Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

ouvrent de la manière la plus déplorable cette session si courte et qui devait être la dernière. Des fonds provenant d’une souscription de bienfaisance ont été détournés de leur destination et distribués arbitrairement par un préfet, dans l’intérêt d’un candidat ministériel[1]. C’est là un vol positif, sur lequel le débat qui s’engage avec assez de vivacité jette une lumière accablante. Mais la majorité, pressée de montrer au ministère qu’elle lui demeure invariablement fidèle, refuse d’ouvrir les yeux à l’évidence, et vote avec un accord affligeant cette élection plus que suspecte.

Ce vote était de bon augure pour M. Guizot ; par malheur on ne lui laisse pas le temps de s’en réjouir. Dès le lendemain, M. Barrot monte à la tribune et l’interpelle au sujet de la scandaleuse histoire, qui, sous le nom d’affaire Petit, préoccupe et indispose tous les esprits. Les faits sont trop avérés, les dates trop précises, les contrats trop authentiques ; le système des dénégations hautaines n’est plus applicable. Aussi M. Guizot donne-t-il un autre tour à la défense. Dans une confession renouvelée de Tartuffe, il s’accuse, et avec lui toutes les administrations qui l’ont précédé depuis trente ans, d’avoir laissé un point de jurisprudence douteux, d’avoir toléré une pratique regrettable, mais qui s’explique par d’anciennes traditions et par l’empire d’une partie des lois actuelles. « Mais ne croyez pas, ajoute le ministre, pris dans ce qu’il appelle un petit dédale d’accusations et d’insinuations, que j’entende me prévaloir de ce que je rappelle ici pour soutenir et justifier le fait en lui-même. Je ne me paye pas de subtilités, et je ne me plaindrai jamais de voir se développer les susceptibilités et les exigences morales de la Chambre et du pays. Que la conscience publique devienne chaque jour plus difficile et plus sévère, répète M. Guizot avec une merveilleuse assurance, je m’en féliciterai, bien loin de m’en plaindre. » Puis il certifie que, depuis deux ans, les faits de cette nature ont cessé de se produire, et annonce

  1. M. Richond des Brus, député de la Haute-Loire.