L’amour de Dante pour Béatrice fut un amour platonique dans le grand sens que ce mot gardait au moyen-âge ; dans le sens que lui donne, au banque de Platon, l’Étrangère de Mantinée, cette Diotime, de qui, un jour, dans vos gaietés ironiques, vous m’avez infligé le nom. C’était l’adoration de la beauté éternelle, dans sa plus exquise représentation ici-bas, la femme ; c’était le désir de la béatitude divine, exalté dans les âmes par le désir non satisfait d’une béatitude humaine, dont la femme était considérée comme le plus pur miroir ; c’était une initiation, un charme médiateur et purificateur ; c’était en même temps une sorte de possession séraphique. Mélange presque incompréhensible pour nous d’ascétisme et de sensualité, pieuse équivoque qui donna au culte de Marine une incroyable puissance, amena à J’ésus tant d’épouses passionnées, et dont le dangereux attrait ne s’explique que trop lorsque l’on considère le délaissement où restèrent toujours dans le daltonisme christianisé à qui l’on a donné le nom de mysticisme, et le Père éternel que l’on se figurait vieux, et le Saint-Esprit qui n’avait pas revêtu la forme humaine ! ce qu’osaient dire de très-saintes femmes tou-