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HISTOIRE

auxquels on se livre sous ses auspices, son prestige d’austère probité. Comme si les paroles de M. de Tocqueville n’eussent pas été assez explicites, M. Billault, reprenant le même thème, formule un acte d’accusation en règle et somme le ministre de confesser la part qu’il a dans cette affaire, ou bien de destituer son chef de cabinet, M. Génie.

M. Janvier répond à cette accusation par une apologie complète, très-hasardée en pareille circonstance, du ministère. Il vante, au milieu des rires et des interruptions les plus insultantes, l’élévation du caractère de M. Guizot et déclare que les conservateurs continueront à le soutenir, parce que quelques fautes récentes ne leur feront point oublier de si longs services rendus.

Ces louanges et ces attestations de moralité sont suivies d’un discours assez ambigu de M. Dufaure, qui adopte l’amendement de M. Billault comme un avertissement conciliable avec l’estime. Mais M. Duchâtel repousse même cet avertissement adouci, et la majorité rejette l’amendement. Les questions de probité ainsi écartées, on passe aux questions politiques.

Les affaires d’Italie sont portées à la tribune par M. de Lamartine. La plus grande fermentation continuait à régner d’une extrémité à l’autre de l’Italie. L’Autriche redoublait de rigueur en Lombardie ; les prisons se remplissaient ; des rixes continuelles entre les étudiants et la force armée ensanglantaient Milan et Pavie ; les soldats se portaient aux plus graves excès et les proclamations brutales du maréchal Radetzki semblaient les y encourager. Ne pouvant encore se venger par une voie plus directe, la population milanaise essayait de tarir une des sources du revenu de l’Autriche en renonçant subitement à l’usage du tabac. Étrange conjuration, sérieuse sous une apparence frivole, qui montrait une unanimité redoutable dans la haine de l’étranger et faisait présager un soulèvement prochain. À Gênes, une émeute contre les jésuites inquiétait le gouvernement de Charles-Albert. Des manifestations du même