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HISTOIRE

le despotisme intérieur du roi, qu’il blâmait sa politique, et qu’il affrontait souvent les colères royales par de véhéments reproches[1].

Reconnaissant en lui des qualités toutes françaises, le peuple accueillait, en les exagérant, tous les bruits favorables au prince de Joinville. Lorsqu’il alla rejoindre en Algérie le duc d’Aumale, nommé gouverneur à la place du maréchal Bugeaud, on dit hautement qu’il allait expier dans l’exil des vues trop justes, un langage trop sincère pour n’être pas importun ; on ajoutait qu’une rivalité jalouse entre lui et le duc de Nemours, rivalité qui, malgré l’intervention de madame Adélaïde et de la princesse Clémentine[2], jetait le prince de Joinville dans le parti de la duchesse d’Orléans, avait rendu nécessaire son éloignement indéfini[3].

Ces ferments de discordes, ces passions contenues avec tant de peine par la main despotique du roi, présageaient au pays une régence orageuse. Le prestige du droit divin,

  1. Une lettre du prince de Joinville au duc de Nemours montre qu’en effet il attribuait au roi les dangers, très-nettement définis par lui, de la situation politique. (Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 2.)
  2. La princesse Clémentine, troisième fille du roi, avait épousé le prince de Cobourg, et résidait habituellement aux Tuileries. C’était une personne aimable et d’une intelligence cultivée.
  3. Il n’est peut-être pas sans intérêt de connaître l’opinion que feu M. le duc d’Orléans exprimait, dans l’intimité, sur ses frères et sur le rôle qu’ils joueraient au jour d’une insurrection populaire, toujours prévue au Château. « Nemours est l’homme de la règle et de l’étiquette, disait le duc d’Orléans ; il emboîte bien le pas, et se tient derrière moi avec une attention scrupuleuse. Jamais il ne prendra l’initiative, mais on peut le charger de défendre les Tuileries ; il se fera tuer avant d’en ouvrir les portes. D’Aumale est un brave troupier qui ne restera pas en arrière. Joinville a la passion du danger ; il fera mille imprudences brillantes, et recevra une balle dans la poitrine à l’assaut d’une barricade. Quant au petit, ajoutait-il en désignant le duc de Montpensier, depuis que les cadets ne sont plus abbés, je n’imagine pas trop ce qu’on en pourra faire. » – « Nemours aurait dû naître archiduc, » disait Louis-Philippe.