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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

royal, malgré toute une apparence charmante de jeunesse, qui séduit si aisément lorsqu’il s’y joint, comme chez le duc de Nemours, une éducation excellente, ce prince, seul entre ses frères, ne jouissait d’aucune popularité ; loin de là, l’antipathie des uns, l’indifférence des autres faisaient le vide autour de lui.

Le duc de Montpensier, le plus jeune des fils du roi, récemment uni à l’infante Louise, cherchait précisément ce que le duc de Nemours paraissait négliger ou dédaigner. Il poursuivait la popularité, mais sans discernement. Il en aimait l’éclat et le tapage plus que les avantages solides ; protégeait avec ostentation, plutôt qu’avec goût, les artistes et les hommes de lettres, les journalistes surtout, qui payaient en flatteries hyperboliques les privautés inaccoutumées auxquelles ils se voyaient admis à Vincennes[1].

Plus studieux, mieux appliqué à ses devoirs, le duc d’Aumale, marié à une princesse napolitaine d’une grande intelligence, avait des partisans sérieux. Quant au prince de Joinville, il jouissait dans le pays, dans l’armée de mer surtout, d’une popularité véritable. En dépit d’une affectation de brusquerie qu’il jugeait nécessaire à son rôle de marin, la douceur paraissait sur son visage mélancolique. Son attitude ne manquait ni de fermeté, ni de noblesse. Les personnes qui l’approchaient assez pour le pénétrer disaient bien que le prince de Joinville cachait, sous des allures franches et simples, un charlatanisme héréditaire et un désir de l’effet qui l’entraîneraient en mille travers ; mais le peuple, qui n’a pas ces finesses de discernement, se laissait aller aux apparences. La précoce surdité du prince le rendait intéressant. On aimait à voir à ses côtés cette belle Brésilienne, qu’il avait si cavalièrement épousée, et dont les grâces un peu sauvages charmaient les Parisiens. Enfin, on croyait savoir que le prince haïssait plus que ses frères

  1. Le duc de Montpensier commandait à Vincennes et y recevait une fois la semaine dans des appartements restaurés et ornés avec beaucoup de goût.