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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

De son côté, la commission du banquet publiait, le 24, une nouvelle déclaration qui dénonçait au pays les prétentions illégales du ministère, et persistait dans l’intention de donner le banquet. On vit cependant déjà quelque hésitation dans sa tactique, car elle ajoutait que, sur la demande de plusieurs députés retenus à la Chambre par la discussion de l’adresse, elle retardait la manifestation et qu’elle en ferait connaître ultérieurement le lieu et l’heure.

Dans l’origine, le lieu du rendez-vous, fixé au 19 janvier, était la rue Pascal, située au centre du douzième arrondissement, et dont la population effervescente paraissait très à craindre à tous ceux qui voulaient maintenir au banquet un caractère pacifique. C’était donc un premier symptôme de prudence dans les vues de la commission que de laisser indécis le lieu de réunion. Ceci n’échappa point au cabinet, et il se fortifia dans la pensée que, en demeurant inébranlable, il enlèverait le vote de la Chambre et verrait aussitôt s’évanouir, devant ce vote, des menaces d’enfants, d’autant plus bruyantes qu’elles partaient de cœurs moins affermis. Telle était la mésestime que le roi et ses ministres avaient au fond pour le pays légal. Une démarche du parti progressiste vint encore les confirmer dans leur sécurité dédaigneuse.

Une quarantaine de députés environ, appartenant à ce parti, ou plutôt à cette coterie, s’étaient constitués en comité, afin de mieux s’entendre sur la conduite a tenir dans la situation qu’allait créer à leur opposition ambiguë la discussion du paragraphe relatif au banquet. Une attitude franche et une résolution courageuse, pour des esprits de cette trempe, c’était une impossibilité de nature. Reconnaître le droit d’un côté ou de l’autre pour se ranger à sa défense n’était pas le sujet de leur perplexité. Il s’agissait pour eux simplement de tirer avantage des embarras du ministère et de mettre à bon prix leur concours.

Aussi, la veille du jour où devait s’ouvrir le débat, le 6 février, les progressistes députèrent à MM. Guizot et Duchâtel