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Page:Agoult - Dante et Goethe - dialogues.djvu/9

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PREMIER DIALOGUE.

ce grand imprécateur à la face sinistre, « qui allait en enfer et qui en revenait, » et le rayonnant Apollon, qui se faisait appeler monsieur le conseiller de Gœthe, anobli, décoré, ministre d’un grand-duc allemand, froidement recueilli dans sa haute indifférence, observant les jeux du prisme quand la Révolution française éclate sur le monde, et qui meurt plein de jours, d’honneurs et de biens, au milieu des jardins qu’il a plantés, au milieu des curiosités, des offrandes, que lui apportent, de tous les points du globe ses admirateurs à genoux !

DIOTIME.

Comme vous, je me suis étonnée, en ses commencements, de cette passion de mon esprit qui le ramenait en toute occasion dans la compagnie de deux poëtes aussi dissemblables. Je m’expliquais mal ce choix involontaire qui me faisait emporter ensemble, partout où j’allais, les deux petits volumes que vous regardiez hier sur ma table, et qui sont devenus pour moi, à peu de chose près, ce que le bréviaire est pour le prêtre : La Commedia di Dante Allighieri, et Faust, eine Tragœdie von Wolfgang Gœthe. Je ne voyais pas trop le sens de cette double prédilection. Mais comme elle était en moi véritable et obstinée, il me fallut bien en trouver la raison ; et c’est en cherchant cette raison que j’en suis venue à pénétrer peu à peu jusqu’à ces profondeurs de la vie idéale où nous sentons les harmonies, et non plus les dissonances des choses.