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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

vint avec la gloire par le mariage et par des héritages opulents. De 1820 à 1830, tout en suivant la carrière diplomatique, M. de Lamartine publiait des poésies dont la beauté fut plus contestée, mais dont le caractère était en affinité intime avec l’état des esprits durant cette période. Ce qu’on y peut regretter en fermeté de contour, en correction, en sobriété, en rapport parfait de l’expression avec la pensée, contribuait à les faire mieux goûter d’une jeunesse agitée alors d’aspirations confuses, en proie à ce vague des passions qui voulait se laisser bercer dans les régions du rêve et répugnait à toute discipline. Mais autant par leurs défauts ces poésies appartenaient à l’époque fugitive qui les a vues éclore, autant par leurs qualités essentielles elles se rattachent aux essors impérissables de la nature humaine.

Après la révolution de Juillet, M. de Lamartine demeura quelque temps à l’écart, puis il écrivit une brochure politique[1] dans laquelle, sans dissimuler les regrets de son cœur, il expliquait et légitimait aux yeux de la raison l’événement qui venait de porter au trône la branche cadette. Dès les premières pages de cette brochure on voit que la politique de M. de Lamartine jaillira, comme sa poésie, de source chrétienne. Il la définit lui-même en des termes que Fénelon n’eût pas désavoués : « La politique, dont les anciens ont fait un mystère, dont les modernes ont fait un art, n’est ni l’un ni l’autre : il n’y a là ni habileté, ni force, ni ruse ; à l’époque rationnelle du monde, dans l’acception vraie et divine du mot, la politique, c’est de la morale, de la raison et de la vertu. » Et il pose aussitôt les points essentiels de cette politique qui est la sienne : le suffrage universel, l’enseignement donné gratuitement à tous par l’État, l’extinction de toute aristocratie héréditaire, l’abolition de l’esclavage et de la peine de mort, la séparation complète de l’Église et de l’Etat, la paix européenne et

  1. De la politique rationnelle.