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HISTOIRE

rone en lui remettant des pouvoirs extraordinaires. Mais, tout à coup, au lieu des événements prévus, au lieu de la déclaration de guerre que l’on attendait de Piémont ou de France, une nouvelle inimaginable tombe comme la foudre sur Milan. Vienne est en pleine révolution ; Metternich a pris la fuite. Une constitution libérale est promulguée en Autriche ; c’est l’autorité autrichienne, le vice-gouverneur O’Donnel lui-même, qui fait proclamer, le 17 mars au soir, cet attentat inouï du peuple viennois contre la majesté impériale. L’effet de cette proclamation ne se fait pas attendre. Aussitôt, le drapeau tricolore flotte à toutes les fenêtres ; on entend le tocsin sonner dans les soixante clochers de la ville ; le peuple sans armes, mais résolu à tout, entoure la maison du podestat et l’entraîne malgré lui, aux cris de vive Pie IX ! vive l’indépendance italienne ! au palais de la chancellerie. Les factionnaires surpris laissent entrer la foule, qui pénètre jusqu’aux appartements du gouverneur et le force à signer l’ordre d’organiser la garde civique. Dans le même temps, toutes les rues de la ville se hérissent de barricades. Une telle audace, sous les yeux d’une garnison de 20,000 hommes, ne s’explique pas. Le maréchal Radetzki se persuade que tout est concerté avec les Piémontais ; dans la crainte d’une surprise, il quitte à la hâte son palais, se retranche dans la forteresse, et s’apprête de là à bombarder la ville[1]. Mais rien n’arrête l’intrépidité des Milanais. Le mouvement est universel, irrésistible. À défaut de fusils de munition, on se distribue des fusils de chasse, des pistolets, des couteaux, des poignards ; on parvient même à fabriquer quelques canons en bois, cerclés de fer, et l’on engage un

  1. Le 19, le consul général de France, M. Denois, réunit les consuls des différentes puissances et leur fit signer une protestation qu’il envoya au maréchal Radetzki. N’ayant pas obtenu de réponse, M. Denois demanda au maréchal une entrevue, et, le 21, il porta dans la forteresse les représentations énergiques du corps consulaire. Ce fut lui que le maréchal pria de se charger pour la municipalité de Milan d’une proposition d’armistice de trois jours.